Juste
une dimension de plus
Dr. J-P Jourdan - Article publié dans les Cahiers
de IANDS-France, Hors série scientifique N°1, janvier
2000.
Avant d'étudier un phénomène, quel qu'il
soit, la science aime avoir un tiroir bien étiqueté
pour le ranger. La difficile reconnaissance de la réalité
des NDE par le corps médical et scientifique est liée
à leur complexité autant qu'à leur composante
spirituelle et à certaines bizarreries récurrentes
qui n'entrent pas dans le corpus de connaissances consensuelles
qui permettraient, d'une façon ou d'une autre , de
les classer.
L'utilisation des témoignages à des fins médiatiques
et parfois idéologiques n'est pas faite pour calmer
les esprits et permettre un abord serein de la question, et
les premières victimes de cet état de fait sont
bien entendu les témoins, qui n'osent souvent pas évoquer
leur expérience, de peur de n'être pas compris
et parfois même psychiatrisés.
Il me semble nécessaire, si l'on veut que ces expériences
deviennent un sujet de recherche « honorable »,
d'en donner une vue dégagée de toute connotation
« mystique » , source potentielle de confusion
et de refus.
En mettant en avant la question d'une éventuelle survie
de l'âme ou de la conscience, ces expériences
ont été médiatisées sous leur
angle le plus apte à attirer l'attention du public.
Si la réponse à cette question n'est pas près
d'être trouvée avec certitude, l'accumulation
des témoignages et la cohérence de leur contenu
oblige néanmoins à se poser la question des
rapports entre cerveau et conscience, la persistance
de cette dernière dans des conditions où le
fonctionnement cérébral est pour le moins altéré,
sinon impossible, étant à mon avis une des questions
majeures de cette recherche.
La variété des points de vue exprimés
dans le Journal of Near Death studies ainsi que le travail
effectué par l'équipe de IANDS-France (publié
dans l'ouvrage collectif « La mort transfigurée
» (Mercier E.-S., 1992) ainsi que dans les Cahiers Scientifiques
de l'association ) ont montré que les angles d'approche
de ces expériences sont multiples, les interprétations
possibles abondantes, et les interrogations infiniment plus
nombreuses que les certitudes.
La possibilité (et la nécessité) d'approcher
ces expériences sous les angles de multiples spécialités
et disciplines se sont traduites par un découpage peu
propice à une vue synthétique qui me semble
pourtant nécessaire.
Il est néanmoins évident pour l'instant que
l'expérience dans sa globalité, la recherche
de sa signification et de ses implications existentielles,
philosophiques et transcendantes ne peuvent pas être
étudiés avec les mêmes outils ou concepts
que ses différentes caractéristiques (déclenchement,
similarités et différences par rapport à
d'autres expériences du même type, caractéristiques
perceptives, émotionnelles, capacités de réflexion,
de décision, conscience de l'expérience, de
soi même, de l'environnement, effets secondaires, etc.),
qui sont autant d'indices permettant d'avoir une idée
du « comportement » de la conscience dans des
conditions non ordinaires et, nous le verrons plus loin, peuvent
déboucher sur des implications allant bien au delà
du « simple » cadre des NDE.
L'une de ces particularités perceptives est particulièrement
intéressante, malgré sa difficulté pour
le témoin à l'expliquer : il s'agit de la perception
d'une scène simultanément depuis plusieurs points
de vue.
De nombreux témoignages comportent une notion de «
vue » sur 360° : dans ce cas, une personne rapporte
avoir « vu » à la fois devant, derrière,
en bas et en haut, en même temps qu'à gauche
et à droite. Notre champ visuel est en effet
physiquement limité par les caractéristiques
optiques des yeux, mais, s'agissant ici d'une perception sans
le secours de ces derniers, il peut être compréhensible
que la perception s'étende à toutes les directions
de l'espace, même si cela présente des difficultés
d'interprétation pour les aires cérébrales
concernées..
Mais il y a une différence fondamentale avec
le cas qui nous intéresse : dans ce dernier, tout se
passe comme si la perception se faisait depuis toutes les
directions de l'espace, simultanément. Pour donner
un exemple, dans le cas d'une perception « sur 360°
», le témoin va décrire tout ce qu'il
y a autour de lui, dans toutes les directions y compris le
sol et le plafond, dans une sorte de panoramique sphérique.
Dans le deuxième cas, il va décrire, par exemple,
le lit sur lequel son corps repose, mais vu simultanément
depuis plusieurs directions de l'espace' En essayant de dessiner
la scène, la seule possibilité pour lui d'en
donner une idée sera de faire plusieurs schémas,
comportant des vues de face, de profil, d'en haut, d'en
bas, etc.
C'est précisément en recueillant le témoignage
d'un expérienceur qui essayait de me faire comprendre
comment il avait pu se voir ainsi depuis toutes les directions
de l'espace que l'idée de base de cet article m'est
venue.
QUELQUES PRÉCAUTIONS NÉCESSAIRES..
Afin de pallier quelque peu au contenu peu orthodoxe
des lignes qui vont suivre, et dans un but de salubrité
publique, je voudrais faire quelques remarques préalables,
qui me semblent nécessaires quand on traite d'un tel
sujet.
Tout d'abord, le mot « conscience » risquant d'être
prononcé quelques fois dans les lignes suivantes, je
vais sans attendre en donner une définition personnelle
inspirée par nos préoccupations du moment. J'ai
d'abord envisagé : « ce qui est et se sait être
», mais être conscient sans un minimum d'interaction
risque d'être monotone à la longue.. Je préfère
donc la définition suivante, plus en rapport avec le
contenu de cet article : « ce qui perçoit et
est conscient de cette perception »...
Toute recherche scientifique se doit de partir, autant que
possible, d'un terrain solide, ce qui n'est pas évident
pour ce qui concerne ces expériences.. Il sera donc
nécessaire, si l'on veut avancer, de le faire prudemment
en utilisant autant que possible des concepts bien définis,
et donc de « décortiquer » les NDE sous
tous les angles permis par nos connaissances actuelles, afin,
en dernier lieu, de pouvoir en faire une synthèse.
Cela ne veut pas dire, bien au contraire, que ces expériences
devraient pouvoir trouver une explication dans le cadre de
la « science certaine » actuelle. Mais si l'on
doit un jour admettre qu'elles dépassent précisément
ce cadre (et c'est ce qui fait leur intérêt !)
et n'en sont pas moins un sujet de recherche « honorable
», si nous voulons promouvoir une recherche plus large,
il faudra être partis d'un terrain aussi solide que
possible.
Cependant, si l'on veut avancer dans notre compréhension
des NDE, il doit aussi être permis, et même conseillé,
de spéculer. Mais à la condition d'en être
conscient et de respecter la démarcation entre ce que
l'on sait et peut démontrer ou prouver, ce que l'on
peut raisonnablement supposer et qui sera peut être
démontrable mais ne l'est pas encore, et ce que l'on
peut déduire ou envisager sans avoir pour le moment
les moyens d'une preuve.
Il est donc primordial de bien distinguer les différents
aspects de l'expérience, et de savoir sur quel niveau
on se situe quand on en parle, afin de permettre une recherche
sur ce qui est à notre portée, mais aussi autoriser
une spéculation sur ce qui ne l'est pas encore.
Cela permettra d'éviter le problème des «
groupes d'initiés » où tout le monde parle
à peu près de la même chose avec un langage
commun et des concepts en général assez vagues
plus ou moins admis par tous, ce qui laisse très
vite penser qu'il s'agit de « science certaine »
alors qu'il s'agit en fait d'un simple consensus. De ce fait,
tous les dérapages deviennent possibles.
Je pense, pour éviter ce risque, conseiller l'usage
immodéré du « tout se passe comme si..
», ou de toute formule équivalente.
