Expériences
de Mort Imminente et Expériences Transcendantes.
Corrélations et hypothèses neurophysiologiques.
Dr.J-P Jourdan - Article publié dans l'ouvrage collectif:
Le processus de guérison, par delà la souffrance
ou la mort, sous la direction de Luc Bessette, Ed. MNH, Canada
1993.
Paru aux Etats-Unis (en anglais) dans le Journal of Near Death
Studies, vol 12, n°3, Spring 1994.
Leur survenue à l'approche de la mort laisse penser au
grand public que l'on va, en étudiant les NDE, avoir
la réponse à la question de la survie. Mais ceci
a pour résultat de masquer un fait essentiel: Si les
NDE se produisent dans des circonstances particulières,
impliquant le plus souvent une atteinte physiologique (NDE "classique"),
et au minimum un stress psychologique ("Fear Death Experience")
, des expériences tout à fait semblables surviennent
, en dehors de tout risque vital, soit spontanément ,
soit parce qu'elles sont recherchées et provoquées
par diverses techniques que l'on peut qualifier de psychophysiologiques,
dans un contexte le plus souvent mystique.
Ces expériences peuvent être comparées au
niveau de leur déroulement (certaines, hormis les circonstances
, sont strictement identiques à des NDE), mais aussi
au niveau de leurs effets à long terme . Aussi dérangeantes
que soient ces répercussions, elles ont une existence,
ne serait-ce que parce que les témoins les rapportent.
Aucune étude sérieuse ne peut se permettre de
les éluder.
La question est donc simple : Ou l'on décide arbitrairement
que tous ceux (y compris donc les plus grandes figures spirituelles)
qui ont vécu de telles expériences ont été
victimes d'hallucinations à la limite du pathologique,
et le problème est résolu, ou, avec un minimum
de curiosité, on se dit que tous ces récits sont
suffisamment proches et consistants pour mériter une
étude plus approfondie..
Dans la mesure où la phénoménologie des
NDE est maintenant bien connue, nous allons voir seulement quelques
extraits de témoignages français, concernant essentiellement
les "effets à long terme". La conception de la vie, le
sens des valeurs, le comportement des témoins sont profondément
modifiés après une telle expérience. Quelques
citations seront plus parlantes qu'une longue explication.
D'abord, quelques "impressions de voyage":
Un témoin parle de " la part de divin qui est en nous
"; elle a l'impression que "dans cette réalité
on ne vit qu'à moitié, alors que la réalité
se situe après la mort.." , qu'elle définit
comme "une naissance à un autre plan, un réveil"
. Une autre déclare :"en chaque être humain il
existe l'étincelle divine" , et pour elle la réalité
terrestre est illusion, car nous n'avons pas ici bas les réelles
données pour comprendre le sens de la vie.. ".. J'ai
eu l'impression que mon corps faisait partie de la terre, de
l'eau, du ciel,des étoiles, des cailloux, j'étais
moi-même sans doute, et puis surtout j'étais le
tout, c'est difficile à expliquer,..ce faisant, j'étais...je
ne peux pas dire ni que ce fût de la joie, ni de l'allégresse,
c'était une forme de bien être que je ne pouvais
même pas mettre en parallèle avec la béatitude
que, du reste, je ne connais même pas".."Je n'ai pas vu
de personnage au bout du tunnel, c'était l'infini"
, et à propos de l'être humain: "il est tout
petit, mais il contient tout, à nous de traverser nos
couches et d'aller à l'essentiel, mais peut-on l'exprimer
avec des mots?" .. Un témoin parle de "la plongée
dans l'amour infini, cette paix, cette sensation d'amour infini,
d'atteindre l'absolu vers lequel vous tendiez, et la lumière
merveilleuse et chaude dans laquelle (elle s'est) baignée."
Il ne faut pas oublier que ces expériences sont, de l'avis
unanime, très difficile à faire comprendre à
qui n'a jamais rien connu de similaire, et, même dans
ce dernier cas, les concepts manquent et les mots sont bien
pâles et insuffisants. Un témoin, par exemple,
avoue:
"je n'ai parlé à personne de mon expérience
pendant longtemps, pour différentes raisons; d'abord
je ne voulais pas mettre de mots dessus, parce que j'avais l'impression
d'en enlever, enlever de là cette splendeur, en fait,
parce que c'était... c'était impossible à
mettre en mots ,ce n'était pas la peine que j'en parle,
parce que de toute façon ç'aurait été
compris de travers, c'est très très douloureux
de porter ça et de ne pas en parler".
Essayez donc de traduire avec des mots une symphonie, pourtant
bien terrestre, et de décrire les émotions que
vous avez éprouvées en l'écoutant, que
va-t-il en rester?
Durant une NDE, il semble qu'un accès soit ouvert vers
un état de conscience différent, dans lequel une
réalité plus vaste , transcendant le temps, l'espace
et la matière, englobe la réalité ordinaire.
Et apparemment, cet accès ne se referme pas totalement
après l'expérience.. Il semble, comme le formule
si bien K.Ring, qu'une semence ait été plantée,
libre de germer ou non avec le temps. Quelques citations donnent
une idée de ce qu'elle pourrait être:
"ma sensibilité s'est développée, rêves
prémonitoires parfois, télépathie très
souvent. Je décide d'appeler ma mère ou ma fille,
ou je pense qu'elles vont m'appeler,et dans les cinq minutes
j'ai un coup de fil; après mon expérience j'ai
fait plusieurs sorties hors du corps.."..."... sensibilité
plus développée, possibilités télépathiques,
et grande facilité pour la décorporation, possibilité
de soigner et d'aider les autres"." La sensibilité est
plus grande, j'apprends plus vite, je me concentre mieux, j'ai
plus de mémoire et de dons psychiques mais surtout je
cherche à m'incarner et à ne plus me dédoubler;
c'est dans et à travers le corps que l'expérience
de la vie se déroule et nulle part ailleurs.."
La NDE semble, en donnant à la conscience la possibilité
d'avoir des liens moins étroits avec le corps, être
à l'origine d'OBE (Out of Body Experience, en français
expérience hors du corps) fréquentes, comme encore
chez ce témoin qui, cloué au lit après
un grave accident,vivait une OBE presque toutes les nuits. Pendant
ces expériences, il avait la sensation d'une identification
totale à ce sur quoi se portait son attention (si dans
une forêt il s'intéressait à un arbre, il
devenait cet arbre, ses feuilles, ses racines, son histoire.
Chez un autre se produisaient des "décorporations
de nuit (en sommeil conscient), ce qui me permettait d'aller
aider des mourants dans le monde à sortir de leur corps
sans peur" .
Ces capacités sont parfois un fardeau, car il semble
que les phénomènes de précognition concernent
le plus souvent des évènements à forte
charge émotionnelle. Le futur n'est pas toujours souriant,
et même si pour eux la mort ne représente que l'abandon
d'un corps usagé, certains témoins se passeraient
volontiers de voir à l'avance le décès
de leurs proches. Par exemple: "je me suis rapidement rendu
compte, dans les mois qui ont suivi cette expérience,
que je rencontrais des gens et que je savais combien de temps
il leur restait à vivre sur cette terre et, croyez moi,
ce n'est pas confortable du tout".
Un autre aspect est nettement plus souriant, plus fréquent
aussi: de nombreux témoins s'aperçoivent qu'ils
ont la possibilité d'aider et de soigner leurs semblables(
l'altruisme et la compassion sont des leitmotive dans les témoignages):
"je développe de plus en plus le fait que je suis
un canal de guérison, que l'énergie divine de
guérison passe à travers le canal que je suis"
.
Les techniques employées sont diverses( imposition des
mains, impression d'agir sur le "corps subtil", techniques chamaniques
et psychothérapies "sauvages"-mais efficaces-, accompagnement
des mourants, etc..)
