Recherches sur les expériences vécues aux approches
de la mort (NDE)
PRÉFACE
La NDE et la recherche :
Les nécessaires ruptures de pensée et de comportement.
Edgar MORIN
Interview : Évelyne-Sarah Mercier
D'un commun accord avec Edgar Morin, cette préface a été
faite sous forme d'entretien.
Le double, le mythe et la mort : une expérience fondamentale
de soi
- Évelyne-Sarah MERCIER 1 : Dans
votre livre L'Homme et la Mort 2,
vous dites des doubles que ce sont " des projections, des aliénations
de l'esprit des vivants ". Pourtant, dans la NDE, à l'occasion
de la décorporation, des observations effectives et vérifiables
sont faites, vraisemblablement à partir de positions éloignées
du corps physique inanimé. La position anthropologique classique
serait d'expliquer ces phénomènes comme la manifestation
de croyances archaïques inscrites profondément en nous.
Ne pourrait-on envisager, au contraire, que ces croyances soient la
transposition d'expériences humaines réelles
Edgar MORIN : On pourrait reformuler votre question de la façon
suivante : les expériences de mort imminente ne font-elles qu'exprimer
la réalité propre du mythe, ou bien certains mythes jouissant
d'universalité traduisent-ils une certaine réalité
? La position classique est de dire que les mythes ne font que traduire
des projections, des fantasmes, des aspirations, etc. et que dans le
fond ils traduisent une expérience profonde, mais uniquement
de l'imaginaire ou de l'esprit, alors que l'autre position suppose qu'en
réalité, ces thèmes imaginaires et ces thèmes
mythologiques traduisent quelque chose d'autre qui excède l'expérience
empirique normale. C'est bien évidemment une question indécidable
dans sa globalité. Les deux points de vue peuvent se défendre
simultanément. A partir du moment où l'on met un point
d'interrogation, il y a ouverture.
Je ne crois pas, d'ailleurs, qu'on puisse aller jusqu'à admettre
la réalité ontologique de ce double, ni que l'on doive
rester strictement sur une conception fantasmatique. Parce qu'il s'agit
d'une conception en boucle : l'être humain ne peut s'accomplir
lui-même qu'à condition de passer par sa propre objectivation,
laquelle se fait dans le « moi ». Dans notre enfance et
dans beaucoup de sociétés, l'identité du moi, complémentaire
de l'idée du je, passe par l'expérience de ce double extérieur
et pourtant lié à soi, véritable ego alter.
L'expérience du double est une expérience de vie, et le
double, spectre corporel, devient l'un des mythes fondateurs de l'autre
vie, après la mort,
On ne peut pas, par conséquent, concevoir une anthropogenèse
qui ferait l'économie du double, ni qui ferait de ce double une
simple vapeur, un simple fantasme. D'ailleurs, je pense comme beaucoup
d'autres que le mythologique n'est pas une « superstructure »,
et que même le concept de superstructure n'a pas de sens en anthropologie,
à partir du moment où l'on a une conception en boucle,
où le produit devient producteur de ce qui le produit. Une société,
par exemple, ne peut s'accomplir en tant que société que
si elle a son propre mythe fondateur. Ancêtre commun dans les
sociétés archaïques, il pourrait être pour
nous celui de la nation ou de la patrie.
A partir du moment où l'on pense que le mythologique fait partie
de la vie, à partir du moment où, comme je le dis dans
mon dernier livre 3, les idées ont
une réalité objective, ce ne sont pas seulement des outils
et des fantasmes. Les idées vivent dans une noosphère,
elles nous possèdent autant et plus que nous les possédons.
Je pense que les doubles, et les esprits plus généralement,
ont effectivement une existence très forte, à partir du
moment où l'on y croit. La question est de savoir si cette existence
cesse à la mort ou si elle continue après la mort. Je
pense qu'elle peut continuer, mais non indépendamment de notre
croyance en elle. Si l'humanité meurt, les doubles meurent.