Je vais donc essayer de définir « naïvement
» un cadre théorique, pour l'instant très
simple, permettant de rendre compte d'un maximum de faits
ressortant des témoignages, et propre, s'il s'avère
correct, à permettre la synthèse dont je parlais
plus haut : il est en effet fréquent de retrouver dans
ces témoignages des faits troublants, inexplicables
dans l'état actuel de nos connaissances, ainsi que
des particularités perceptives tout aussi singulières,
qui font à l'évidence partie des NDE et ne peuvent
être passées sous silence. Les interprétations
habituelles, « mystiques » ou « paranormales
», tout en rajoutant des étiquettes supplémentaires,
n'apportent pas grand chose.. Les interprétations psychologiques
ou psychanalytiques sont aussi nombreuses qu'il y a d'écoles
et, en tout état de cause, ne considèrent pas
ces faits comme réels, mais (si j'ai bien compris !)
comme le résultat d'une mauvaise interprétation
ou restitution par le « conscient » de phénomènes
ou mécanismes inconscients.
Il doit être bien clair que le modèle que
je vais présenter est spéculatif, et doit donc
être bien compris comme tel. Mais il permet à
mon avis de donner un cadre cohérent, non réducteur
et surtout non restrictif, qui permettra d'étudier
les NDE (ainsi que les états modifiés de conscience
en général) sous l'angle le plus large possible,
dans la mesure ou il essaie d'unifier un certain nombre de
faits et de particularités incompréhensibles
dans le cadre actuel de nos connaissances. S'il s'avère
intéressant, je m'efforcerai de le développer,
et la recherche ultérieure permettra de le valider
ou de l'invalider.
Voici donc, en résumé, les faits qui posent
un problème :
-
Perception
d'un environnement (au sens large du terme) manifestement sans
le secours des organes des sens (nombre de témoignages
ont pu être corroborés dans lesquels le témoin
ne pouvait pas physiquement avoir perçu ce qu'il rapporte).
-
Dans
le même ordre d'idée, apport inexplicable d'information
(dont l'exemple le plus prosaïque est l'histoire de la
chaussure dans la gouttière de l'hôpital, mais
il y en a d'autres, tels ces témoins (étudiés
en particulier par Michael Sabom (1983)), qui ont « assisté
» à leur propre réanimation et pouvaient
décrire les gestes de l'équipe de réa,
et en particulier le fonctionnement d'un défibrillateur..).
-
Communication
(toujours au sens large) uni- ou bilatérale, sans le
secours des organes normalement dédiés à
cet usage.
-
Particularités
perceptives, que l'on rencontre couramment : Perception «
globale », non visuelle, identification à l'objet
ou à l'environnement « observé »,
perception sur 360°, impression que les objets observés
sont vus dans leur totalité par transparence, perception
simultanée de la scène depuis plusieurs points
de vue, « éclairage » ne respectant pas les
lois de l'optique, communication non verbale, perception de
sons sans le secours de l'appareil auditif, perception (vérifiée
!) des pensées de participants à la scène,
etc..
Raymond Moody rapporte dans La lumière de l'au-delà
un exemple résumant bien ces premiers points (p. 171-172):
'Un autre cas étonnant, qui montre bien que la NDE représente
bien plus qu'un simple dysfonctionnement du cerveau m'a été
rapporté par un médecin du Dakota du Sud .
Un matin, alors qu'il arrivait en voiture à l'hôpital,
il avait embouti l'arrière d'une autre voiture. Cela l'avait
profondément perturbé. Il craignait que les gens qu'il
avait heurtés prétendent avoir souffert d'un «
coup du lapin » et lui réclament la forte somme..
Cet accident le perturba profondément et ne cessa de le hanter
pendant toute la matinée. Il l'avait toujours présent
à l'esprit quand il fut appelé aux urgences pour réanimer
une personne victime d'un arrêt cardiaque.
Le lendemain, l'homme qu'il avait réanimé lui dit
: « pendant que vous vous occupiez de moi, je suis sorti de
mon corps et je vous ai regardé travailler. »
Le médecin commença à lui poser des questions
sur ce qu'il avait vu ; il fut abasourdi par la précision
de la description. Son malade lui expliqua méticuleusement
à quoi ressemblaient les instruments utilisés et même
l'ordre dans lequel on s'en était servi. Il indiqua précisément
les couleurs des appareils, leur forme et même les différents
cadrans de ces appareils.
Mais ce qui convainquit réellement ce jeune cardiologue de
l'authenticité de l'expérience de son patient fut
que celui-ci ajouta : « Docteur, je sais bien que vous étiez
embêté par cet accident. Mais vous ne devez surtout
pas vous en faire pour ce genre de choses. Vous consacrez votre
temps aux autres, personne ne va vous faire de mal. »
Cet homme ne s'était pas contenté d'observer les détails
concrets de son environnement pendant qu'il était inconscient
; il avait aussi lu dans les pensées de son médecin
!
-
Perturbation
des notions d'espace et de temps, qui semblent soit inadéquates,
soit totalement différentes, en tout état de cause
difficiles à décrire.
-
Accès,
rapporté par de nombreux témoins, à une
sorte de savoir universel, à un réservoir illimité
de connaissances.
-
Revue
de vie, vécue de façons diverses : séquentielle,
re-vécu des évènements importants ou charnières,
revue de la totalité de la vie en quelques instants,
ou en dehors de toute notion de temps ou de durée, etc.
Cette revue de vie semble différente d'un souvenir remémoré,
dans la mesure où elle est souvent vue de l'extérieur,
«en perspective». De nombreux éléments
ne faisant pas partie d'une remémoration normale
y sont associés, tels les émotions du témoin
mais aussi celles des autres protagonistes, la perception
et la compréhension des tenants et aboutissants de chaque
acte ou décision, ainsi que la perception de leur impact
sur l'entourage. Tout se passe comme si les témoins percevaient
leur vie non pas de leur point de vue personnel, mais d'un point
de vue englobant aussi le contexte et l'entourage immédiat.
-
Accès,
durant l'expérience ou après celle ci, à
des évènements futurs d'ordre personnel vérifiés
par la suite (à bien différencier des «visions
prophétiques» touchant l'avenir de l'humanité,
qui ne semblent pas du même ordre).
-
Synchronicités
fréquentes dans les suites de l'expérience (Jung
définit ainsi ce concept : "La synchronicité signifie
d'abord la simultanéité d'un certain état
psychique avec un ou plusieurs évènements extérieurs
qui apparaissent comme des éléments parallèles
signifiants par rapport à l'état subjectif du
moment et -éventuellement- vice versa"). En clair, il
s'agit de la survenue d'évènements liés
entre eux et aux préoccupations du sujet par leur signification,
mais sans qu'un lien de causalité puisse être mis
en évidence. (nous verrons quelques exemples plus loin).
SI LE CADRE NE CONVIENT PAS'
Tout cela est bizarre ! Qu'est ce que la science peut bien
faire de tels témoignages ? Il est évident que ces
« curiosités » ne rentrent pas dans son cadre
habituel, va t'on donc les mettre dans un panier marqué «
surnaturel », ( avec les enlèvements par des extra
terrestres, l'oncle décédé racontant des platitudes
par l'intermédiaire d'un oui-ja ou le monstre du Loch Ness),
qui pourra servir ultérieurement a nous procurer le délicieux
frisson de l'inconnu, des énigmes non résolues qui
aident à supporter ce monde cruel, en laissant penser qu'un
jour, vous verrez, tout ça va changer !
Ou bien, va t'on faire de la mauvaise science (c'est à
dire du scientisme), le plus simple dans ce cas étant
de passer sous silence tout ce qui dérange, et d'étudier
consciencieusement le reste, qui est nettement plus respectable,
en le voyant chacun par le petit bout de sa propre lorgnette ?
On peut encore, car ces choses sont fréquentes et difficiles
à passer sous silence, les prendre une par une et trouver,
à force de contorsions intellectuelles, une explication raisonnable
et supportable dans le cadre de la science actuelle, en parlant
de perturbations cérébrales, d'hallucinations sans
objet, de reconstruction de la réalité, de protection
du moi, etc. !
Ou on peut (quelle naïveté !) partir du principe que
si des centaines de gens racontent la même chose, c'est peut
être qu'il y a quelque chose de vrai là dedans ! peut
être même que tout est vrai, allez savoir ! Mais alors,
pourquoi cela ne rentre t'il pas dans ce sacré cadre (ou
paradigme si vous préférez les grands mots..) par
ailleurs si cohérent ?