Nombreux sont aussi les témoins faisant état de
synchronicités à la suite de leur expérience
(Jung définit ainsi ce concept:"La synchronicité
signifie d'abord la simultanéité d'un certain
état psychique avec un ou plusieurs évènements
extérieurs qui apparaissent comme des éléments
parallèles signifiants par rapport à l'état
subjectif du moment et -éventuellement- vice versa").
Quiconque a un peu étudié les traditions mystiques
retrouvera là bon nombre de caractéristiques que
l'on rencontre dans les relations d'expériences transcendantes
et dans leurs suites, qu'elles soient survenues en Orient ou
en Occident, de nos jours comme il y a mille ans .
On trouve des relations d'expériences tout à fait
similaires dans toutes les traditions ( tao, yoga, zen, soufisme,
gnosticisme, chamanisme, hesychasme,! Kung, etc) et même
hors de toutes traditions mystiques, (sondage dans les universités
: 30 à 40 % des étudiants ont eu au moins une
OBE spontanée, dont certaines ont un contenu pour le
moins similaire aux NDE) .
Mais si toutes les traditions font référence à
cet éveil à une conscience plus élevée,
une l'a particulièrement codifié, et a aussi codifié
les techniques permettant de l'atteindre . Il existe dans la
tradition hindoue une "énergie",une force évolutrice,
symbolisée par un serpent lové à la base
de la colonne vertébrale, dont l'éveil puis l'ascension
ouvrent d'abord des centres appelés Chakras (ils sont
6 ou7 selon les sources, répartis le long de l'axe du
corps); puis, ayant atteint le dernier,situé au sommet
du crâne, ils éveillent la conscience à
une réalité supérieure (Jung fait ici aussi
figure de précurseur, puisqu'il avait organisé,
en 1932, un séminaire sur la Kundalini!).
Voici ce qu'en dit Lilian Silburn (29): "La
Kundalini,cet axe dressé au centre même de la personne
et de l'univers, est à l'origine de la puissance de l'homme
dont elle draine et épanouit la totalité des énergies.
Mais plutôt que sue les pouvoirs extraordinaires acquis
par son intermédiaire, les partisans des systèmes(....)
mettent l'accent sur l'apaisement et l'harmonie vivante qu'elle
confère. L'énergie mystérieuse qu'éveille
le yoga de la Kundalini se révèle cependant d'une
violence inouïe et ne peut être manipulée
sans faire encourir un réel danger."
Pour Tara Michael (19): "Quand Kundalini
dort dans le muladhara ( le premier et le plus bas situé
des chakras), l'homme est éveillé au monde. Mais
quand elle s'éveille pour s'unir à Siva, l'homme
s'endort au monde et ne fait plus qu'un avec la conscience infinie
au delà des formes".
Il est facile d'effectuer un rapprochement entre l'apaisement
dont parle Lilian Silburn et les récits de témoins
de NDE, et "ne faire plus qu'un avec la conscience infinie"
est une impression pour le moins fréquemment rapportée
(même si elle est difficilement descriptible). Les changements
à long terme que l'on retrouve chez les personnes ayant
vécu une NDE font précisément partie, sinon
des buts, du moins des étapes que l'on rencontre dans
le yoga, quand aux Siddhis(pouvoirs) que l'éveil de Kundalini
est censé conférer (et à l'encontre desquels
les mises en garde ne manquent pas!) , il s'agit très
exactement de ceux que présentent de façon spontanée
de nombreux témoins(accès à des modes d'information
transcendant le temps (précognition), l'espace (télépathie,
clairvoyance, OBE), la matière (dons de guérison,
psychokinèse), etc.. Quand au danger, nous verrons que
certaines expériences sont particulièrement perturbantes,
physiquement et psychologiquement.
Le rapprochement entre les NDE et le concept d'éveil
de Kundalini a déjà été fait par
Kenneth Ring, qui le développe dans un ouvrage passionnant
(27) , et les phénomènes physiques, psychologiques,et
sensoriels en relation avec ce phénomène ont été
étudiés par Lee Sanella (28)
, I. Bentov (1) et H. Motoyama (21)
. Bentov propose en outre un modèle explicatif.
L'une des caractéristiques de ce phénomène
est qu'il est accompagné d'une cohorte de symptômes
divers, sensitifs, sensoriels, psychologiques, moteurs. Il se
trouve que si la tradition yogique l'a codifié et caractérisé,
on s'aperçoit que cet ensemble d'effets "latéraux"
est présent dans un bon nombre de relations d'expériences
liées à la transcendance, un peu partout dans
le monde et à toutes les époques. Il semble donc
y avoir un phénomène universel, produisant un
ensemble d'expériences que l' homme a de tous temps connu
et recherché dans le but de transcender sa condition
ordinaire.
Pour essayer de comprendre ce qui se produit, voici deux exemples
parmi les plus connus:
Gopi Krishna, un brahmane hindou ayant reçu un enseignement
occidental, n'avait rien d'un mystique. La pratique régulière
de la méditation était le seul lien qu'il avait
gardé avec la tradition hindoue. Un matin, alors qu'il
méditait sur un lotus lumineux au sommet se son crâne,
il perçut une sensation étrange mais plaisante
à la base de la colonne vertébrale, sensation
qui disparaissait et revenait avec les fluctuations de l'attention
qu'il y portait. Reprenant sa concentration avec la détermination
de ne pas s'en laisser distraire, il perçut à
nouveau la même sensation s'étendant vers le haut.
"Brusquement, raconte-t-il,, avec un rugissement semblable
à celui d'une cataracte, je sentis un flot de lumière
liquide envahissant mon cerveau par la colonne vertébrale...L'illumination
se fit de plus en plus éclatante, le rugissement plus
fort, j'eus une sensation d'oscillation, d'ébranlement,
et tout à coup je me sentis glisser hors de mon corps,
entièrement entouré d'un halo de lumière,
simultanément conscient et pleinement présent
en chaque point.... baigné dans la lumière et
dans un état d'exaltation impossible à décrire"...
Ce n'était que le début d'une expérience
qui allait durer des années, des moments d'exaltation
alternant avec des périodes de doute et de dépression
qu'il raconte et développe dans plusieurs ouvrages..
(13)
Hiroshi Motoyama, un scientifique japonais, décrit son
expérience survenue à la suite de pratiques de
yoga et de pranayama (techniques respiratoires) pendant plusieurs
mois: " ..continuant ma pratique, je commençai à
remarquer des sensations nouvelles. Des fourmillements au niveau
du coccyx, des picotements au niveau du front et du sommet du
crâne, une sensation de chaleur dans le bas ventre. Je
percevais un son , comme un bourdonnement d'abeilles, au niveau
du coccyx. Dans la vie de tous les jours mon sens olfactif devint
si sensible que je ne pouvais supporter la moindre mauvaise
odeur"..."
"Cela continua durant deux ou trois mois. Un jour, alors que
je meditais devant l'autel comme d'habitude, j'eus une sensation
de chaleur particulièrement forte dans la région
du bas-ventre... soudain, une énergie incroyable se précipita
à travers la colonne vertébrale jusqu'au sommet
de ma tête, et, bien que celà n'ait duré
qu'une seconde ou deux, mon corps lévita à quelques
centimètres du sol. J'étais terrifié, mon
corps entier était brûlant, et des maux de tête
atroces m'empéchèrent de faire quoique ce soit
de la journée".
Quelques mois plus tard, il commença à avoir des
rêves prémonitoires, de fréquentes expériences
extrasensorielles (télépathie) se produisirent.
Ses souhaits semblèrent commencer à se réaliser
spontanément. A ces talents vinrent s'ajouter des phénomènes
de clairvoyance s'accentuant avec l'éveil progressif
des différents chakras. Quelque temps après, raconte-t-il,
"je vis une sorte de chaleur-énergie montant du coccyx
jusqu'au coeur le long de la colonne vertébrale (...)