La décorporation et le double sont un des thèmes mythiques
fondamentaux. Il n'est donc pas surprenant, mais intéressant,
qu'ils soient présents dans la NDE. L'Homme et la Mort
est un livre que j'ai écrit en 1949-1950, mais le thème
du double est un thème qui m'a beaucoup travaillé par
la suite. J'ai d'abord pensé que le thème du double correspondait
à une expérience fondamentale de soi. C'est-à-dire
que la première conscience de soi, celle du sujet par lui-même,
se fait à travers la vision de cet autre soi-même, ce spectre
corporel, dont on trouve des traces dans l'ombre, le reflet, dans le
rêve... Cette expérience de soi correspond aussi à
un stade anthropologique - le stade du miroir dont partait Lacan. C'est
donc parce que cette expérience est liée à une
expérience profonde de la vie que l'idée d'un double se
libérant après la mort, quittant le cadavre en décomposition
et continuant à vivre sa vie propre, se retrouve à la
fois dans toutes les croyances archaïques et dans certaines croyances
contemporaines.
Plutôt que d'exprimer la réalisation concrète de
ce que nous avons vécu sur le plan du mythe, pourquoi l'imminence
de la mort ne donnerait-elle pas vie ultime à cette mythologie
profonde que nous avons en nous ? La question est ouverte. D'autant
qu'il y a des interprétations bio-électrico-physiques
se proposant d'expliquer la grande lumière et les autres phénomènes
(qui sont peut-être syncrétiques) à travers les
modifications subies par le cerveau. Tous ces processus de la pré-mort
subiraient en quelque sorte une ultime mise en ordre, mythologique.
Dans nies propres souvenirs d'enfance, j'ai été très
frappé par le fait que je me voyais comme si j'étais placé
à un endroit extérieur de moi-même. Notamment en
ce qui concerne mes premiers pas, à Aix-les-Bains, dans le couloir
d'un appartement que mes parents avaient loué : je me vois toujours
de façon extérieure. Je me suis demandé si cette
vision n'avait pas été consolidée par le récit
de mes parents, mais, dans le rêve, on se voit aussi soi-même
de l'extérieur. L'interprétation que j'en donne, c'est
que nous construisons notre représentation, le plus souvent en
nous situant (pour la vue) là où sont nos yeux. Mais en
réalité, la perception est une véritable reconstruction
à partir de stimuli (les messages reçus par les yeux)
et il est possible que le point focal d'où nous regardons les
choses ne soit pas exactement le point où se situent nos yeux.
Notre esprit pourrait donc se balader en divers endroits, en dehors
de notre corps.
Dans ce sens, nous nous distançons de nous-mêmes, tout
en demeurant nous-mêmes. C'est aussi une expérience de
double. Donc, on peut comprendre que l'on se dédouble soi-même
dans l'agonie ou l'imminence de la mort.
Peut-on pour autant en rester là ?
Le postulat philosophique sur lequel je me fonde a déjà
été dit maintes et maintes fois, notamment par Shakespeare
: " Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que dans toute
la philosophie. " Je crois donc que le tissu profond de l'univers possède
une part d'énigme et de mystère fort et je dirais même
que c'est de ce point de vue-là que je doute de la simplification
d'un au-delà fonctionnant tout seul avec une nouvelle vie, etc.
Une autre idée centrale fait aussi que je me refuse à
croire à un au-delà qui apporterait la solution au problème
de l'en deçà. Il s'agit du deuxième principe de
la thermodynamique, qui ne touche pas que les systèmes strictement
physiques. Coexistent en toute chose, selon moi, non seulement une tendance
an désordre, à la décomposition... mais aussi une
contre-tendance à la régénération, au recommencement...
C'est de cette dialogique qu'est issu notre monde. Une catastrophe thermique
(i.e. une agitation folle, du désordre) a provoqué des
interactions, des rencontres d'où sont nés les particules,
les astres, les atomes, les moléculesÉ et finalement l'humanité.
Autrement dit, cette part de désordre irrécupérable
est dans le monde, et ce monde imparfait ne peut se développer
qu'à partir de cette imperfection. Il ne peut aller vers une
perfection.