99% des gadgets technologiques que nous utilisons aujourd'hui n'existaient
pas il y a 50 ans, et auraient semblé magiques ou surnaturels
à l'époque... J'ai employé à dessein
le terme « naïvement », car je vais donc considérer
que tous ces phénomènes qui dérangent le bel
ordonnancement de notre vision du monde sont bien réels,
mais n'ont pas encore trouvé de cadre dans lequel ils seraient
cohérents.
Je n'ai pas la place de m'étendre sur les progrès
concernant notre connaissance de l'univers, de l'infiniment petit
à l'infiniment grand, mais reconnaissez que celle ci a quelque
peu évolué ces derniers temps ! Peut être pourrait
on considérer que le bizarre d'aujourd'hui a toutes les chances
d'être intégré un jour ou l'autre dans une vision
moins étroite..
..ÉLARGISSONS-LE !
De l'époque où j'étais un adolescent boutonneux,
je me souviens d'un certain problème de maths apparemment
insoluble que le prof nous donna un jour à résoudre
avec un sourire en coin.. Il voulait manifestement nous apprendre
quelque chose, mais quoi ?.
Quand, après seulement quelques minutes de réflexion,
le visage soucieux du surdoué de service se détendit,
illuminé d'un éclair de compréhension, cela
ne rassura personne. « Il a mangé encore plus de phosphore
que d'habitude.. », pensa l'inconscient collectif de la classe,
en le voyant rédiger la solution en deux minutes et prendre
un air de profond ennui, attendant que le bas peuple que nous étions
admette sa défaite après une demi heure de vaines
cogitations.
La solution, en fait, était très simple. Nous le comprîmes
quand le prof demanda à Charles-Norbert d'aller au tableau'
« C'est évident », nous expliqua ce dernier avec
un air légèrement condescendant, tout en écrivant
d'une craie légère l'énoncé du problème.
« Tel quel, c'est pratiquement insoluble », reprit-il,
« mais il suffit de changer de repère, comme ça,
et tout se simplifie'». La première courbe qu'il avait
dessinée, et qui ressemblait à une grossesse avancée
pointant en haut et à gauche était devenue une parabole
toute simple, centrée sur l'axe des y..
Un jeu d'enfant, en somme.
Durant la première période de mon travail avec IANDS,
j'ai essayé de comprendre quels pouvaient être les
phénomènes à l'origine du déclenchement
des NDE (Jourdan, 1994). En cherchant des points communs avec d'autres
expériences du même type que l'on peut qualifier de
transcendantes, et que l'on retrouve dans toutes les traditions
mystiques, je me suis rendu compte que pratiquement toutes ces traditions
utilisaient des techniques psychophysiologiques précises
pour essayer de déclencher de tels états. Nombre de
ces techniques reposaient sur une certaine maîtrise du souffle,
sur l'utilisation de sons rythmiques ou de certaines formes de danse,
qui semblent toutes tendre vers le même but : restreindre
le champ de perception de la conscience, et tourner celle ci vers
l'intérieur plutôt que vers l'extérieur, tout
en réduisant autant que possible l'activité mentale
consciente. La méditation et d'autres techniques similaires
poursuivent le même but, avec des moyens différents
mais des effets souvent analogues.
Le point commun à toutes ces techniques, sur le plan
neurophysiologique est qu'elles sont probablement susceptibles
d'induire au niveau cérébral(et en particulier au
niveau de l'hippocampe qui est une zone clé pour le passage
des informations sensorielles), un rythme particulier qui serait
susceptible de bloquer le passage des informations sensorielles
(Jourdan, 1994).
Il se trouve qu'un certain nombre d'expérimentations (Collier,1972,
Korramzadeh & Lofty, 1973) effectuées avec un anesthésique
dissociatif, la Ketamine, qui agit sans réellement endormir,
mais en déconnectant les voies sensorielles, ont débouché
sur des expériences présentant des points communs
avec les NDE.
Un troisième point important repose sur une hypothèse
proposée par Karl Jansen, reposant sur la libération
d'endopsychosines (Jansen,1990), dans un but de protection cérébrale.
En effet, si pour une raison ou pour une autre il se produit une
anoxie cérébrale, il y a un risque élevé
de destruction de certains neurones par la libération massive
d'un neuromédiateur, le glutamate, qui présente l'intérêt
de permettre le passage rapide de l'information (ce qui d'une
utilité certaine s'agissant des informations sensorielles)
mais qui a l'inconvénient d'être toxique s'il
est libéré en trop grande quantité. Les endopsychosines,
en se liant aux récepteurs (NMDA) du glutamate, seraient
susceptibles de l'empêcher d'agir sur les neurones avec pour
effet collatéral de bloquer toute transmission d'informations,
un peu comme une fausse clef peut bloquer une serrure.
Jansen pensait expliquer ainsi la revue de vie que l'on retrouve
souvent dans les NDE, la déconnexion sensorielle, à
son avis, permettant aux souvenirs de revenir au premier plan de
la conscience. Pour moi cela va beaucoup plus loin, et je pense
que cette déconnexion est en fait le primum movens de la
NDE, dans laquelle un risque élevé d'anoxie cérébrale
entraîne logiquement le déclenchement de mécanismes
neuroprotecteurs. Il est très probable que ce mécanisme
soit aussi à l'origine des témoignages similaires
d'expériences (Lempert T. & al., 1994) survenues à
la suite de syncopes vagales, au cours desquelles le cerveau voit
sa perfusion sérieusement diminuer, ainsi que chez les pilotes
de chasse durant des pertes de connaissance liées à
l'accélération.
Nous nous trouvons donc devant un ensemble d'expériences
ayant des caractères communs avec les NDE, qu'elles soient
spontanées comme dans ce dernier cas, provoquées par
des techniques psycho-physiologiques comme dans les traditions mystiques,
par une drogue comme c'est le cas avec la Ketamine, ou par une réaction
de l'organisme à des conditions physiologiques extrêmes.
Ce qui est important est que toutes semblent avoir un point commun
: elles semblent être rendues possibles par une déconnexion
des informations sensorielles, en clair et plus généralement,
par le fait que la conscience soit isolée de ses interactions
avec le monde physique. Ceci est le premier point important.
Il n'est pas prouvé de façon irréfutable, il
ne cherche pas à expliquer les NDE, mais simplement à
rendre compte des phénomènes qui permettent leur survenue.
Il est possible maintenant de spéculer sur ses prolongements
logiques :
Il y a tout d'abord un point qui me semble établi, et qui
ressort de la multiplicité des témoignages. On retrouve
en effet des témoignages tout à fait comparables dans
des circonstances très variées :
-
accidents
divers, arrêts cardiaques, noyades, etc., dans lesquelles
on peut supposer que le cerveau souffre d'hypoxie (manque d'oxygène)
et d'hypercapnie (augmentation du taux de gaz carbonique),
-
mais
aussi accidents cardio-circulatoires survenus lors d'une intervention
chirurgicale, au cours de laquelle le cerveau est non seulement
en hypoxie et hypercapnie, mais de plus saturé de drogues
et anesthésiques divers,
-
et
enfin ce que l'on appelle Fear Death Experiences , c'est à
dire des expériences tout à fait semblables aux
NDE, mais déclenchées par une frayeur ou un risque
bien réel et imminent, mais sans aucun traumatisme (c'est
le cas de l'accident apparemment inévitable mais évité
de justesse).