La kundalini continuant son chemin, du coeur jusqu'à
la tête (...), je quittai mon corps par le sommet du crâne,
et je gagnai une dimension supérieure (...). Je possède
depuis un don de guérison" . Dans le même temps,
il subit de profonds changements sur le plan psychologique,
perdant en particulier tout attachement aux biens matériels..
Avec l'éveil d'un autre chakra (Visuddha chakra, perçu
au niveau de la gorge), il devint capable, dit il, de voir le
passé, le présent et le futur "dans la même
dimension".
Ces deux expériences ont bien des points communs, et
on retrouve des conceptions identiques dans d'autres traditions,
ce qui semble impliquer l'existence d'un phénomène
plus ou moins universel, interprété à sa
façon par chaque tradition:
On trouve dans le Livre des Morts égyptien un "symbole
du fluide vital , du serpent de feu qui se trouve dans l'épine
dorsale. C'est ce fluide qui est le souffle de la vie que le
prêtre transmet en imposant ses mains sur la nuque du
défunt que l'on veut réchauffer et recouvrir de
la chaleur d' Isis". Le serpent est dans cette tradition le
symbole de l'éternité et de la réincarnation,
et est censé permettre l'acquisition de pouvoirs magiques.
Pour les taoïstes chinois, "l'énergie ne fait pas
que circuler dans les méridiens: elle se concentre dans
certaines zones reliées par des forces: les trois "champs
de cinabre"... Le champ de cinabre supérieur prend naissance
au niveau du point curieux Inn Trang (entre les deux sourcils)..
Le champ de cinabre moyen , ou "Palais écarlate ", se
situe sur la poitrine. Le coeur en forme le centre. Il sert
de moteur à la circulation des énergies. Le champ
de cinabre inférieur, troisième centre énergétique,
(..) se projette à trois travers de doigts au dessus
du nombril. La maitrise des respirations permet d'espérer
atteindre la transmutation de l'énergie mentale en un
élixir d'or s'écoulant goutte à goutte
par le canal médian et se mêlant à l'énergie
ancestrale et au Ki. En une gerbe flamboyante, la substance
née de la fusion du Ki, de l'énergie ancestrale
et de l'énergie mentale, s'élevant par le canal
central jusqu'au creuset supérieur, brise l'orbite universelle
du Tao en une floraison d'or, d'argent, de soleil et de lune".
Un anthropologue, Richard Katz, a étudié une peuplade
vivant dans le désert du Kalahari, les !Kung (! et /
correspondent à des phonèmes particuliers à
leur langue). Cette tribu pratique un rituel semblant avoir
de nombreux points communs avec ce que nous venons de voir:
celui ci a pour but d'éveiller, d'enflammer le "N/um"
afin d'atteindre un état nommé !Kia, dans lequel
des possibilités extraordinaires apparaissent, en particulier
pouvoirs de guérison, vision à distance, marche
sur le feu, etc..
Le N/um est dit résider dans le creux de l'estomac; une
fois réveillé, il monte depuis la base de la colonne
vertébrale jusqu'au crâne, permettant alors d'atteindre
l'état !Kia: "vous sentez quelque chose d'effilé
dans votre colonne vertébrale, qui monte progressivement...
puis la base de votre colonne se met à fourmiller, fourmiller,
fourmiller,...alors dans votre tête vos pensées
ne sont plus rien"... Comment ce phénomène
est il provoqué? "Vous dansez, dansez, dansez, puis
N/um vous soulève dans votre ventre, et vous soulève
dans votre dos, et vous commencez à frissonner... N/um
vous fait trembler, il est chaud. Vos yeux sont ouverts, mais
vous ne regardez pas autour de vous. Votre regard reste tranquille
et vous regardez droit devant. Mais quand vous êtes dans
l'état !Kia, vous regardez autour de vous, parce que
vous voyez tout, parce que vous voyez les problèmes de
tout le monde... Une respiration rapide et superficielle, voilà
ce qui fait redresser N/um... puis N/um se répand dans
tout votre corps, du bout des pieds jusqu'aux cheveux."
Lee Sannella, psychiâtre, est reconnu comme l'un des spécialistes
de ces phénomènes. Il a réuni dans un ouvrage
(28) de nombreux témoignages similaires
à ce que nous venons de voir, mais qui concernent, eux,
des expériences contemporaines. Des personnes ayant vécu
une NDE décrivent les mêmes symptômes, suivis
des mêmes conséquences (Barbara HARRIS a détaillé
son expériencedans un livre (10) et
son cas est étudié en détail par k.RING
(27)
I.BENTOV et L.SANNELLA ont regroupé les symptômes
survenant lors de la progression de ces expériences sous
le nom de Physio-Kundalini. On peut les classer sous trois rubriques:
-
Symptômes
sensoriels: fourmillements, vibrations ou sensation d'"énergie"
localisés puis montant le long de la colonne vertébrale,
redescendant ensuite dans la poitrine et l'abdomen, sensations
orgasmiques(purement sexuelles ou se répendant parfois
dans tout le corps),douleurs débutant et cessant brutalement,sensations
de froid ou de chaleur dans diverses parties du corps, perception
de sons divers, de lumière intérieure illuminant
parfois le corps.
-
Symptômes
moteurs: mouvements spontanés des mains et du corps,contractions
involontaires(anus, abdomen, gorge) , altérations du
rythme respiratoire, blocage ou paralysie soudaine de certaines
parties du corps.
-
Symptômes
psychologiques: joie ou extase soudaine, accès d'anxiété
ou de dépression,, accélération de la
pensée, expansion de la conscience au-delà des
limites corporelles.
Voici,
afin d'essayer de comprendre ce qui peut se passer, un premier
indice: la plupart des techniques utilisées semblent avoir
pour but de déconnecter la conscience des stimuli extérieurs
et des émotions, soit en la concentrant sur un point :
méditation sur un objet, un concept, un son, une posture..,
soit récitation d'un mantra, d'une prière ; soit
par la contemplation (plusieurs expériences spontanées
sont survenues en occident chez des laïcs, lors de la contemplation
d'un paysage, de la mer, etc.)ou la relaxation profonde.
Mais il existe un fonds commun, retrouvé à peu près
partout, c'est l'utilisation de la respiration avec d'abord une
notion essentielle , que l'on retrouve de façon explicite:
l'équation:
conscience
<=> souffle
En voici quelques exemples:
Pour commencer, voici un texte taoiste, "Le secret de la fleur
d'or" (14) ; pour le comprendre, on doit savoir
deux choses:
-
en
Chinois, le même idéogramme possède simultanément
les significations de "coeur" et de "conscience".
-
cet
idéogramme est lui même incorporé dans
celui qui signifie "respiration".
"..la respiration vient de la conscience/coeur. Ce qui sort
de cette conscience/coeur est la respiration .....puisque la conscience
et la respiration dépendent l'une de l'autre, on doit unir
la révolution de la lumière à un rythme donné
à la respiration,.." .. "les grands saints, qui ont reconnu
comment la conscience/coeur et l'énergie respiratoire s'influencent
mutuellement, ont mis au point une méthode ..."
Dans le Hathayoga Pradîpika: "lorsque le souffle se meut,
l'esprit aussi ; quand le souffle arrête son mouvement,
l'esprit devient immobile".
Dans le yoga tibétain (7): "…en
vertu de ces pratiques, cette chose appelée l'esprit -
si difficile à contrôler, à cause de son incapacité
normale de fonctionner en dehors du processus de respiration qui
est la cause des élans constants d'une pensée à
l'autre - se discipline et se libère de cette dépendance
avec la respiration".., avec pour commentaire: "la durée
d'une pensée égale la durée d'une respiration...
le but de ces exercices est d'entrainer l'esprit à fonctionner
indépendamment de la respiration et ainsi n'être
plus influencé par le processus de pensée. Les concepts
s'élèvent dans l'esprit à cause des stimuli.