Pour mieux expliciter encore ma position, je prendrai deux mythes,
dans la mesure où les mythes peuvent traduire très profondément
des réalités. Le premier est le mythe de la naissance
du monde selon Origène : au début Dieu était entouré
du concert des anges, plongé dans la béatitude la plus
totale, et c'est parce qu'un ange a eu un petit instant de distraction
que tout s'est disloqué. C'est aussi un peu le mythe de la cabale,
qui reprend une idée gnostique : il y avait l'infini absolument
parfait et pour que ce monde naisse, il a fallu un retrait de cet infini.
Il a fallu une première rupture. Il fallait que l'imperfection
arrive, pour que de cette décadence, de cette chute surgisse
le monde de l'émanation, le monde de la création, qu'enfin
notre monde matériel advienne. Et c'est dans cette chute, justement,
qu'a pu s'opérer le mouvement vers la rédemption.
Je crois que, dans d'autres mythologies, on trouve assez profondément
cet élément incontrôlé de l'origine du monde
qui tend peu à peu à se discipliner et à s'organiser.
Chaos précède cosmos. J'ajoute que chaos demeure à
la base de cosmos. C'est chaosmos. Aussi, l'imperfection du monde m'empêche
de croire à quelque chose qui puisse échapper à
la mort,
Autres dimensions : autonomie et dépendance
- E.-S. M. : Une analyse « systémique » du changement
des expérienceurs après leur NDE montrerait un passage
en « méta », c'est-à-dire l'émergence
d'un niveau d'être plus complexe. La progression vers des plans
plus organisés, plus riches, plus autonomes, peut donc se concevoir.
Jusqu'à quel point est-il possible de repousser l'émergence
et, par conséquent, l'autonomisation de certaines instances ?
Ou encore, que pensez-vous de la réalité ontologique de
dimensions échappant à notre espace-temps, telles que
le monde de la fréquence de Karl Pribram, l'univers tachyonnique
de Régis et Brigitte Dutheil, l'imaginal d'Henri Corbin... ?
- Edgar MORIN : Le problème de la réalité de l'espace
et du temps est certes à nouveau posé. Je crois qu'il
y a quelque chose en deçà ou au-delà de l'espace-temps.
L'expérience d'Alain Aspect a confirmé qu'il pouvait y
avoir des influences (pour ne pas dire communication) à des vitesses
infinies, au-delà de la vitesse de la lumière.
Peut-on pour autant imaginer, après la mort, l'existence séparée
dans un monde sans espace et sans temps ? A mon avis, c'est impossible,
car il n'y a pas d'existence séparée là où
il n'y a pas d'espace ni de temps.
C'est en naissant que le monde physique a fait naître l'espace
et le temps qui nous permettent de distinguer et séparer les
choses. Là où il n'y a ni espace, ni temps, il n'y a ni
séparation ni distinction. C'est donc le vide, ou le plein (ils
sont le même). S'il y a un en-deçà ou un au-delà
de l'espace-temps, c'est quelque chose où il n'y aurait ni distinction
ni séparation, donc pas d'existence séparée. Nous
serions beaucoup plus près de quelque chose ressemblant au nirvana
bouddhiste, à un anéantissement dans le tout, c'est-à-dire
aussi le rien, que d'un monde où il y aurait une autre vie.
En ce qui concerne le problème de l'autonomie, j'ai fait une
théorie de l'autonomie-dépendance : dans le monde physique,
tout être autonome tout système autonome est un système
qui travaille. Dégradant donc de l'énergie, il doit se
recharger en énergie. Plus généralement, un être
autonome n'a pas seulement besoin d'énergie extérieure,
mais aussi d'organisation extérieure. Autrement dit, toute autonomie
est dépendante.
Il en va ainsi pour notre autonomie spirituelle qui est extrêmement
dépendante de notre langage, de la culture, de savoirs, etc.