Une certaine logique oblige alors à envisager quelques hypothèses
:
-
soit
il existe au niveau du cerveau une zone parfaitement protégée
de toute influence toxique et à l'abri de l'anoxie, zone
qui resterait fonctionnelle quelles que soient les circonstances,
et serait donc le lieu des derniers fantasmes du moi condamné
à brève échéance. La logique oblige
à reconnaître alors que cette zone doit être
capable non seulement de générer des fantasmes,
mais en plus d'en permettre la prise de conscience et la mémorisation.,
qui sont tout de même deux fonctions pour le moins complexes
et demandant une certaine capacité de traitement'. Quoiqu'il
en soit, il s'agirait alors d'une expérience purement
« interne » ne pouvant rendre compte de tous ces
témoignages qui montrent un apport et une mémorisation
d'information tout à fait inexplicables. Et ne parlons
pas de la cohérence des témoignages qui sont quasiment
indépendants de la culture, de la religion, du sexe et
de l'âge des témoins, ce qui impliquerait quelque
chose comme une transmission génétique (et non
culturelle) des fantasmes'
-
soit
nous voulons bien ouvrir les yeux sur les faits suivant :
Si
le déclenchement de ces expériences semble du, au
bout du compte, à un phénomène d'isolation
de la conscience par rapport aux structures cérébrales
lui permettant habituellement une interaction avec le monde «
extérieur », leur déroulement et leur contenu
restent similaires dans des conditions de fonctionnement cérébral
extrêmement variées.
Si donc elles ne dépendent pas de l'état physiologique
et fonctionnel du cerveau, tout se passe comme si le « lieu
» de la NDE n'était pas ce dernier.
-
Soit
, comme c'est probable, c'est encore plus compliqué que
ça.. (concernant cette dernière hypothèse,
pitié, on verra plus tard !)
Si
vous entendez de la musique alors que votre transistor n'a pas de
piles, il y a toutes les chances pour que celle ci provienne d'ailleurs..
(pour autant, nous le verrons plus loin, que la notion d'ici et
d'ailleurs ait un sens dans ces circonstances..)
Nous sommes des mammifères, et notre cerveau est constitué
d'un ensemble de capteurs (les organes des sens) qui sont en même
temps des filtres (nous n'avons pas besoin d'entendre les ultrasons,
ni de voir dans l'infrarouge ou l'ultraviolet..), de circuits de
traitement des informations (les aires cérébrales
primaires et associatives), de zones dédiées aux différentes
formes de mémoire, de zones intégrant tout cela, sans
oublier ce qui nous permet d'agir, c'est à dire (en résumé)
toutes les zones motrices. Il est « conçu » pour
nous permettre de vivre et de survivre dans le monde physique que
nous connaissons, et pour cette survie ses fonctions sont nécessaires
et suffisantes.
Pour la suite du raisonnement, nous allons donc admettre la chose
suivante : tout se passe comme si le cerveau pouvait être
considéré comme une interface nécessaire à
la conscience pour interagir avec l'univers physique.
Remarquez que, dans tous les cas de figure, cette dernière
hypothèse n'est en rien un problème, et ne préjuge
ni de la nature de la conscience, ni de son éventuel siège,
ni pour l'instant du problème de son autonomie ou de sa dépendance.
UNE QUESTION DE DIMENSIONS..
Tout se passe donc comme si cette interface, parfaitement adaptée
à cet univers qui comporte trois dimensions d'espace plus
une de temps, limitait la conscience et les perceptions à
ces dimensions-là.
Jusque là, tout va bien, il n'y a là dedans rien de
transcendant.. Mais des expériences comme les NDE viennent
compliquer ce tableau. Dans ces états particuliers, en effet,
tout se passe comme si ce filtre était moins efficace ou
carrément débranché, sans que la conscience
soit atteinte (ou éteinte !), permettant à cette dernière
d'accéder à une certaine liberté vis-à-vis
de ses limitations habituelles, c'est-à-dire, en particulier
la perception en quatre (3+1) dimensions .
Nous abordons là un thème qui demande quelques précisions
préliminaires, (et que les vrais mathématiciens et
physiciens me pardonnent certaines approximations !) :
Un point n'a aucune dimension (mathématiquement parlant,
il est infiniment petit).
Une droite possède une dimension de genre espace (en gros,
la longueur !), un plan en possède deux (longueur x largeur),
un volume est défini par trois dimensions (longueur x largeur
x hauteur). Mais une droite ou un cône instantanés,
c'est à dire sans durée, ne seraient guère
utiles. Il faut donc rajouter à leurs dimensions spatiales
une dimension supplémentaire (de genre temps) qui leur permet
de « durer ».
Une droite (donc une dimension) est constituée d'une infinité
de points. Un plan (deux dimensions) contient une infinité
de droites. Un volume, lui comprend une infinité de plans.
Tout cela permet de définir la géométrie apparente
de l'univers dans lequel nous vivons, et qui, pour nous en tout
cas, possède trois dimensions d'espace (que nous maîtrisons)
plus une de temps (que nous subissons inexorablement !) : c'est
un univers à (3+1)= 4 dimensions.
Une autre caractéristique qu'il faut bien comprendre pour
la suite est que chaque dimension dans cette hiérarchie peut
être conçue comme perpendiculaire à l'ensemble
des autres.
La longueur est perpendiculaire à la largeur, et la hauteur
est perpendiculaire à la fois à la longueur et à
la largeur. En gros, on peut donc mesurer un déplacement
dans la dimension (N+1) par rapport à la dimension (N) en
mesurant la longueur de ce déplacement dans une direction
perpendiculaire à la dimension (N), qui est l'axe définissant
la dimension(N+1).
Par exemple, vous lisez ce texte imprimé sur une feuille
de papier, c'est à dire sur un plan qui possède (approximativement,
puisque la feuille a une certaine épaisseur) deux dimensions.
Votre 'il se trouve donc à une certaine distance de cette
feuille, distance qui est mesurable dans une troisième dimension
perpendiculaire au plan de la feuille.
Essayons maintenant de comprendre comment peut exister une dimension
« perpendiculaire » à nos trois dimensions d'espace
:
Nous avons vu que ces trois dimensions ne suffisent pas à
définir notre univers, mais qu'il y en a une quatrième
que tout le monde connaît : le temps.
Puisque celui ci , bien que d'un genre particulier, est une dimension
comme les autres, il doit logiquement être lui aussi «
à angle droit » par rapport à nos trois dimensions
d'espace, ce qui est assez difficile à se représenter
! Essayons pourtant :
Quand vous déplacez la feuille que vous lisez, par exemple
en la rapprochant de votre 'il, tous les points de cette feuille
se déplacent simultanément dans une même direction,
dont nous avons vu qu'elle est l'axe d'une troisième dimension
perpendiculaire à la feuille. Eh bien quand le temps passe,
tout ce qui appartient aux trois dimensions d'espace se déplace
de la même façon sur l'axe du temps, à la même
vitesse et dans la même direction, c'est à dire du
passé vers l'avenir. Cet axe est donc bien perpendiculaire
à nos trois axes/dimensions d'espace.
Le point ou nous nous trouvons sur l'axe du temps est l'instant
présent. Tous les points d'un objet sont exactement à
la même distance temporelle de l'objet qu'il était
par exemple il y a une heure, soit 3600 secondes. S'il n'en était
pas ainsi, il y aurait un risque que votre tête ne se déplace
pas en même temps que vos épaules (concept intéressant
pour les psychiatres ?), ou que le fond du verre dans lequel vous
vous versez à boire ait quelques secondes de retard, ce qui
risquerait d'avoir des effets pour le moins bizarres, sans parler
des frais de blanchisserie...
Afin d'imager un peu notre démonstration, nous allons nous
permettre une certaine liberté, et suivre les aventures d'une
chenille. Celle ci n'est pas bien entendu un animal à deux
dimensions, pas plus que l'univers dans lequel elle vit habituellement.
Nous allons donc imaginer une chenille infiniment plate vivant sur
un plan, univers limité (approximativement donc et pour les
besoins de la démonstration !) à deux dimensions sur
lequel elle rampe, et va découvrir millimètre
par millimètre le terrain où elle avance. Elle ne
dispose d'aucune perspective lui permettant de voir où elle
est passée, ni vers où elle se dirige à plus
ou moins long terme.