Il faut neutraliser les stimuli , et le processus de pensée
disparait, l'esprit atteint alors son état naturel"…
Dans le Vijnanabhairavatantra (29): "lorsqu'on
fait échec au flot tout entier des activités sensorielles
au moyen de l'énergie du souffle qui s'élève
peu à peu…"
On retrouve (5) chez les moines du mont Athos
une technique d'oraison, l'Hésychasme, qui consistait en
une maitrise du souffle et en la répétition des
mots "Kyrie Eleison".
Chez les !Kung : "une respiration superficielle et rapide,
voila ce qui fait dresser N/UM".
De nombreuses techniques chamaniques reposent sur le souffle (6),
on retrouve la même observation chez les médiums
célèbres, qui semblent avoir trouvé là
un mécanisme facilitant leurs exploits : Eileen GARRET,
par exemple (9):
"c'est par la respiration, et la respiration seulement, qu'il
m'est possible de m'élever au dessus de ma condition de
tous les jours et de devenir clairvoyante. Quand j'entre en contact
avec quelqu'un qui a besoin de mon aide, je renifle son atmosphère,
réellement, avec une compréhension animale. Je pense
qu'une bonne partie de ma clairvoyance pourrait être dûe
à une faculté primitive oubliée. Je fais
exactement ce que fait un chien quand il sent l'odeur d'un lapin..."
Dans tous les cas, il s'agit bien de rythmer le souffle, soit
en le ralentissant, parfois jusqu'à l'apnée, soit
en l'accélérant. Les états atteints par ces
techniques vont de la transe plus ou moins complète jusqu'à
la perte totale du contact avec la réalité, induisant
alors, d'après la tradition un état qui peut indduire
une expérience transcendante.
Afin d'en dégager les caractéristiques essentielles,
je propose tout d'abord de regrouper toutes ces expériences,
similaires par leurs caractéristiques essentielles, en
évitant de les classer en fonction des circonstances de
survenue.
On pourrait appeler ENO (Expérience Non Ordinaire), les
expériences comprenant :
-
persistance
de la conscience et de la mémorisation
-
combinés avec au moins l'un des points suivants :
-
-
impression
de sortie du corps
-
transcendance
du temps et /ou de l'espace
-
perceptions
par des canaux inhabituels, différents des sens ordinaires
-
perceptions
sous formes différentes:
-
-
fusion/identification
avec l'objet ou le phénomène observé
-
perception
et compréhension non verbale
-
accès
vérifié à une information impossible
à obtenir par les moyens habituels et dans les circonstances
de l'expérience
-
perception
ou participation à un évènement transcendant
de nature spirituelle ou mystique.
-
effets
"secondaires" : restructurants, thérapeutiques ou évolutifs
-
acquisition
de capacités dites "psi", ou thérapeutiques
Restons en là pour l'instant et voyons quelques bases pour
pouvoir réfléchir là- dessus.
ORGANISATION DES PERCEPTIONS (26,16)
Il faut d'abord considérer séparément les
informations olfactives, qui sont traitées différemment
des autres. En effet, elles sont adressées directement
aux aires corticales olfactives qui, appartenant anatomiquement
au système limbique (apparu dans la phylogénèse
avant le néocortex), ont été au cours de
l'évolution refoulées au centre du cerveau.
L'aire olfactive primaire est le cortex pré-piriforme,
le gyrus parahippocampique ou cortex entorhinal étant considéré
comme l'aire olfactive secondaire.
Les informations visuelles, auditives et tactiles en provenance
des organes sensoriels passent, elles, d'abord par un relais (centres
genouillés thalamiques) qui est responsable d'une réaction
d'orientation et d'une focalisation de l'attention sur le champ
correspondant à "ce qui est nouveau" dans l'environnement
(permet le passage automatique de l'attention diffuse à
une attention focalisée.
Ces informations passent ensuite aux cortex spécifiques
de chaque organe sensoriel, où elles sont analysées
et où se fait la relation entre les deux hémisphères
cérébraux. Ces informations une fois traitées,
sont adressées aux aires associatives, où elles
sont intégrées et mises en relation entre elles.
Arrivées à ce stade, les perceptions sont modulées
sur le plan affectif et émotionnel par des projections
au niveau du cortex limbique.
Nous en sommes pour l'instant à une série de représentations
globales mais instantanées du monde extérieur .
Les paquets perceptifs "instantanés" doivent être
liés entre eux dans le temps, pour être interprétés
dans un contexte temporel (passage d'une perception spatiale à
une perception spatio-temporelle). Les influx en provenance des
aires associatives sont donc ensuite adressés, via le cortex
entorhinal, à l'hippocampe où l' on trouve une "mémoire
de travail" qui garde stockées les perceptions précédentes
et les lie avec les dernières arrivées. Les informations
y sont reliées temporellement (on passe de l'instant au
présent) puis renvoyées vers le néocortex.
Il y a donc à ce niveau un circuit pourvu de boucles de
rétroaction qui retraite en permanence l'ensemble des perceptions.
Pour A. REMOND, l'hippocampe est le "lieu de la perception consciente
au présent".
L'information ainsi traitée est ensuite renvoyée
vers les structures du néocortex (cortex temporo- pariétal
et cortex fronto-temporal) où s'effectuent intégration
sémantique et cognitive.
P.L.T., RYTHME THÊTA HIPPOCAMBIQUE ET COMPORTEMENTS ESSENTIELS
POUR LA SURVIE (32, 33)
Cherchant à comprendre les phénomènes impliqués
dans l'apprentissage et le développement cérébral,
Donald Hebb proposait en 1949 que l'activité neuronale
puisse être responsable de modifications des connexions
synaptiques (si un neurone en stimule un autre fréquemment
ou de façon constante, des modifications structurales ou
métaboliques des deux cellules ou de l'une d'entre elles
pourraient renforcer leurs connexions).
A cette époque, cette hypothèse était invérifiable,
mais en 1966, Terje Lomo, à Oslo, découvrit la Potentialisation
à Long Terme, une facilitation de la transmission synaptique
par laquelle, s'ils sont soumis à des combinaisons particulières
d'influx nerveux, certains neurones subissent des modifications
durables et parfois définitives.
Ce phénomène se produit, chez les mammifères,
essentiellement au niveau de l'hippocampe. Cette zone est impliquée
dans les phénomènes de mémorisation et d'apprentissage,
permis précisément par l'existence de la P.L.T.
Une activité electrique particulière (aux alentours
de 4-7 Hz) appelée rythme thêta est au moins l'un
des facteurs de ce phénomène dans la mesure où
il est susceptible d'activer les récepteurs NMDA, qui sont
les sites initiateurs de la PLT. Ceci a été mis
en évidence (23) par le fait que des
trains d'impulsions à haute fréquence synchrones
et en phase avec les pics positifs de l'onde thêta, appliquées
dans certaines régions de l'hippocampe favorisent la PLT,
alors que s'ils sont appliqués en opposition de phase ils
inhibent ce phénomène.
Jonathan Winson a publié en 1977 un 1er article où
il rend compte du fait que la transmission neuronale au niveau
de l'hippocampe est dépendante du comportement ( il comparait
le sommeil à ondes lentes, le sommeil à mouvements
oculaires rapides (sommeil paradoxal) et l'état d'éveil
alerte immobile). Le rythme thêta hippocampique est lié
chez les mammifères auxrelations avec l'environnement qui
sont essentielles pour leur survie, contrairement aux comportements
génétiquement programmés, comme l'accouplement
ou l'alimentation, durant lesquels on ne le retrouve pas . Il
apparait chez le chat dans les comportements de prédation,
chez le rat dans les comportements d'exploration, chez le lapin
s'il appréhende la présence d'un prédateur..
Sa fréquence est synchrone des manifestations physiques
de de ce comportement, c'est à dire mouvements respiratoires
(reniflement), mouvement des vibrisses (moustaches) , etc.