Je n'arrive pas à concevoir comment l'autonomie pourrait échapper
à une dépendance. On peut imaginer des autonomies supérieures,
plus complexes, mais ne pas les voir cesser de dépendre de leurs
conditions de formation. En transposant cette idée, je ne vois
pas un système ne pas dépendre de son écosystème.
Nous sommes des êtres humains, nous avons un écosystème,
culturel et social, lequel a son écosystème, la terre,
laquelle a son écosystème qui est le système solaire,
etc. La question qui reste est de savoir si le cosmos a un écosystème,
Cela repose la question : peut-on concevoir notre monde sans quelque
chose qui lui soit nécessaire bien qu'invisible, qu'on pourrait
appeler néant, vide, infini ou absolu ?
J'adhère tout à fait à ce type d'interrogation
sur la conscience et l'esprit. Mais notre science est loin d'être
achevée. Non seulement il est évident qu'il y aura toujours
de nouvelles découvertes, mais l'infrastructure conceptuelle
de notre science n'en est probablement encore qu'à un stade primitif
De nouvelles dimensions nous apparaîtront. La dimension de l'électromagnétisme
ne nous est apparue qu'au siècle dernier et la gravitation n'a
pu être conçue qu'avec Newton. Qui nous dit que nous ne
découvrirons pas bientôt de nouvelles dimensions qui nous
permettront de complexifier encore notre univers ? Je pense qu'effectivement
la complexité du cerveau - et par conséquent de l'esprit,
puisque les deux sont liés - est aujourd'hui un défi à
tous les modes d'explication que nous pouvons avoir.
Anthropologiquement, nous sommes perdus
- E.-S. M. : Cette hypercomplexité du cerveau et de l'esprit
pose une question épistémologique de fond, lorsque l'on
aborde la réflexion métaphysique impliquée par
les NDE. Si, comme le font les expérienceurs, on postule la survivance
de quelque chose après notre existence « terrestre »,
comment arriver à concevoir, en tant qu'être humain, ce
qui nous suivra ? Cet au-delà de la mort ou de nous-mêmes
serait, d'après leurs dires, et dans une logique d'évolution,
d'un niveau plus complexe. Pouvons-nous espérer, avec nos outils
conceptuels, comprendre cet au-delà (i.e. ces dimensions
supérieures), ou devons-nous renoncer à saisir ce passage
en « méta » ?
- Edgar MORIN : Depuis le Théorème de Gödel, on
sait qu'un système arrive à des incomplétudes dont
ont ne peut sortir que par un méta-système qui nécessite
un métalangage portant sur le langage de ce système. Ce
méta-système résout les insuffisances du système,
mais crée lui-même de nouvelles insuffisances, appelant
un méta-métasystème, dans un processus sans fin.
Or, on voit très bien qu'on ne peut pas continuer à l'infini.
Nous-mêmes, en tant qu'êtres humains, avons un langage.
Nous pouvons avoir un métalangage sur ce langage : le langage
de la grammaire, de la syntaxe, de la linguistique structurale, de la
logique, etc. Mais ont peut difficilement faire un méta-métalangage,
et on ne peut aller au-delà.
Par ailleurs, on s'est rendu compte que nombre de ces métalangages,
qui acquièrent de la rigueur et du contrôle logique par
rapport au langage ordinaire, perdent la richesse de ce langage ordinaire.
Le langage ordinaire détient des possibilités de complexité
et d'ambiguïté que perdent les langages formalisés.
Notre langage ordinaire est finalement le plus riche et c'est bien celui
dont usent les poètes, les écrivains, les essayistes.
Autrement dit, nous ne pouvons qu'élaborer des méta-points
de vue à partir de notre langage et dialoguer avec ce langage.
C'est pour cela que j'en viens de plus en plus à l'idée
de méta-points de vue, plutôt que de métasystèmes.
Nous sommes des êtres humains qui faisons partie d'une histoire
et d'une société. Nous ne pouvons devenir méta-
humains. Mais je peux avoir des méta-points de vue sur l'homme
en considérant l'histoire de la nature, l'histoire du cosmos
; l'imagination peut me faire imaginer des surhommes, je peux avoir
des méta-points de vue sur la société ; je peux
savoir qu'il existe d'autres sociétés, je peux avoir un
méta-point de vue sur un moment historique puisque je peux me
référer à des époques passées, etc.