Mais pour nous qui disposons d'une dimension verticale, il est naturel
d'embrasser d'un seul regard tout le terrain où elle
évolue, et il n'y a rien de surnaturel dans le fait que nous
puissions savoir bien avant elle les obstacles qu'elle va rencontrer,
où elle va trouver une feuille à grignoter etc. Nous
voyons simplement son « univers » depuis une dimension
qui l'englobe, une troisième dimension qui est très
prosaïquement la hauteur. Le plan sur lequel se trouve la chenille
est entièrement inclus dans le volume où nous nous
trouvons, et de n'importe quel point de ce volume extérieur
à ce plan (si nous avons le nez par terre, nous n'y voyons
pas plus que la chenille !), nous pouvons avoir une vue globale,
en perspective,de ce plan et de tout ce qui s'y trouve.
(Pour comprendre la suite de cet article, un peu de gymnastique
mentale sera nécessaire pour transposer ce passage d'une
dimension(n) à une dimension(n+1). La plupart des exemples
que je donnerai concernant les différences entre deux et
trois dimensions, vous devrez faire un petit effort pour imaginer
ce que peut donner un accès à une cinquième
dimension depuis notre univers à (3+1) dimensions).
Tout se passe donc comme si l'accès à une dimension
(n+1) (dans notre cas, la hauteur) permettait d'avoir une «
vue » globale de ce qui se trouve dans la dimension (n).
C'est tout simplement cette remarque qui va nous permettre
d' « élargir le cadre », en émettant une
hypothèse :
Le cerveau, organe parfaitement matériel et bien terrestre,
en tant qu'interface entre la conscience et notre univers,
garde en quelque sorte à cette dernière le «
nez par terre ».. C'est lui qui nous permet d'être présents,
de percevoir et d'agir dans l'univers que nous connaissons. Mais
nous avons vu que lors d'une NDE, cette interface était «
débranchée », puisque nous nous trouvons effectivement
dans l'impossibilité totale d'interagir avec le monde physique,
(c'est en général le cas quand on est dans le coma..).
Mais puisque nombre de témoignages laissent penser que la
conscience puisse persister, plus rien ne l'empêche de se
« relever » (ou de s'élever , si vous préférez
plus mystique), et de prendre une certaine « hauteur »
ou distance par rapport à l'univers ordinaire..
Lors d'une NDE, si la conscience acquiert bien une certaine
liberté en accédant en quelque sorte à une
cinquième dimension, cela se traduit dans les faits
par la faculté de percevoir globalement tout ce qui se trouve
dans notre univers à quatre dimensions .
(c'est dans cette optique qu'il me semble un non sens de parler
de localisation de la conscience, qui n'est peut être pas
plus « quelque part dans notre univers » qu'un cube
n'est à l'intérieur de son ombre....).
Contrairement aux apparences, tout cela n'a rien de farfelu. Il
existe actuellement une théorie (la théorie des supercordes)
qui est née d'un besoin urgent d'unification (la physique
rencontre de plus en plus de forces et de particules, et a du mal
à en avoir une vue globale et cohérente dans notre
espace-temps à quatre dimensions). Dans cette théorie,
l'univers possède dix dimensions. Et aux dernières
nouvelles, je cite (Kaku, 1999) : « Récemment,
c'est la recherche sur les supercordes dans la onzième dimension
qui a connu une activité débordante. Edward Witten,
de l'Institute for Advanced Study de Princeton et Paul Townsend,
de l'université de Cambridge, ont montré que nombre
de mystères de la théorie des supercordes deviennent
transparents si nous formulons la théorie en onze dimensions
»..
Je n'aurai donc aucun complexe à me contenter d'une cinquième
dimension, dans laquelle, nous le verrons, nombre des mystères
qui nous préoccupent deviennent eux aussi transparents !
Tout se passe donc (et les exemples n'en manquent pas) comme si
les perceptions, dans cet état là, transcendaient
l'espace et le temps, et par là même n'étaient
pas limités par les caractéristiques des capteurs
sensoriels ou du filtre cérébral.
Si tout cela se révèle plus ou moins juste, alors
beaucoup de choses s'éclairent :
Imaginons pour commencer notre être à deux dimensions
se promenant sur un plan, et rencontrant ce qui pour nous au premier
coup d''il se révèle un simple triangle. Comprenons
bien que pour lui il est opaque, c'est à dire que si de notre
point de vue nous percevons en même temps ses trois segments,
la « chenille », elle, ne pourra en voir simultanément
que deux côtés au maximum. En effet, son point de vue
se situe dans le même plan que le triangle, et pour l'instant
elle ne dispose d'aucun moyen de le voir depuis une quelconque hauteur,
étant par définition un être vivant dans ce
monde/plan à deux dimensions. Pour se rendre compte de la
forme de la figure qu'elle vient de rencontrer, elle devra en faire
le tour. De même pour nous, un objet solide , en trois dimensions
donc, aura toujours une face cachée, et pour en connaître
l'intégralité nous sommes obligés d'en faire
le tour.
Imaginons donc qu'elle aborde le triangle face à sa base,
que nous appellerons BC, le point A étant le sommet opposé
qu'elle ne peut donc voir. De son point de vue, elle voit donc un
segment (BC) et rien d'autre. Si elle fait le tour, elle verra successivement
les segments CA, puis AB, puis à nouveau BC.
Imaginons maintenant qu'elle puisse un tant soit peu accéder
à une troisième dimension, perpendiculaire donc au
plan qui est son monde habituel.. Si son point de vue se situe ne
serait-ce qu'à un millimètre au dessus du plan, elle
va maintenant avoir la possibilité d'apercevoir , juste
en arrière du segment BC qui auparavant lui bouchait la vue,
le point A ainsi que les deux autres segments constituant le triangle..
De son point de vue, il n'y aura pas grand chose de changé,
la base du triangle occupera toujours son champ de vision, mais
elle aura un aperçu du reste du triangle, quoique très
aplati. En fait, elle aura tout simplement l'impression de voir
les segments AC et AB par transparence ! En effet, n'oublions pas
que le système nerveux de notre bestiole est prévu
pour intégrer des informations visuelles dans son monde en
deux dimensions. Si dans ce monde peuvent exister des objets dont
les limites ne sont pas totalement opaques, elle peut avoir une
notion de transparence, mais aucune notion de perspective en trois
dimensions.
De notre coté, dans nos trois dimensions d'espace, si nous
voulons voir un objet sous toutes les coutures simultanément,
il est nécessaire que cet objet présente une certaine
transparence.. Sauf lors des premiers stades d'une NDE, durant lequel
cette impression que les personnages ou les objets observés
sont transparents est monnaie courante..
Poussons l'expérience un peu plus : Imaginons maintenant
que le déplacement du point de vue de notre chenille 2D soit
de l'ordre de grandeur de la dimension du triangle.. Plus question
d'interpréter cela comme un effet de transparence. La chenille
« voit » pour la première fois de sa vie un triangle
dans sa totalité, et ce d'un seul coup d''il.. Pour elle
qui a l'habitude de se trouver d'un seul côté du triangle
à la fois, cette « vue » ne peut être traduite
que d'une seule façon : l'impression de se trouver partout
à la fois par rapport à l'objet de son attention.
Comment la chenille va t'elle rendre cette impression si on lui
demande un dessin ? (n'oublions pas que si nous, qui vivons dans
un monde à trois dimensions d'espace, pouvons dessiner sur
des feuilles ou des écrans qui sont des plans, la chenille
qui, elle, vit dans un monde à deux dimensions, ne
peut dessiner que sur une droite. Eh bien elle va tout simplement
faire plusieurs dessins du triangle, avec des vues de devant , de
derrière, des côtés etc.., en expliquant que
c'est ce qu'elle a vu, mais simultanément! Et il est probable
que le bon Docteur Flatbug à qui elle raconte son histoire
commencera alors à se gratter ce qui lui sert de tête'
Les témoignages parlant de vision depuis « partout
à la fois » deviennent donc logiques ! Pour la chenille,
un caillou doit ressembler à un mur, mais de votre hauteur,
vous le voyez dans sa totalité sans avoir à en faire
le tour , de même si l'on transpose cette différence
de perception liée à l'accès à une dimension
« de plus », la perception depuis une hypothétique
cinquième dimension doit donner exactement cette impression
de percevoir les choses simultanément «sous toutes
les coutures».