Son rôle semble être de synchroniser le traitement
des informations sensorielles lors de ces comportements essentiels:
par exemple chez le rat explorant son environnement, les messages
olfactifs et ceux provenant des vibrisses convergent en même
temps que les autres messages sensoriels , via le cortex entorhinal
, vers l'hippocampe où ils sont traités par paquets,
découpés toutes les 200 ms par le rythme thêta.
Pour J. Winson (32) "On peut supposer que pour
des animaux comme le rat, qui font grand usage de l'olfaction,
il soit important que toutes les informations sensorielles, tactiles
en provenance des vibrisse, (moustaches), visuelles et auditives
soient coordonnées avec l'inhalation cyclique des odeurs.
En ce sens, le cortex entorhinal, l'hippocampe et le reste du
cortex limbique pourraient traiter toutes les informations sensorielles
de conserve avec les perceptions olfactives -un évènement
est lié à son odeur-" .
A mon avis, bien que je sois peu qualifié pour en juger,
il pourrait aussi s'agir de l'équivalent, pour l'olfaction,
de la réaction d'orientation thalamique , qui, nous l'avons
vu, ne concerne que les perceptions auditives, visuelles et tactiles.
Les messages olfactifs concernant des informations vitales pour
les mammifères inférieurs, le rythme thêta
serait alors en quelque sorte un signal de priorité , les
informations arrivant de façon synchrone avec les pics
positifs étant considérées comme vitales,
et donc traitées et mémorisées en conséquence..
Le rythme thêta peut être aussi influencé par
une stimulation labyrinthique (COSTIN et al.): ".. chez l'animal
(un lapin) éveillé et au repos, une accélération
angulaire provoque l'apparition d'un rythme thêta hippocampique
hypersynchrone et de haute amplitude.." .
THÊTA ET RÊVES
Le rythme thêta n'apparait pas uniquement durant les comportements
que nous venons de voir. Il survient aussi pendant la phase paradoxale
du sommeil, malgré l'absence de mouvements et de recherche
d'informations. Pour J. WINSON, le circuit néocortex-hippocampe,
étant à nouveau soumis au rythme thêta, pourrait
remanier durablement la mémoire (une expérience
astucieuse décrite dans l'article de Pour la Science (33)
semble le démontrer chez le rat). Malgré le fait
que ce rythme soit difficile à mettre en évidence
chez les primates, et en particulier chez l'homme, WINSON suppose
que ce même phénomène existe chez nous et
est, au moins en partie, responsable des rêves.
LES RÉCEPTEURS NMDA
Les recepteurs NMDA, que l'on trouve dans la membrane des dendrites
des cellules granulaires et des cellules du CA1 de l'hippocampe
et de certains neurones du néocortex, sont ainsi nommés
car ils fixent un acide aminé artificiel, le N Methyl D
Aspartate, ce qui permet de les caractériser. C'est à
leur niveau que se situe la potentialisation à long terme
Leur ligand physiologique est le glutamate, qui est un acide aminé
neurotransmetteur rapide. Cette caractéristique, qui permet
une transmission et un traitement rapides des influx sensoriels,
est malheureusement contrebalancée par ce qu'on appelle
l'excitotoxicité: dans le cas où le glutamate est
libéré en trop grande quantité (ce qui arrive
en cas d'anoxie) il devient toxique et entrainela mort du neurone
où il est libéré.
Après cet interlude un peu aride, nous allons voir que
certaines expériences, phénoménologiquement
proches des ENO, peuvent être provoqués par certains
produits pharmaceutiques ou par des perturbations physiologiques:
La kétamine est un anesthésique dissociatif. Il
provoque une diminution d'activité au niveau du néocortex
et des structures sous corticales, et une augmentation de celle
ci au niveau du système limbique et de la substance réticulée
: le patient est déconnecté sur le plan sensoriel
(donc en particulier des stimuli douloureux) mais non réellement
endormi. L'effet dépend bien entendu du mode d'administration
(IM ou IV) et de la dose. La kétamine agit en particulier
au niveau du néocortex, du thalamus et de l'hippocampe
en se fixant sur les recepteurs NMDA. Selon la dose administrée,
la conscience et la mémorisation persistent, alors que
les perceptions sensorielles sont progressivement déconnectées.
Ses effets semblent en faire un bon modèle expérimental
pour l'étude des ENO : dans une expérimentation
(3) portant sur deux groupes, l'un recevant 40 à 6O mg de
kétamine IV, l'autre un mélange 50/50 de protoxyde
d'azote et d'oxygène, dans le but d'induire une analgésie
somatique sans sommeil, on trouve:
-
Dans
le groupe 1, comportant 11 patients ayant reçu de la
kétamine:
-
10
ont eu la sensation de flotter dans l'espace
-
9
ont senti leur esprit ou leur conscience quitter leur
corps
-
4
ont vu des formes colorées ou blanches tout en
ayant les yeux fermés
-
3
ont pu regarder en bas et voir leur corps sur le chariot
et purent noter le moment exact où leur conscience
a regagné leur corps
-
1
se sentit devenir une boite parmi d'autres empilées..
-
2
ont eu l'expérience de leur conscience se déplaçant
très rapidement dans une direction à travers
un espace vide, avec absence totale de concepts de temps
et de lumière
-
Pour
les 10 ayant reçu N2O + O2:
-
1O
ont eu une distorsion de la perception corporelle
-
5
la sensation de flotter en montant
-
2
ont souffert de claustrophobie intense
-
-
4
ont eu des pertubations de l'audition.
L'auteur (M. COLLIER) compare les descriptions faites par les
patients avec ce qui est expérimenté lors d'expériences
d'isolation sensorielle (LILLY, HEBB)
La kétamine a été utilisée en psychiatrie
(13) comme agent pharmacologique susceptible
d'entrainer une abréaction (définie comme une réaction
d'extériorisation par laquelle un sujet se libère
d'un refoulement affectif). Les doses utilisées étaient
infra anesthésiques, pour la plupart de 0.4 à 0.6
mg/Kg. Les patients traités (100) présentaient diverses
pathologies (névroses d'angoisse, névrose obsessionnelle
compulsive, syndromes dépressifs, etc..).
L'effet recherché était considéré
comme présent si les patients présentaient:
-
-
-
verbalisation
d'un conflit
-
En
cas d'absence de réponse spontanée, l'effet abréactif
était induit par stimulation verbale de la part du psychiatre
présent. L'effet semble avoir été un retour
à la conscience de souvenirs, en particulier ceux d'évènements
ayant mené à l'apparition de troubles psychiatriques..
Six mois après l'expérience, 91 patients étaient
jugés guéris.
Voici quelques exemples de ce qu'ont rapporté les patients:
-
"j'étais
dans un monde différent, et par des retours en arrière
j'ai vu de façon très vivante les évènements
qui m'ont amené à être malade"
-
"je
parlais avec la Sainte Famille"
-
"je
me déplaçais partout et je voyais tout"
-
"je
marchais dans un endroit infini et je voyais ma vie se dérouler
devant mes yeux" "je volais, en poursuivant ma propre vie"
Dans
les années 50, L.T. MEDUNA (17) a tenté
le traitement de divers troubles neuropsychiques par l'administration
d'un mélange comportant 70% O2 et 30% CO2 à des
sujets volontaires. Il a ainsi provoqué l'apparition d'expériences
dont certains points (sensation de sortie du corps, vision d'une
lumière brillante, ineffabilité de l'expérience,
etc.) ressemblent àce qui est vécu lors d'une NDE,
mais accompagnées d'importants troubles neurologiques et
d'hallucinations désagréables.