Nous devons donc élaborer des méta-points de vue. Mais
créer un métasystème, c'est se transformer totalement
et dans ce cas nous oublierions ce que nous étions. Le papillon
est un métasystème par rapport à la chenille, mais
il a oublié qu'il était chenille. L'enfant qui naît
est un métasystème par rapport à l'embryon, mais
il a oublié qu'il a été embryon. S'il apparaît
un métasystème après la mort, il aura oublié
qu'il a été humain.
Ce qui fait que nous sommes condamnés à perdre ce à
quoi s'accrochent le plus les religions du salut, c'est-à-dire
notre identité personnelle. Ce sont les religions chrétiennes
et islamiques, peut-être surtout les chrétiennes, qui ont
le plus insisté sur le salut personnel. Celui-ci ne se contente
d'ailleurs pas seulement de la sauvegarde de l'identité psychique,
il assure aussi la résurrection des corps. La résurrection
des corps m'est impensable. Le monde occidental européen a vécu
sur une sorte de frénésie éperdue du salut que
n'ont pas connue d'autres civilisations, lesquelles se contentent d'une
survie fantomatique des ancêtres, ou bien, comme les bouddhistes,
aspirent à l'anéantissement.
Il faut insister là-dessus. Anthropologiquement, nous sommes
perdus. Non seulement nous sommes dans une petite planète périphérique
au sein d'un cosmos inouï, mais nous les vivants (pas seulement
les êtres humains), nous sommes perdus. Nous naissons, nous mourons,
nous ne savons pas pourquoi, l'espace d'un instant et c'est sans doute
sur cette perdition profonde que je fonderais notre éthique et
notre religion. Ce qui est le contraire du message chrétien :
non pas " Soyons frères parce que nous serons sauvés ",
mais " Soyons frères parce que nous sommes perdus. "
Mais si la mort est notre horizon indépassable, elle est aussi
ce dont est tissée la vie. " Vivre de mort " comme dirait Héraclite.
Nos cellules vivent de la mort de nos molécules, nos organismes
vivent de la mort de nos cellules, nos sociétés vivent
de la mort des individus, etc. Nous sommes amenés à interroger
ce mystère de la mort mais également cet entre-deux. Car
finalement cela peut nous aider à rompre avec notre vision classique
dans laquelle nous avons séparé irréductiblement
la mort et la vie. La mort travaille dans la vie. Mais il y a sans doute,
dans cette zone floue entre mort et vie, quelque chose qu'on peut à
peine imaginer. C'est ce domaine qu'il est intéressant d'explorer.
Rationalité, rationalisation et recherche scientifique
- E.-S. M. : Vous écrivez: " Gödel a démontré
qu'il existe une barrière infranchissable à l'achèvement
de notre connaissance ", et " la pensée moderne a compris que
nos croyances les plus fondamentales sont l'objet d'un pari ". Par ailleurs,
" le monde est à l'intérieur de notre esprit, lequel est
à l'intérieur du monde ". Enfin, " notre appareil logico-mathématique
actuel colle avec certains aspects de la réalité phénoménale,
mais pas avec les aspects véritablement complexes ", et " la
vraie rationalité est profondément tolérante à
l'égard des mystères 4 ".
La NDE semble bien cristalliser ce noeud gordien de la science contemporaine.
La recherche peut-elle continuer en restant crédible et, si oui,
en quel sens devra-t-elle évoluer ?
- Edgar MORIN : Opposer le rationnel et l'irrationnel est une vision
très peu rationnelle. En fait, sous le nom de raison, on oppose
des systèmes rationalisateurs clos à tout ce qui les conteste.