Si l'on fait abstraction de la difficulté qu'il peut y avoir
à intégrer des perceptions inhabituelles à
ce point, et surtout à les restituer avec des mots et des
concepts inadaptés, il me semble en fait que les différents
types de perception que l'on rencontre dans les témoignages
deviennent clairs dans ce nouveau cadre :
-
si le déplacement dans la 5ème dimension est très
faible, la personne va rapporter avoir eu une impression de
voir l'intérieur des objets, ainsi que les faces habituellement
cachées et ce qui se trouve derrière eux, y compris
l'impression de voir à travers les murs et le plafond!
-
si
le déplacement est plus important, nous retrouverons
cette notion de se trouver à la fois devant, derrière,
au dessus et au dessous etc. de la scène observée.
Cette impression est très difficile à rendre,
ce qui explique peut-être que de tels témoignages
soient relativement rares (nous verrons plus loin à ce
sujet l'importance de recueillir des témoignages de la
manière la plus précise possible)
-
quand la distance par rapport à notre univers est encore
plus importante, on peut raisonnablement supposer que notre
cerveau, qui n'est pas fait pour cela, aura beaucoup de difficultés
à intégrer de telles perceptions. Il ne faut pas
oublier en effet que le temps fait partie de nos quatre dimensions
habituelles, lesquelles sont apparemment perçues
en perspective lors de telles expériences. Si donc le
« déplacement » dans la cinquième
dimension est suffisamment important, la quantité d'informations
perçue devient proprement phénoménale,
puisqu'elle ne concerne passeulement une petite portion d'espace
et de temps, mais permet une vision « instantanée
» d'un domaine d'espace et de temps proportionnel à
ce déplacement, pouvant donc devenir pratiquement infini.
J'imagine
que l'impression qu'on peut ramener d'une telle expérience
est tout simplement celle d'un accès illimité à
un savoir total, ce qui est fréquemment rapporté dans
les témoignages dont je dispose.
Dans notre état «normal» de bipèdes raisonnants
notre conscience perçoit et agit par l'intermédiaire
du cerveau, elle est donc apparemment localisée plus ou moins
entre les deux oreilles, mais elle ne l'est peut être pas
plus que l'émission que vous voyez sur un écran de
télévision .. Les ondes hertziennes sont partout à
la fois, et d'une infinité de fréquences porteuses
d'information ( !) superposées votre récepteur en
sélectionne une et vous en donne une représentation
compréhensible pour vos sens.. Si donc le cerveau peut
être considéré comme un « ancrage »
dans notre univers, la conscience dans sa totalité semble
ne pouvoir être considérée comme localisée.
En fait, si le fait de « se trouver » dans une dimension
englobant nos (3+1) dimensions habituelles permet bien une perception,
une connaissance globale et en perspective de tout ce qui s'y trouve,
le reste dépend uniquement la direction dans laquelle se
tourne le « regard ».
Ceci a plusieurs conséquences : Tout d'abord, les notions
d'espace et d'orientation peuvent perdre toute signification, ce
que l'on rencontre dans de nombreux témoignages. Quand on
regarde une photographie (qui est une représentation à
deux dimensions de quelque chose qui en possède trois),
la notion d'espace disparaît .Elle est recréée
par le traitement qu'en fait le cerveau, (qui sait très bien
que l'arbre est au premier plan et le Fuji Yama derrière),
mais n'existe pas physiquement dans le plan de la feuille de papier.
Le regard peut se porter instantanément d'un point à
l'autre de la photo, ou en avoir une vue d'ensemble sans qu'il y
ait quoi que ce soit de miraculeux là dedans ! Transposons
dans notre 5ème dimension : vu de « là haut
», tout ce qui se trouve dans l'univers à (3+1) dimensions
est immédiatement accessible, et toute notion de distance
disparaît. Les déplacements semblent instantanés,
mais ne sont en fait pas plus des déplacements d'un point
à un autre que l''il ne se déplace en parcourant une
page d'écriture. Si, métaphoriquement, on peut dire
que le regard se déplace, l''il, lui, ne fait que tourner
légèrement autour d'un axe. Ainsi donc les témoignages
rapportant une indéniable acquisition d'information (fréquemment
rapportés avec une impression d'identification) peuvent se
comprendre, puisqu'il suffit en quelque sorte que le « regard
» se tourne dans une direction et une portion de temps quelconques
pour percevoir l'ensemble de ce sur quoi se porte son intérêt,
y compris le déroulement temporel d'une scène ou d'un
événement quelconques..
Je me rappelle le récit qu'un témoin m'a fait d'une
« visite » dans une grotte (ce sujet ne l'avait jamais
intéressé, ni avant ni après son expérience')
lors d'une NDE. Il avait été, dans une sorte de zoom
avant, la grotte, les peintures rupestres qu'elle portait, mais
aussi les auteurs de ces peintures, comprenant leurs motivations,
leurs croyances, et la signification qu'ils mettaient dans leurs
créations picturales.. Tout ceci au point de pouvoir en parler
d'égal à égal avec une spécialiste de
cette grotte (plusieurs années après, à
la fin d'une conférence sur l'art rupestre), qui au bout
de cinq minutes de conversation commença à lui donner
du « mon cher confrère », allant même jusqu'à
lui demander sur quel chantier de fouilles il travaillait. Il n'a
jamais osé lui expliquer comment il avait appris tant de
choses'
Il y a un autre phénomène qui me semble susceptible
de recevoir un début d'explication dans ce cadre, il s'agit
du concept de synchronicité, que C.G Jung a beaucoup étudié
(Jung, 1952).
Le lien avec les NDE peut sembler peu clair, mais nombre de témoins
rapportent dans les suites de leur expérience la survenue
de telles expériences étranges, dans lesquelles surviennent
des évènements liés entre eux par le sens (que
ce soit leur signification intrinsèque ou celle qu'ils ont
pour la personne qui en est le témoin) mais sans lien de
causalité entre eux.
Dans notre monde habituel et rassurant, deux ou plusieurs
évènements liés entre eux le sont soit parce
qu'ils surviennent successivement (A entraîne B qui a pour
conséquence C), soit, si leur survenue est simultanée,
parce qu'ils ont une cause commune (B et C surviennent en même
temps et sont des conséquences de A).
La survenue d'évènements « synchronistiques
» échappe à cette logique causale, on en parle
souvent en les qualifiant de « coïncidences signifiantes
».
Il y a par exemple la coïncidence répétée
qui fait que régulièrement, quand vous cherchez désespérément
telle ou telle référence, un livre tombe de la bibliothèque,
précisément ouvert à la page que vous cherchiez,
ou encore le mot plus ou moins inusité que vous entendez
prononcer douze fois dans la même journée, et qui disparaît
ensuite pendant des mois, jusqu'à des histoires qui paraissent
complètement farfelues, telle celle que rapporte Camille
Flammarion (1900), et que je ne peux résister au plaisir
de citer :
Etant enfant, un certain M. Deschamps avait reçu un jour,
à Orléans, d'un certain M. de Fontgibu un petit morceau
de plum-pudding. Dix ans plus tard il trouva un autre pudding dans
un restaurant et en demanda un morceau. Or il apparut que le pudding
était déjà réservé, et cela par
M. de Fontgibu. Bien des années s'étant écoulées,
M. Deschamps fut invité à manger un plum-pudding,
chose rare. Tout en mangeant, il observa qu'il ne manquait plus
que Mr de Fontgibu. A ce moment même la porte s'ouvrit et
un très vieil homme entra, désorienté : c'était
M. de Fontgibu, qui s'était trompé d'adresse et était
venu par erreur parmi ces gens réunis.
Pour comprendre comment le cadre que nous mettons au point peut
rendre compte de telles « coïncidences », mettez
vous à la place de la chenille, qui de sa vision au ras du
sol croit rencontrer un « mur » à sa droite et
un autre à sa gauche.. Comme elle est pressée, elle
passe entre les deux, qui n'ont pour elle aucun lien entre eux..
