placement Near-death experience in survivors of cardiac arrest: a prospective study in the Netherlands 
Pim van Lommel, Ruud van Wees, Vincent Meyers, Ingrid Elfferich - The Lancet  Vol 358, N°9298, 15/12/2001 (article consultable en ligne sur le site du journal: http://www.thelancet.com)

L'enquête hollandaise dirigée par Pim van Lommel
Synthèse par Evelyne-Sarah Mercier, Présidente-fondatrice de IANDS-France et anthropologue, (parue dans la rubrique « Recherche internationale » des Cahiers de IANDS-France  n° 12 de mai 2002.)


L'étude prospective a été faite sur 344 patients réanimés après un arrêt cardiaque dans 10 hôpitaux néerlandais. Tous les paramètres permettant d'établir les corrélations habituelles ont été relevés et testés avec une batterie statistique rigoureuse : facteurs causaux, fréquence, profondeur et contenu de l'expérience, données démographiques, médicales, pharmacologiques, et psychologiques. Des comparaisons ont été faites avec un groupe de contrôle : patients ayant subi une réanimation, mais sans NDE. 

Les interviews précoces ont été faites avec un questionnaire standardisé court dans les quelques jours suivant la réanimation, quand l'état du malade le permettait. Trois chercheurs les ont codifiés avec le Weighted Core Experience Index de Ring (score 1 à 5 : NDE superficielle, 6 et plus : NDE qualifiée, 10 et plus : NDE profonde). Les NDE superficielles ont été retenues parce que tous les sujets en ont été transformés comme les autres. Deux ans après, une autre interview enregistrée a été faite à laquelle on a ajouté l'inventaire des transformations de Ring incluant, en 34 questions notées de 1 à 5, des appréciations sur l'image de soi, l'intérêt pour les autres, les préoccupations matérialistes et sociales, les croyances religieuses, la spiritualité, et les attitudes face à la mort. Une autre interview a été faite huit ans après la réanimation, toujours complétée par l'inventaire des changements de vie, plus un questionnaire médical et psychologique destiné aux malades cardiaques de la Fondation Néerlandaise du C'ur investiguant les façons de s'en sortir, les sentiments de cohérence et le niveau de dépression. Pour ces derniers questionnaires, l 'analyse est restée qualitative étant donné le faible nombre de sujets qui ont pu y participer. Les résultats ont été comparés avec le groupe de contrôle et, au sein de l'échantillon de NDErs, relativement au sexe, à l'âge, et aux différentes interviews, précoces, à deux, et à huit ans. 

Une seule observation objective a été  recueillie au cours de l'étude pilote, celle d'un patient de 44 ans qui a vécu sa NDE pendant sa réanimation. Après environ une heure et demie, il avait retrouvé un rythme cardiaque et une pression suffisants, mais était encore intubé, sous assistance respiratoire, et comateux. L'infirmière qui raconte l'a vu plus d'une semaine après en unité de soins intensifs. Il lui a dit alors spontanément qu'il l'avait vue d'une position haute hors de son corps, qu'elle avait rangé son dentier (qu'on a dû lui enlever pour l'intubation) dans un tiroir dont il décrivit la place et l'environnement. Il fut également capable de lui décrire la pièce dans laquelle il avait été réanimé et les personnes qui s'y affairaient. Il avait eu très peur qu'on ne poursuive pas la réanimation. Effectivement le pronostic était alors mauvais. Il avait essayé de dire à l'équipe qu'il était bien vivant, mais sans succès. L'infirmière fut très impressionnée, car à ce moment-là le patient était dans un coma profond et la réanimation en cours. 


RÉSULTATS

282 sujets, soit 82% : aucun souvenir
  62 sujets, soit 18% : des éléments de NDE, répartis comme suit 
  21 sujets, soit   6% : NDE superficielle
  18 sujets, soit   5% : NDE peu profonde
  17 sujets, soit   5% : NDE profonde
    6 sujets, soit   2% : NDE très profonde,

Ce qui fait 12% de NDE qualifiées. Il n'y a pas eu de NDE négative.

L'advenue de l'expérience n'a pu être corrélée ni avec la durée de la réanimation, ni avec celle de la période d'inconscience, ni avec la médication, ni avec la peur de la mort précédant l'arrêt cardiaque. 
Les sujets de moins de 60 ans ont eu plus de NDE, et les femmes en ont plus fréquemment des profondes (73% d'hommes et 27% de femmes dans l'échantillon). Les patients ayant subi une réanimation plus longue ont eu moins de NDE. Les auteurs pensent que cela est dû aux problèmes de mémoire se produisant dans ces cas-là. Il n'y a pas eu de corrélation entre la NDE et la durée écoulée entre l'expérience et la première interview. La mortalité pendant le séjour hospitalier ou rapidement après la sortie des patients est plus importante dans les groupe des NDErs (Near Death Experiencers) que dans celui des non-NDErs et encore plus chez ceux qui ont eu une NDE profonde.


ÉTUDE LONGITUDINALE

L'étude à deux ans a fait varier la répartition entre NDERs et non-NDERs. Il y a eu 37 NDERs interviewés. Sur les 17 qui avaient de faibles scores de NDE, 7 avaient les mêmes, 4 seulement des émotions positives, et 6 n'avaient pas eu finalement de NDE. Les auteurs pensent que leur définition de départ était sans doute trop large. En ce qui concerne les non-NDErs (37 sujets), 2 ont rapporté des émotions positives, et 2 une NDE qualifiée. Pour ceux-là, l'interview a peut-être été trop précoce: ils n'ont pas voulu en parler ou en ont été incapables. On obtient une nouvelle répartition : 35 NDErs et 39 non-NDErs.  Le souvenir de la NDE est stable.