On critique l'astrologie comme irrationnelle alors que j'y verrais le
comble de la rationalisation : elle veut rendre trop cohérent
le destin de l'homme, lequel va dépendre des mouvements et positions
de quelques planètes. Il faut pour cela se méfier beaucoup
de l'emploi simpliste, perverti, de cette opposition entre l'irrationnel
et le rationnel. Personnellement, je fais la distinction entre la rationalisation
et la rationalité.
La rationalité aboutit souvent à des incertitudes. On
n'a pas de preuves définitives dans de nombreux cas pour les
questions les plus importantes. La rationalisation recherche la cohérence
absolue, alors que la rationalité accepte le dialogue avec ce
qui, dans l'univers, résiste à la logique. La rationalité
ne refuse pas à tout prix la contradiction ; dans certains cas,
elle doit la reconnaître. La rationalité ne peut jamais
se clore sur le monde, elle ne peut jamais refermer la logique sur le
monde. La rationalité est toujours en dialogique, la rationalisation
un système moniste clos.
J'opposerai la rationalisation à la rationalité dans
une dualité forte : la rationalisation est un système
absolument cohérent qui part de prémisses limitées
mais qui s'estiment avoir couvert toute l'expérience. La rationalisation
est donc toujours fermée et se fonde sur la cohérence
logique pour rejeter tout ce qui n'entre pas dans le cadre du système.
La rationalité est, au contraire, ouverte : être rationnel,
ce n'est pas seulement vouloir donner un lien logique entre les arguments,
c'est aussi accepter que le schéma logique s'incline devant l'expérience.
Quand on arrive, par exemple, à l'idée que l'onde et
le corpuscule correspondent à la même réalité,
c'est parce que des expériences montrent que, dans certains cas,
la particule se comporte comme une onde et, dans d'autres cas, comme
un corpuscule, ce qui est logiquement incompatible. Mais on est arrivé
à cette contradiction par des moyens tout à fait rationnels.
Quand on arrive à des contradictions par des voies rationnelles,
il faut les assumer. C'est ce qu'a fait Niels Bohr en adoptant la conception
complémentaire de l'onde et du corpuscule, bien que, logiquement,
ces deux notions eussent dû s'exclure pour décrire une
même réalité.
Finalement la rationalité, c'est le dialogue avec l'irrationalité
et l'irrationalisable.
Pour généraliser encore plus, J'ai une attitude ouverte
par rapport au psi (i.e. parapsi : télépathie,
voyance, etc.). D'une part, je reconnais que ces manifestations ne peuvent
pas être prouvées selon les méthodes classiques
de l'expérimentation, puisqu'elles ont besoin de conditions psychologiques
et d'environnement favorables. D'autre part et sans croire être
victime d'un phénomène de rationalisation des éléments
probants et d'oubli des éléments non probants, il m'arrive
moi-même d'être frappé par la prédiction de
certains événements. Ces phénomènes ne pourront
être véritablement compris qu'à partir du moment
où la science elle-même deviendra plus complexe, plus avancée,
plus ouverte. Le processus est d'ailleurs en cours.
Pourquoi y a-t-il, par rapport à ces phénomènes,
plus d'ouverture dans le milieu scientifique anglo-saxon que dans le
milieu scientifique français ? Parce que le monde français
est plus soumis à la rationalisation, c'est-à-dire à
la logique close qui rejette le phénomène comme impossible.
On explique alors toujours par les trucages, les illusions, le pur hasard,
etc. Dans le monde empirico-anglo-saxon, il n'y a pas un rejet aussi
fort.
En ce qui concerne les témoignages, il s'agit de voir comment
ils collent entre eux. Donc, nous sommes obligés d'appliquer
un examen empirico-rationnel, comme on l'a fait dans le débat
sur l'existence de Jésus, On s'est demandé si Jésus
était un être humain ayant physiquement existé.
Au début du siècle on a mis en doute son existence en
tant qu'homme. On ne peut être persuadé de l'existence
historique de Jésus qu'en vertu d'une concordance d'indications
qui la rendent extrêmement plausible.