Si ces obstacles sont en fait vos chaussures, le lien existe,
mais dans la troisième dimension.. Et s'il s'agit des talons
d'un militaire, et que celui ci se met au garde-à-vous en
claquant réglementairement des talons, la pauvre chenille
aura juste le temps de comprendre, dans une ultime illumination,
que des choses sans lien apparent dans sa dimension puissent en
avoir un bien réel dans une dimension plus élevée,
avec un effet tout à fait sensible (et définitif)
à son niveau!..
On pourrait donc concevoir que certains évènements
signifiants pour une personne donnée mais échappant
à toute loi de causalité dans notre monde soient en
fait liés entre eux, mais dans une dimension supérieure.
Sont aussi prévisibles dans ce cadre les visions de l'avenir
qui s'avèrent exactes, et évidentes les revues de
vie ou tout semble quasi simultané mais néanmoins
précis jusque dans les moindres détails. Gardons à
l'esprit que vu de la cinquième dimension, le temps
devient une dimension comme les autres (on pourrait dire qu'il se
« spatialise ») : De même qu'en prenant de l'altitude
par rapport à un plan on peut avoir une vue globale de ce
qui s'y trouve, en prenant de l' « altitude » dans la
cinquième dimension on peut en quelque sorte « survoler
» les quatre autres, dont le temps, et voir ce dernier
en perspective. Imaginez la chenille (définitivement antimilitariste)
propulsée dans la troisième dimension et rencontrant
grand père papillon qui lui dit : « attention,
regarde après la troisième feuille à droite,
il y a une mante religieuse armée jusqu'aux dents !' »
. Elle aura du mal à comprendre, et pourtant, si elle regarde
en arrière, elle verra aussi le chemin qu'elle a parcouru,
qui devait l'amener entre les talons fatals, et si elle remonte
la piste, rien ne l'empêche de retrouver le cocon de son enfance
! Et si elle se trouve assez haut, elle verra tout cela d'un seul
coup d''il, en un instant.
Il devient donc compréhensible que l'on retrouve dans de
nombreux témoignages cette impression que le temps «
s'est arrêté » ou qu'il n'existe simplement
pas. Notre sens du temps est lié à la perception que
nous avons de la durée, du temps qui passe, et dans cette
dimension qui semble le transcender, la conscience doit «
voir » le temps comme on voit un paysage du haut d'une colline,
et ne subit plus son passage inexorable.
Je manque de place pour analyser le sujet de façon plus approfondie,
mais il semble en fait qu'il n'y ait pas de perception au sens physique
du terme. L'impression que j'en ai est que, d'une certaine manière,
dans cette dimension « tout est dans tout » comme les
perles dans le ciel d'Indra, ou chaque perle reflète toutes
les autres. S'il en est aussi de même pour ce que nous appelons
la conscience, nos individualités ne sont peut être
que des apparences. Je voudrais éviter pour l'instant d'entrer
dans des spéculations philosophiques ou mystico-religieuses,
mais si dans cette hypothétique dimension nos consciences
n'en font plus qu'une, plusieurs choses deviennent claires, concernant
en particulier les changements radicaux que ressentent les témoins,
au niveau du sens de la vie, de l'échelle des valeurs, etc.
S'ils ont d'une manière ou d'une autre « été
» plus ou moins l'ensemble de leurs contemporains (certains
disent même l'univers dans sa totalité), on comprend
que les comportements individualistes et égoïstes disparaissent
au profit de valeurs plus altruistes et légèrement
plus élevées'
TOUT N'EST PAS SI SIMPLE'
Nous avons donc mis sur pieds une hypothèse synthétique,
une façon de voir qui semble rendre compte d'un certain nombre
de faits de façon cohérente, au prix (comme
promis) d'un simple changement de repère...
Nous pouvons essayer de voir comment nous pouvons la développer,
mais c'est là que tout se complique'
La chenille dispose comme nous de capteurs sensoriels et de moyens
de traitement de l'information adaptés à l'univers
dans lequel elle vit, donc à son environnement immédiat,
dans la mesure où elle est condamnée à ramper
dans un univers à deux dimension. Si nous lui permettons,
en l'élevant à la hauteur de nos yeux, d' embrasser
d'un seul coup d''il le panorama dans lequel elle évolue
et dont elle n'était pas consciente, que pourra-t-elle en
voir et en comprendre ?
En effet, nous étudions essentiellement des témoignages
rapportant une expérience qui, d'une façon ou d'une
autre, a été perçue. Mais quand un témoin
raconte son expérience, il fait rien d'autre qu'explorer
sa mémoire, et décrire ce qu'il y trouve. Il est donc
très important de bien comprendre le cheminement et le traitement
de l'information depuis le moment de son acquisition jusqu'à
sa restitution, afin de ne pas tomber dans un certain nombre
de pièges.
Avant d'aller plus loin je voudrais donc donner un exemple qui montre
les capacités d'adaptation de notre matière grise
: dans une expérience récente (Nishimura, 1999), on
a enregistré l'activité cérébrale
de personnes souffrant de surdité congénitale dans
le but de localiser les zones du cerveau qui permettent la
compréhension du langage des signes. En effet, chez une personne
n'ayant jamais entendu de sa vie en peut supposer que les aires
auditives ne se sont pas développées puisqu'elles
n'ont jamais été stimulées . On leur a donc
projeté une vidéo montrant une personne s'exprimant
en langage des signes. Contrairement à tout attente, l'enregistrement
simultané de l'activité cérébrale n'a
pas montré d'activation des aires visuelles, mais des circonvolutions
temporales supérieures où se trouvent les aires
auditives secondaires qui permettent l'interprétation du
langage. Pour dire cela plus simplement, si les personnes
sourdes de naissance communiquent par le moyen des yeux et des mains,
les perceptions concernant le langage des signes sont directement
adressées aux centres de l'audition qui sont donc
parfaitement fonctionnels malgré la surdité. Ils reçoivent
simplement leurs informations par un canal inhabituel. On peut donc
considérer, au moins pour le langage, que les sourds entendent,
même si ce n'est pas avec les oreilles.
Je suis d'ailleurs prêt à parier que le jour où
on procèdera à une expérience similaire avec
des aveugles de naissance, on s'apercevra que leur sens de l'environnement,
qui est chez nous essentiellement visuel, est traité chez
eux aussi essentiellement par le cortex visuel associatif. Ce dernier
doit simplement, comme le cortex auditif secondaire chez les sourds,
prendre ses informations par un autre canal (toucher, résonances
et déphasages acoustiques, odeurs, etc.), afin de permettre
à un aveugle de se situer dans l'espace et d'avoir une représentation
de son environnement.
Si nous transposons l'expérience de la chenille à
ce qui se passe lors d'une NDE, nous pouvons nous poser les mêmes
questions, c'est-à-dire : durant cette expérience,
si nous percevons par un canal totalement inhabituel un univers
qui n'est plus limité par les dimensions de l'univers physique,
que va pouvoir en faire notre cerveau au retour, lui qui est essentiellement
prévu pour traiter des informations limitées à
ce que lui transmettent les organes des sens ?
Eh bien, malgré leur provenance inhabituelle, il va tout
faire pour les traiter et les classer dans les catégories
les plus appropriées :
Au bout du compte, si l'on n'y prend garde, l'environnement
sera décrit au retour essentiellement comme une perception
visuelle, et toute communication sera décrite à posteriori
comme perçue par voie auditive, ou, tout au moins, comme
la compréhension d'un langage...
Mais si l'on demande aux témoins d'essayer de décrire
le plus précisément possible ces perceptions,
certains s'avèrent capables de bien les différencier
de leurs perceptions habituelles. En voici quelques exemples:
«je crois que l'on regarde, perçoit avec des facultés
plus évoluées, plus fines. Toutes les sensation sont
plus riches; un exemple un peu simplet serait de comparer
une image de magnétoscope a deux têtes d'il y a quinze
ans avec celle d'un 4 têtes de notre époque....
Lorsque l'on m'a parlé les mots étaient dans
ma tête, non dans les oreilles quelles qu'elles puissent être...