Il semble aussi que des perturbations fonctionnelles expérimentales
des lobes temporaux soient à l'origine de phénomènes
intéressants, dont voici un exemple:
Neurochirurgien exerçant à Montréal, WILDER
PENFIELD a décrit dans les années 5O les résultats
d'expérimentations consistant à stimuler électriquement
différentes zones des lobes temporaux lors d'intervention
pour épilepsie temporale (24, 25)
. Les patients, n'étant pas endormis pouvaient ainsi décrire
leurs perceptions. Les zones amenant les réponses les plus
intéressantes se trouvaient, à droite et à
gauche, au niveau des faceslatérales et supérieures
des lobes temporaux. Les phénomènes décrits
étaient des réponses motrices, des illusions sensorielles
ou somatiques, des sensations de vertige, l'impression de quitter
son corps, mais aussi des phénomènes beaucoup plus
complexes, comme des rappels de pans entiers de souvenirs, sensations
de déjà vu, audition de morceaux de musique, reviviscence
de certains moments de la vie, etc.
Notons un exemple cité dans l'article de PENFIELD, concernant
l'impression de sortie du corps : la stimulation portait sur un
point situé à 2 cm à l'intérieur de
la scissure de Sylvius, donc de la face supérieure du lobe
temporal. Cette stimulation provoqua une perception de doux-amer
sur la langue du patient . La stimulation fut coupée, et
sur l'électrocorticogramme apparut un rythme lent à
4hz généralisé (post décharge). C'est
à ce moment que le patient s'exclama : "mon dieu, je sors
de mon corps". Quand l'électrocortigramme revint à
la normale, cette sensation disparut. PENFIED émettait
déjà l'hypothèse que les stimulations superficielles
du lobe temporal pouvaient en fait agir sur une zone plus profonde
qui lui était directement liée, et responsable en
particulier du stockage des souvenirs. L'hippocampe était
pour lui un bon candidat.
On a trouvé depuis des connections monosynaptiques puissantes
entre le cortex temporal et les structures limbiques , en particulier
avec l'hippocampe.
UNE HYPOTHÈSE INTÉRESSANTE
Un auteur Néo-Zélandais, K.L.R JANSEN propose (11)
une hypothèse basée sur le fait que la Kétamine
agit en bloquant les récepteurs NMDA, en particulier au
niveau de l'hippocampe, faisant ainsi obstacle au phénomène
de Potentialisation à Long Terme, ce qui équivaudrait
en fait à fermer le canal d'accès des informations
sensorielles.
L'auteur suppose que celles ci sont alors remplacées par
des souvenirs qui viennent occuper le devant de la scène.
La découverte de ligands endogènes (3)
pour ces mêmes récepteurs apporte de l'eau au moulin
de cette hypothèse: ces ligands, appelés a et b
endopsychosines, seraient susceptibles d'être libérés
en cas d'anoxie, dans le but de bloquer l'accès du glutamate
aux récepteurs NMDA et d'empêcher ainsi la mort du
neurone cible par excitotoxicité. Le résultat serait
à ce moment là similaire à ce que l'on retrouve
sous kétamine, expliquant ainsi, au moins, les phénomènes
de mémoire panoramique et la revue de vie que l'on retrouve
au début de bien des NDE.
Avant d'aller plus loin, une mise au point s'impose. Nous touchons,
dans cette recherche, au domaine spirituel, qui est bien au delà
des mots, au delà aussi de l'expérience commune.
Il n'est pas question ici de comparer, ni surtout de chercher
à expliquer un domaine où l'expérience ne
peut être qu'intime, non partageable et bien au delà
des possibilités humaines d'analyse et de compréhension.
La seule chose que nous puissions faire pour l'instant est d'essayer
d'"attraper" un indice solide, et de "tirer dessus", pour voir
ce qui vient avec...
Cet indice me semble résider dans les divers facteurs pouvant
être à l'origine du déclenchement de ces expériences,
et si l'on peut en dégager un substat neuro- et psychophysiologique
commun, il deviendra peut-être possible de mettre en route
une recherche objective, et non plus uniquement phénoménologique
et spéculative.
INTERPRÉTATION
Nous avons vu que pour J. WINSON, le sommeil paradoxal serait,
chez l'homme comme chez l'animal, lié à un processus
de retraitement de l'information reçue en état de
veille et à un remaniement de la mémoire, par l'application
d'un rythme thêta à l'hippocampe durant le sommeil.
Ce rythme, dont il a été montré chez l'animal
qu'il est corrélé en fréquence et en phase
avec les mouvements respiratoires dans certaines circonstances,
semble capable de moduler le traitement de l'information et de
la mémoire, aussi bien durant la veille qu'au cours du
sommeil. Des perturbations induites par des moyens pharmacologiques
ou autres (kétamine, hypercapnie, stimulations électriques)
ayant pour cible les mêmes formations (en particulier l'hippocampe)
semblent susceptibles de provoquer des effets identiques.
Il me semble que ce fait pourrait tout d'abord apporter une explication
élégante à l'effet cathartique que l'on retrouve
aussi bien avec la kétamine que dans les états modifiés
de conscience provoqués par l'utilisation de diverses techniques
respiratoires ou autres, ainsi qu'à la suite d'expériences
de mort imminente. En effet, en admettant que l'un des facteurs
du remaniement mémoriel, durant le sommeil, soit l'apparition
d'un rythme thêta appliqué au circuit néocortex-hippocampe,
un rythme thêta "artificiel", provoqué par un rythme
respiratoire particulier ou des mouvements impliquant une stimulation
labyrinthique appliqué durant l'état de veille à
ce même circuit pourrait être susceptible, dans certaines
conditions, de reproduire ce fonctionnement. On peut alors comprendre
l'afflux de souvenirs qui surgit dans certaines expériences.
Si une autre caractéristique du sommeil paradoxal, la déconnection
sensorielle et motrice, est aussi reproduite, on retrouve toutes
les conditions qui semblent être à la base de bon
nombre d'ENO..
L'hippocampe est une structure archaïque du cerveau qui jouait
autrefois un rôle capital dans l'odorat . Ce rôle
est maintenant dévolu à l'aire entorhinale, qui
reçoit et traite aussi les influx intéroceptifs
(16) ), mais il est possible que les circuits
qui modulent son fonctionnement puissent persister chez l'homme.
Nous avons vu que les influx provenant des aires sensorielles
primaires et associatives parviennent à l'hippocampe par
le cortex entorhinal, qui, conservant une liaison directe avec
l'olfaction pourrait voir son fonctionnement modulé par
un rythme respiratoire particulier. Si l'on considère comme
plausible l'hypothèse que le rythme thêta soit, en
fait, au niveau olfactif, l'équivalent de la réaction
d'orientation thalamique pour les autres sens, il devient tout
à fait compréhensible qu'un rythme respiratoire
volontairement modifié puisse "leurrer" certains circuits,
et donner la priorité aux informations olfactives et intéroceptives,
inhibant par là même la transmission des autres informations
sensorielles (voir la relation de l'expérience de Hiroshi
Motoyama, qui se plaint d'une sensibilité olfactive exagérée..).
Mais nous ne sommes pas une espèce particulièrement
"olfactive", et si de plus il n'y a pas d'odeur particulière
à percevoir, ceci pourrait se traduire en fait, dans la
plupart des cas, par une focalisation de la conscience sur..rien!
, et donc par une déconnection sensorielle.
Le fait que la plupart des techniques employées dans les
traditions que nous avons vues impliquent une maitrise du souffle
ou une stimulation labyrinthique (rotation chez les derviches
tourneurs, danse dans beaucoup de techniques chamaniques) qui
semble elle aussi susceptible de déclencher des bouffées
de rythme thêta hippocampique, laissent penser qu'il en
est bien ainsi. Il est en fait probable que toute altération
volontaire du rythme respiratoire puisse avoir un effet plus ou
moins prononcé sur le traitement de l'information au niveau
cérébral.
On peut déduire de tout ceci une première hypothèse
: les NDE font partie d'un vaste ensemble d'expériences
que j'ai appelé ENO, qui ont toutes pour point de départ
une déconnection sensorielle. Le fait qu'on retrouve un
détachement émotionnel (en particulier dans les
NDE) semble impliquer une déconnection, aussi, de certaines
parties du système limbique et corrobore cette hypothèse.