Quand vous prenez l'histoire de la physique, l'idée fausse et
féconde était qu'il fallait trouver l'atome, la brique
ultime. On a trouvé l'atome et l'on s'est rendu compte que ce
n'était pas la brique ultime. Alors on a trouvé la particule
et on a vu que la particule elle-même est très complexe.
La particule s'est presque dissoute et on est arrivé à
cet univers dont on ne sait plus quel est le constituant premier, ni
même s'il y a un constituant premier.
Pour le cosmos, on est parti d'un monde parfait, mécanique,
déterministe, le monde de Laplace auquel les physiciens tenaient
avec une force aussi inouïe que les croyants tenaient à
leur Dieu. En trente ans, ce cosmos s'est effondré. On en est
maintenant au mystère d'un début qui est une aporie :
comment le monde a-t-il commencé, comment peut-il y avoir un
début ? etc. On arrive au mystère profond du réel,
du monde physique et du cosmos. Ainsi, la recherche finit par nier les
postulats moteurs qui la guidaient.
En biologie, actuellement, on est très en retard. On doit en
être encore à peu près où en était
la pensée des physiciens au XIXe siècle.
La thèse classique, dite néodarwinienne, est incapable
de concevoir la créativité, alors que c'est cette créativité
qui est le phénomène fabuleux de l'histoire de la vie.
La création est création parce qu'on ne peut concevoir
la création avant qu'elle n'apparaisse. Il n'y a en fait aucun
mode de percevoir a priori la créativité. elle échappe
au concept. Mais une fois qu'elle est apparue, on doit avoir des schémas
qui la comprennent plutôt que des schémas qui la nient.
Les biologistes croient avoir trouvé leur atome de base, la
molécule. Ils croient avoir trouvé le secret de la vie.
C'est l'explication avec l'évolution hasard-variation, etc. Tout
cela sera balayé, on ne sait pas quand, pour interroger le mystère
de la vie dans le mystère de l'auto-organisation. Ou plutôt
ce que j'appelle l'auto-éco-organisation. Qu'est-ce qu'un système
qui se produit lui-même, mais dont les produits sont nécessaires
à sa propre production ? Voilà un grand problème.
La vie est-elle unique dans le monde ? On sait qu'elle ne peut être
que très rare, bien entendu, mais n'y a-t-il pas d'autres types
de vie possibles ? Sans aller jusqu'à d'autres univers, il pourrait
y avoir d'autres formes de vie dans notre univers, sans qu'on puisse
les voir. Pourquoi pas ?
Il faut que la recherche continue, ce qui veut dire que l'ou doit briser
les dogmes simplificateurs qui étaient finalement d'une naïveté
incroyable. Il faut que ces dogmes soient brisés par la poursuite
de la recherche elle-même. La recherche doit continuer et en continuant
elle va créer des ouvertures,
Il faut que se refasse l'ouverture entre science et philosophie. Aujourd'hui,
ce sont les scientifiques eux-mêmes qui se font philosophes. Albert
Einstein et Niels Bohr avaient commencé, aujourd'hui ce sont
David Böhm, Stephen Hawking, Hubert Reeves... Les biologistes avaient
un peu commencé, avec Jacques Monod, mais le mouvement n'a pas
continué. Il faut rouvrir la science et du même coup rouvrir
la philosophie qui reste extrêmement close
C'est ainsi que vont apparaître des phénomènes
et des problèmes de moins en moins compréhensibles dans
les systèmes de pensée existants, des anomalies tellement
énormes qu'elles vont faire éclater ces systèmes
de pensée. Et c'est en cherchant d'autres systèmes que
va pouvoir surgir l'appréhension de nouvelles dimensions. Il
faut que l'évolution continue jusqu'à leur décomposition
et leur recomposition.
Spiritualité : un moi qu'il faut nettoyer
- E.-S. M. : Dans votre interview du Figaro 5,
vous dites : « ce qui serait bizarre, ce serait que ceux qui reviennent
de la mort ne changent pas leur vie ». Louis-Vincent Thomas pour
sa part, constate que la transformation des expérienceurs va
beaucoup plus loin : « la NDE ressemble à une authentique
conversion religieuse » 6. Il est
nécessaire de ne pas confondre science et croyance, pourtant,
comme le souligne Louis-Vincent Thomas, la science peut être objet
de croyance et la croyance objet de science 6.