Il est difficile d'essayer d'approcher ces différences de
perception. Parfois, on est un point de conscience, parfois un «
être entier », ce quelle que soit la signification
donnée à « être entier ». «
Je » reste mais les perceptions s'élargissent».
Autre exemple: "tous me parlaient sans que je les entende, je
me sentais investi de leur pensée ".
Encore un autre: "les souvenirs que j'ai de ces instants ne sont
pas visuels; ce sont des impressions intérieures ressenties
fortement et aussi nettement que n'importe quel vécu ordinaire,
mais je ne peux pas parler d' images, de formes, etc.".
Curieusement, alors que l'état fonctionnel du cerveau est
en général désastreux durant ces expériences,
la plupart des témoins s'accordent pour rapporter des perceptions
certes différentes, mais constamment plus claires que les
perceptions habituelles, confirmant un peu plus l'impression que
le cerveau est avant tout un filtre.
Dans nombre de témoignages que j'ai recueilli, j'ai
essayé de faire préciser « comment » le
témoin a perçu son environnement. . Il semble que
la plupart du temps, les lois de l'optique ne soient pas respectées
(pas plus d'ailleurs que celles de l'acoustique) .Nous l'avons analysé
plus haut : la scène semblait éclairée par
elle-même, et non par réflexion d'une lumière
extérieure, certains rapportent avoir « vu »
sur 360° sans bien pouvoir l'expliquer, d'autres ont perçu
depuis une multitude de points de vue, d'autres encore, en
y réfléchissant, déclarent n'avoir pas réellement
vu mais « perçu » en s'identifiant à l'objet
de leur attention.
Ces témoignages sont à comparer avec ceux que rapportent
Kenneth Ring et Sharon Cooper (1997), qui ont étudié
des témoignages de NDE et OBE chez des aveugles, dont certains
assurent avoir vu durant leur expérience, ce qui ne manquera
pas d'avoir des échos médiatiques !...
La situation est paradoxale : des aveugles de naissance
qui décrivent un paysage ou une scène comme s'ils
l'avaient vu, et des personnes dotées d'une vue normale
qui se rendent bien compte que la façon dont
ils ont perçu n'a pas grand chose à voir avec
la vision normale.
Mais ce paradoxe n'est qu'apparent, et il est important de ne pas
se laisser abuser par le langage. En effet, durant une NDE, les
perceptions ne passant évidemment pas par les organes des
sens, les aveugles et les " voyants " seront donc à égalité,
de même que les sourds et les « entendants ».
Mais une personne dotée d'une vision normale pourra parfaitement
faire la différence, alors qu'un aveugle, sans aucune possibilité
de comparaison, en sera incapable. Ayant apparemment acquis
beaucoup plus d'informations sur une scène donnée
qu'il n'aurait pu le faire par le toucher et l'ouie, on comprendra
facilement qu'il puisse se dire: "c'est cela, voir".
Il convient donc d'être prudent quand on étudie des
témoignages car les choses sont certainement plus complexes
qu'elles ne paraissent. De plus, tout ce qui vient d'être
dit concerne bien entendu les NDE, mais me semble aussi s'appliquer
aux états modifiés de conscience en général.
La recherche dans ce domaine repose en effet essentiellement sur
des témoignages. Il est à mon avis primordial de bien
comprendre comment sont traitées les perceptions, puisque
nous avons vu que le cerveau a une fâcheuse tendance à
ramener tout ce qui est nouveau, inconnu ou inclassable à
des catégories qu'il peut traiter. ( Le jour où vous
trouvez dans votre cave un truc métallique qui n'y était
pas la veille, ne vous contentez pas de penser « tiens, Simone
a acheté une nouvelle cocotte-minute'». Malgré
la ressemblance, s'il s'agit d'une bombe atomique dernier cri déposée
par des terroristes, l'effet n'est pas le même !).
Que la conscience ait accès lors de ces expériences
à une « cinquième dimension » ou que la
réalité soit encore plus compliquée, dans tous
les cas le traitement des informations et perceptions au retour
sera automatiquement réducteur, de par le mode de fonctionnement
du cerveau.
Il est donc, je crois, très important de poser de bonnes
questions et d'essayer d'obtenir un maximum de précisions
quand on recueille un témoignage, car toute la recherche
ultérieure en dépend..
Il faudra par exemple s'attacher à faire définir par
les témoins leurs perceptions de la façon la plus
fine possible, l'idéal étant de trouver des témoins
possédant des 'qualifications' particulières, leur
permettant de mieux observer quand cela est possible, mais surtout
d'avoir une certaine conscience de leur mode de perception :
-
peintres,
photographes (en fait toute personne ayant des notions d'optique
et ayant l'habitude de 'regarder' de façon critique),
musiciens, ingénieurs du son (et toute personne
ayant des notions d'acoustique), sportifs, gymnastes, etc...
-
personnes
souffrant d'un handicap dans ces mêmes domaines (visuel,
auditif, physique).
Il
faudra aussi essayer de faire préciser tout ce qui concerne:
-
-
Les
prises de décision et leurs effets
-
La
conscience de l'expérience en la comparant à la
conscience habituelle et à d'autres types de conscience
comme le rêve
-
La
conscience de soi même et de l'environnement ..
Les
NDE sont des expériences aux multiples implications. Il me
semble très important, non seulement de recueillir les témoignages
de la manière la plus complète possible, mais aussi
et surtout de tenir compte de tout ce qu'ils peuvent contenir. Le
moindre détail peut avoir une importance, et, ainsi que je
le disais en introduction, toute particularité inhabituelle
rencontrée dans un témoignage peut être un indice
permettant d'avoir une idée du « comportement »
de la conscience dans des conditions non ordinaires.
Si, un peu par jeu je n'avais pas décidé
avec une certaine dose de naïveté de me demander «
et si c'était vrai ?.. », les particularités
perceptives à l'origine de cet article auraient très
bien pu être mises sur le compte de perturbations cérébrales,
ou de la simple impossibilité de rapporter et de décrire
une perception totalement inhabituelle. J'espère avoir montré
que, dans un cadre de référence approprié,
non seulement ces particularités deviennent logiques
et compréhensibles, mais elles peuvent aussi nous aider à
comprendre un peu mieux l'homme, la conscience et sa place dans
l'univers, nous donnant peut-être même un aperçu
de la structure de ce dernier.
Dr
Jean-Pierre Jourdan
Bibliographie
-
Collier B ., Ketamine and the conscious mind. Anaesthesia Vol
27 N°2 April 1972.
-
Cooper S., Ring K., (1997) Near Death and Out of Body Experiences
in the Blind : a study of apparent eyeless vision. Journal of
Near Death Studies, 16(2), 101-147.
-
Flammarion
C. , L'inconnu et les problèmes psychiques, Paris1900.
p.231.
-
Jansen K.L.R. Neurosciences and the NDE: Roles for the NMDA-PCP
receptor, the sigma receptor and the endopsychosins. Medical
Hypotheses (1990) 31, 25-29.
-
Jourdan J.P., (1994) Near Death Experiences and Transcendental
Experiences. Neurophysiological corrrelates and hypotheses.
Journal of Near Death Studies, 12(3), 177-200.
-
(disponible en anglais et en français auprès de
l'auteur)
-
Jung C.G., (1952) Synchronizität als ein Prinzip
akausaler Zusammenhänge
-
Traduction française in Synchronicité et paracelsica,
Albin Michel (1988)
-
Kaku M., (1999) Visions. Comment la science va révolutionner
le XXIè siècle. Albin Michel, 468-472
-
Korramzadeh E., Lofty A.O.: The use of Ketamine in psychiatry.
Psychosomatics 14: 344,1973.
-
Lempert T., Bauer M., Schmidt D . : Syncope and near-death experience.
Lancet, 1994 ; 344 : 830
-
Mercier E.-S., (Ouvrage collectif, 1992) La Mort Transfigurée
.Belfond - L'âge du verseau
-
Nishimura & al. , (1999), Nature, vol. 397, 116.
-
Sabom M , (1983) Souvenirs de la mort. Robert Laffont.
|