Hormis le cas de l'isolation sensorielle où c'est l'environnement
qui ne procure aucun stimulus, il semble que tous les mécanismes
que nous avons vu puissent concerner le traitement de l'information
au niveau de l'hippocampe et des stuctures qui lui sont reliées.
Cette déconnection pourrait être, durant les NDE,
due à une libération de substances neuroprotectrices
bloquant les récepteurs NMDA (ainsi que le suppose Jansen,
qui y voit une explication à la "revue de vie" survenant
au début des NDE), alors que le déclenchement volontaire
d'expériences similaires par des exercices respiratoires
pourrait être du à un blocage progressif des influx
au niveau de l'hippocampe, permis par la persistance de voies
archaïques de modulation des perceptions à ce niveau.
Cette perturbation peut être identique dans les "Fear Death
Experiences" où l'on peut faire un parallèle avec
la SIA (Stress Induced Antinociception) consistant en une réponse
diminuée aux stimuli douloureux en cas de stress. Celle-ci
passe par une perturbation des voies sérotoninergiques
(2, 31) . Dans la mesure où de nombreuses
voies afférentes de l'hippocampe sont sérotoninergiques
(Melvin MORSE propose à ce sujet une hypothèse (20) concernant les NDE), il est possible que l'analgésie
dans la S.I.A. soit produite par une modulation au niveau de cette
zone, qui puisse parfois être suffisante pour provoquer
une déconnection complète, induisant donc l'équivalent
d'une NDE.
Dans les expériences portant sur l'hypercapnie , l'augmentation
du taux de CO2 pourrait être interprété comme
annonciatrice d'une anoxie, provoquant de même la libération
de substances neuroprotectrices, le CO2 étant responsable
de phénomènes annexes provoquant la distorsion et
le caractère désagréable des perceptions,
peut être par le biais d'une hyperexcitabilité au
niveau du lobe temporal.
Pour les expériences mettant en jeu la kétamine
: action à peu près similaire à celle des
endopsychosines, induisant au minimum un afflux de souvenirs,
et pour une dose suffisante une déconnection plus complète
provoquant OBE, etc...
Pour les expériences de PENFIELD : La sensation déclenchée
par la stimulation du lobe temporal étant gustative, il
est possible qu'une zone du cortex entorhinal (lobe piriforme)
ait été stimulée indirectement. L'OBE décrite
est survenue après la cessation de la stimulation, alors
que se produisait un phénomène de synchronisation
aux alentours de 4hz, qui peut avoir perturbé l'hippocampe
en mimant un rythme thêta, à moins que le rythme
enregistré ait été lui même une post
décharge hippocampique ayant diffusé au lobe temporal
).
En ce qui concerne les expériences vécues durant
des exercices de méditation pure, le lien entre le rythme
thêta hippocampique et le rythme thêta cortical, hormis
une identité de fréquence, n'est pas clair. Cependant,
les enregistrement EEG (31) de yogis expérimentés
ont montré durant la méditation une apparition de
rythmes lents, d'abord alpha puis thêta, devenant prépondérants.
Une étude de PALMER (22) , en 1979, a
montré que sur 20 sujets, les 3 qui avaient eu les OBE
les plus vivantes avaient plus de 30% d'ondes thêta dans
leur EEG, impliquant pour le moins une certaine déconnection
de l'environnement.
Il est donc possible de trouver un lien purement neurophysiologique
pouvant rendre compte du déclenchement des ENO, lien concernant
essentiellement une formation clé, l'hippocampe. Peut on
aller plus loin? L'hypothèse que je propose, selon laquelle
l'hippocampe pourrait voir son fonctionnement modifié par
des facteurs extérieurs semble permettre, sinon d'expliquer,
du moins de proposer une interprétation à certains
des phénomènes collatéraux décrits
dans la tradition et confirmés par les témoignages
d'expériences contemporaines.
On retrouve dans toutes les narrations d'expériences de
ce type une cohorte de sensations diverses, déja décrites
sous le nom de physio-kundalini. Si ces phénomènes
semblent, dans ce contexte, relever du seul mysticisme, il n'en
demeure pas moins qu'ils ont une réalité pour ceux
qui les ont vécus. La question qui se pose alors est la
suivante: de quoi sont-ils le reflet?
Pour analyser celà, voyons quelques prémisses: L'éveil
de Kundalini est dit permettre une évolution, une transcendance
de la condition humaine habituelle. Il doit donc être corrélé
à des changements réels, sur le plan physiologique
aussi bien que psychologique
On sait que certaines techniques comme le biofeedback (8) sont susceptibles de provoquer des modifications durables de
fonctions végétatives, donc normalement hors du
contrôle de la volonté. La plasticité du système
nerveux est suffisante pour permettre d'envisager que la façon
dont nous fonctionnons ne soit pas figée ou soumise à
des règles strictes, mais puisse être modifiée
, soit involontairement dans les mécanismes d'adaptation,
soit plus ou moins volontairement par le biais de certaines techniques.
Si les phénomènes de physio-kundalini, qui se produisent
de façon sporadique et semblent correspondre, dans la tradition,
à la progression d'un travail, touchent apparemment tous
les systèmes cérébraux, il semble y avoir,
au cours de l'expérience qui représente la culmination
de ces phénomènes une véritable explosion
, une saturation de tous les canaux de transmission se traduisant
par des synesthésies: "avec un rugissement (auditif)..
je sentis (somesthésique) un flot de lumière (visuel)
liquide (tactile) envahissant mon cerveau par la colonne vertébrale...L'illumination
se fit de plus en plus éclatante, le rugissement plus fort,
j'eus une sensation d'oscillation, d'ébranlement (équilibre),
et tout à coup je me sentis glisser hors de mon corps..."
On peut interpréter celà comme le résultat
d'une excitation corticale généralisée, mais
ne pourrait-il pas s'agir, plutôt, d'un phénomène
particulier que chaque sens traduirait à sa façon?
Un examen superficiel de ces perceptions peut bien entendu donner
à penser qu'il s'agit de troubles cérébraux
pathologiques. Certaines personnes présentant ces symptômes
ont d'ailleurs, un peu vite, été classés
et traités comme psychotiques. G.Krishna et L.Sannella
estiment tous deux qu'environ 30% des malades étiquetés
comme psychotiques ou schizophrènes sont en fait victimes
d'un "éveil" pathologique.
G.Krishna cite en exemple les personnages appelés Avahoots
en Inde et Mastanas en Perse, qui combinent dons extraordinaires
de clairvoyance, schizophrénie et psychose maniaco- dépressive
à des degrés divers. La place manque ici pour s'étendre
sur les rapports entre la folie et la transcendance (en faisant
simplement remarquer qu'un système, quel qu'il soit, est
d'autant plus susceptible d'évoluer qu'il est loin de son
point d'équilibre, et qu'il n'y a pas de raison que le
cerveau échappe à cette règle...), mais on
peut remarquer qu'une psychose se traduit en particulier par des
troubles de l'identité et par la perte de l'estimation
de la réalité, qu'on ne retrouve pas dans les expériences
précitées.
Si certains symptômes font penser à l'épilepsie
par leur localisation et leur déroulement, on peut préciser
qu'une crise comitiale est toujours le signe d'une souffrance
cérébrale, due à un foyer irritatif(traumatique,
tumoral ou vasculaire). Quand la crise est généralisée,
il s'agit d'un évènement dramatique de courte durée
entrainant en particulier une perte de connaissance et une amnésie
post-critique. Aucune pathologie de ce genre n'a été
retrouvée pour expliquer ces phénomènes.
Toutes les traditions mystiques semblent rechercher une intégration
des niveaux inférieurs du psychisme, par la maitrise des
comportements, des instincts, des émotions et des perceptions,
de la pensée .. Il est probable que cette maitrise puisse
être fonctionnelle aussi bien que psychologique, au sens
où le fonctionnement du système nerveux puisse changer
lui aussi, dans la mesure où les structures les plus profondes
et les plus archaïques (cerveau reptilien et limbique) pourraient
être "maitrisées" et donc intégréespar
des structures et un mode de fonctionnement supérieurs.