Six parmi les 74 interviewés à deux ans, avaient eu peur de la mort avant leur réanimation, et 4 de ces 6 ont eu une NDE profonde. La plupart des sujets n'ont pas eu peur parce qu'ils n'en ont pas eu le temps, vu la soudaineté de l'arrêt cardiaque. 

L'inventaire des changements de vie montre des différences significatives entre NDErs et non-NDErs pour 13 des 34 items. La profondeur de l'expérience est liée à des scores élevés au  niveau spiritualité et socialité Les changement induits par des NDE superficielles sont les mêmes que ceux des NDE qualifiées. 

A huit ans, il a été possible d'interviewer 23 des sujets qui l'avaient été à deux ans. La mémoire de la NDE était pratiquement la même. Il restait 15 sujets non-NDERs disponibles pour cette troisième interview. Tous, NDErs ou pas, ont changé positivement : plus d'assurance, plus sociables, plus religieux qu'avant. Les non-NDErs sont devenus plus émotifs et certains ont encore moins peur de la mort. Leur intérêt pour la spiritualité a beaucoup chuté. La plupart ne croient pas à une après-vie et il n'y a pas eu de changements à cet égard pendant les six ans d'intervalle. Les NDErs ont des processus d'intégration plus complexes. Ils sont plus vulnérables émotionnellement, plus intuitifs, et éprouvent plus d'empathie,. La plupart n'ont plus peur de la mort et croient en la survie. Les changements sont plus marqués à huit ans qu'à deux ans.


DISCUSSION

Malgré une définition large, il y a seulement 12% de NDE qualifiées. Mais ce chiffre pourrait être surévalué. Dans un hôpital où l'enquête a duré quatre ans (137 patients), la fréquence a été de 8% avec moins de NDE profondes, et ces résultats sont statistiquement significatifs. Il pourrait donc y avoir eu une sélection dans les autres enquêtes plus courtes. La fréquence réelle pourrait tourner autour de 10% ; autour de 5% si on se base sur le nombre de réanimations et pas sur celui des patients réanimés : plusieurs réanimations donnent plus de chances d'avoir une NDE.
D'autres études établissent une relation entre plus grande jeunesse (Melvin Morse a évalué à 85% le nombre des enfants ayant des NDE) et plus grande chance d'avoir une NDE. Or l'échantillon hollandais a une moyenne d'âge élevé. Un facteur d'explication pourrait être que les chances de survie sont plus grandes pour les plus jeunes, et qu'ils ont également moins de problèmes de séquelles cérébrales. 
 
Une bonne mémoire à court terme semble nécessaire pour se souvenir d'une NDE. Les patients ayant eu des problèmes de mémoire ont rapporté moins de NDE et ni l'oubli, ni la répression n'ont été significatifs pour les autres puisque l'espace de temps entre expérience et récit n'a pas compté. 

L'intégration d'une NDE est longue. Il faut probablement en imputer l'origine aux résistances sociales. Certains NDErs sont poussés à dénier ou réprimer leur expérience. La NDE devient traumatique non en tant que telle, mais du fait de son rejet social. La conséquence en est de retarder de plusieurs années ses effets et de les rendre plus difficiles à intégrer. Les effets de long terme sont surprenants si on les compare aux quelques minutes d'un arrêt cardiaque. 


LA CRITIQUE DE CHRISTOPHER FRENCH

Pour Christopher French, la question est de savoir si la NDE s'est produite pendant que l'EEG était plat ou pendant le retour à la conscience quand le cerveau a recouvré ses fonctions. S'agit-il de vrais souvenirs ou de reconstructions à partir d'informations infra conscientes recueillies pendant la période d'inconscience et de souvenirs, reconstruits dans un scénario de sortie du corps au moment du retour à la vie? La théorie de référence à cette interrogation est celle de Susan Blackmore. Peter Fenwick et Sam Parnia pensent que ce sont les observations objectives qui peuvent le prouver. Ils ont pour cela fait poser des cibles, visibles seulement du plafond, dans les salles de réanimation pour leur enquête. Malheureusement, aucun des 4 NDErs de leur étude n'a eu de phase de décorporation. 

Christopher French signale la possibilité d'un artéfact à partir de l'étude de Pim van Lommel. Quelques NDE pourraient résulter  de faux souvenirs construits par un cerveau essayant de remplir rétrospectivement le vide de sa période d'inactivité corticale. Quatre patients parmi les 37 patients recontactés deux ans après leur arrêt cardiaque s'étaient souvenus d'un épisode de type NDE alors qu'ils n'en avaient aucun souvenir lors de leur réveil. Bien que ne représentant qu'1% de l'échantillon de départ, ils constituent plus de 10% de ces 37 sujets. Si ce sous-échantillon est représentatif, cela implique qu'environ 30 sujets de l'échantillon de 282  qui ont dénié avoir eu une NDE, aurait pu, s'ils avaient survécu, s'en souvenir deux ans après. Il est vraisemblable, pense C. French, qu'ils aient pu, après avoir entendu parler des NDE, imaginer qu'ils en aient eu une. Il sa base, pour avancer cette hypothèse, sur des études psychologiques montrant qu'imaginer avoir vécu des expériences suffit à construire des faux souvenirs.