Il semble, au vu des changements à long terme (l'altruisme
et l'empathie, qui sont au premier plan, sont apparus (16) avec le développement du cortex préfrontal)
que l'on trouve chez les NDErs et chez les personnes ayant vécu
une expérience transcendante en général,
que ce soit bien le cas.
L'hippocampe est au carrefour où se rejoignent les cortex
sensoriels et associatifs (tournés vers l'extérieur),
le système limbique qui, tourné à la fois
vers l'extérieur et l'intérieur contribue à
affecter une valeur émotionnelle aux perceptions, la mémoire,
et le néocortex préfrontal qui nous confère
notre humanité. Toute modification affectant cette zone
pourrait donc avoir de multiples conséquences.
Plusieurs faits laissent penser que ce que nous venons de voir
pourrait bien être le reflet de modifications , précisément,
de son fonctionnement:
-
L'hippocampe
est particulièrement riche en récepteurs NMDA,
qui se retrouvent aussi au niveau du thalamus et du néocortex.
-
Ces
récepteurs sont maintenant connus comme l'un des principaux
facteurs de la régression synaptique (Pour La Science,N°186,
p.18), qui est au centre de la plasticité cérébrale.(Comme
son nom ne l'indique pas, la regression synaptique n'est pas
un phénomène dégénératif.
En fait, comme en sculpture, plus on veut donner de détails,
plus on enlève de matière..)
-
Ils
sont aussi le site de la PLT, qui peut être à
l'origine de changements parfois définitifs du statut
neuronal.
-
La
PLT peut etre influencée, toujours par le biais des
récepteurs NMDA, par des facteurs endogènes
(peptides neuroprotecteurs, rythme theta), ou exogènes
(kétamine), et probablement altérations volontaires
du rythme respiratoire.
-
Contrairement
à la plupart dez zones cérébrales
qui disposent de brèves périodes de plasticité,
correspondant à leur développement, l'hippocampe
conserve cette qualité tout au long de la vie.
Nous
allons maintenant nous livrer à quelques spéculations:
Les techniques de méditation et de visualisation
dans la tradition yoguique portent sur tous les "sens":
méditation ou concentration sur un son, sur une
posture, sur un symbole, sur un concept, sur diverses
parties du corps (en particulier en visualisant les divers
chakras à leurs niveaux respectifs), etc.. Elles
sont utilisées de pair avec des techniques de maitrise
du rythme respiratoire, qui ont une importance primordiale
dans toutes les traditions.
Nous avons vu que les influx intéroceptifs, de
même que les perceptions olfactives, parviennent
directement au cortex entorhinal , et il est possible
que le signal de priorité donné par le rythme
thêta puisse, dans certaines circonstances, les
concerner aussi. S'il s'avère que certaines techniques
respiratoires soient susceptibles de modifier le traitement
des informations sensorielles au niveau de l'hippocampe,
on peut supposer que les perceptions extéroceptives
puisent être inhibées, alors que les perceptions
intéroceptives, qui passent par une autre voie,
seraient, dans certains cas, transmises en priorité.
Une perception accrue de phénomènes internes
normalement inconscients est une condition nécessaire
et suffisante pour créer une boucle de rétroaction
qui va permettre d'agir en retour sur ces phénomènes,
permettant de les faciliter ou de les inhiber. Les phénomènes
de physio-kundalini pourraient alors résulter de
la perception accrue d'informations intéroceptives
(normalement inconsciente) et, pourquoi pas, du fonctionnement
de certaines parties du système nerveux, qui serait
interprété de diverses manières par
chaque système sensoriel.
On peut supposer que les diverses techniques de concentration
ou de visualisation puissent être à l'origine
d'un véritable feedback permis et renforcé
par l'utilisation de techniques respiratoires, créant
peut être des modifications durables dans le fonctionnement
de certaines parties du systême nerveux, probablement
par l'intermédiaire de phénomènes
responsables de la plasticité neuronale, comme
la PLT et le renforcement ou la régression synaptique.
L'hippocampe ayant des connexions centrifuges avec l'hypothalamus
et les autres structures impliquées dans les fonctions
somatoviscerales, émotionnelles et endocrines (16)
, on comprend alors qu'il puisse se produire des changements
(qui d'ailleurs, d'après certains témoignages,ne
sont pas toujours favorables ni très bien supportés..)
tout à fait réels au niveau de toutes ces
fonctions .
On trouve là,par la même occasion, une explication
élégante à ce que l'on appelle la
physiologie mystique (chakras avec leurs diverses fonctions,
nadis qui sont les voies de communication et de circulation
d'un "énergie",etc), qui semble plus une projection
ou une interprétation corporelle d'un fonctionnement
que d'une quelconque réalité anatomique..
Le fait que dans certaines espèces animales, le
rythme thêta hippocampique soit lié à
la fréquence respiratoire n'est pas, bien sûr,
une preuve qu'il en soit de même chez l'homme. Cependant,
l'utilisation par la plupart des traditions mystiques
de modifications du rythme et de la fréquence respiratoire
dans le but de provoquer des états modifiés
de conscience est un fait avéré et la persistance
d'un circuit archaïque permettant la modulation des
perceptions et des états de conscience chez l'homme
est une possibilité qui ne peut être écartée.
L'hippocampe est au carrefour entre les perceptions, la
mémoire et la conscience de celles ci. Si tous
les phénomènes que nous venons de voir sont
susceptibles, d'une manière ou d'une autre et avec
des effets divers, d'influer sur son fonctionnement, ce
seront alors les rapports de la conscience avec le "monde"
qui vont être modifiés.
Ce monde, nous le percevons d'habitude par l'intermédiaire
des organes des sens, qui sont autant des filtres que
des capteurs, et l'image, bien pâle peut être,
que nous en avons est celle qu'ils nous en donnent. En
fait nous fonctionnons avec une représentation
du monde, et non dans une réalité totalement
objective, même si elle est consensuelle.
Les hypothèses que j'ai proposé concernent
certaines caractéristiques du fonctionnement cérébral
qui pourraient permettre à une ENO de se produire,
et éventuellement permettraient de comprendre une
partie de leurs effets à long terme, mais ne prétendent
en aucun cas donner une explication à l'expérience
elle même. Des perceptions différentes, l'incapacité
ou la difficulté à verbaliser l'expérience,
les modifications profondes des notions de temps et d'espace
lors des ENO laissent penser que celles ci sont perçues
hors des outils corticaux de perception et de cognition
habituels.
L'existence, dans de nombreux cas, d'un apport d'information
théoriquement impossible à obtenir écartent
l'hypothèse d'hallucinations ou de phénomènes
purement neurologiques. Pour ce qui concerne les expériences
de mort imminente, on trouve des témoignages tout
à fait identiques survenant aussi bien sans aucun
trouble physiologique (Fear Death Experiences) que chez
un patient anesthésié qui fait un arret
cardiaque, donc avec une combinaison d'anoxie, d'hypercapnie,
plus une intoxication par des déchets métaboliques
et produits anesthésiques. Ce fait oblige à
se poser un certain nombre de questions, la première
étant : comment peut-on vivre et mémoriser
exactement la même expérience dans des conditions
de fonctionnement cérébral si différentes?..
L'aspect profondément spirituel des expériences
que nous étudions échappe pour l'instant
à toute recherche objective, mais il existe bel
et bien. J'espère avoir pu montrer qu'il est possible
de jeter un pont, bien fragile peut être, entre
la science et la transcendance, et que ce qui concerne
cette dernière peut être abordé de
façon raisonnée, sans pour autant tomber
dans les travers du réductionnisme scientiste ou
du mysticisme aveugle qui ne sont, peut être, que
des reflets différents d'un même manque de
curiosité.
Dr
Jean-Pierre Jourdan
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