Mais l'une et l'autre ne jouissent pas à notre époque,
en termes de domaine de connaissance, d'une même réputation
de sérieux. Sauf à la ravaler à un statut de croyance,
ontologiquement dévalorisé, la spiritualité ne
souffrirait-elle pas d'un interdit de penser scientifique ?
- Edgar MORIN : La spiritualité est un mot qu'il faut nettoyer.
Nous vivons dans une tradition de pensée qui oppose l'esprit
et la matière. Le positivisme et le matérialisme ont fait
de l'esprit une simple superstructure, De l'autre côté,
il y a le spirituel abstrait qui gouverne la matière. Il faut,
aujourd'hui, régénérer la notion d'esprit.
Chacun s'y prend à sa façon. Par exemple, dans mon dernier
livre 3, je considère qu'il y a une
vie des choses de l'esprit ou plutôt des « êtres d'esprit
». Cette vie n'est pas, évidemment, la vie nucléoprotéinée,
mais sans celle-ci il n'y aurait pas de vie de l'esprit. Quand on a
la conception de l'émergence qui est la mienne, on voit que ce
qui émerge n'est pas une superstructure, mais la réalité
ultime, suprême, la fleur, la chose la plus précieuse,
la plus importante. Dans cette conception, on peut dire que le spirituel
devient effectivement comme la fleur de l'extrême complexité,
ce qu'il y a de plus précieux, de plus fragile. C'est dans cette
conception que l'esprit devient non pas quelque chose d'immortel, d'absolu,
qui trône, mais l'efflorescence ultime, toujours menacée
par la fausse conscience.
Dans cette mesure, il devient possible de redonner sens à l'esprit,
à l'idée d'esprit vivant. Car il y a une façon
rituelle d'interpréter tous les mots. Sur le fronton de l'université
d'Heidelberg figure l'inscription « A l'esprit vivant ».
C'est très beau. Mais vécu rituellement, ça ne
veut rien dire, comme toute inscription. Si on le sent en profondeur,
ça a un sens, On dit « oui à l'esprit qui vit »,
et on s'offre à l'esprit vivant.
Il n'y aura renaissance de la spiritualité que si celle-ci se
fait sur un mode que je qualifierai de tragique. Un mode dans lequel
elle devra sans arrêt lutter pour ne pas dépérir.
Et cela non seulement contre ses conditions matérielles d'émergence,
mais aussi contre sa tendance à se scléroser. La spiritualité
euphorique et fade perd la vie de l'esprit en escamotant la mort. C'est
pourquoi je suis un peu contre les spiritualités euphorisantes
et providentialistes de l'histoire du monde. Je suis plutôt pessimiste,
c'est pourquoi je doute des expériences post mortem.
Toute spiritualité triomphante, euphorique, rejoint le matérialisme
triomphant. Il s'agit d'ailleurs de deux phases d'une même mentalité
- on dispose d'une notion clé, évidente, expliquant tout,
rayonnant sur tout, soit la matière, soit l'esprit.
Il y a chez Teilhard., par exemple, une euphorisation qui, pour moi,
affadit sa spiritualité. Teilhard de Chardin est trop providentialiste.
Le devenir est téléguidé. Teilhard est un penseur
très important. Il fait d'ailleurs partie des esprits sous-estimés.
On peut remarquer que les chercheurs sous-estimés sont des gens
qui sont à cheval sur la biologie, la psychologie, l'épistémologie,
l'anthropologie. C'est Piaget, c'est Teilhard, c'est Bateson.
Ils ont un temps effectué une percée, mais le système
universitaire se referme et découpe en morceaux ce qu'ils ont
fait. Qui plus est, Bateson n'a jamais fait de carrière universitaire.
Piaget avait fondé un institut, qui a été disloqué.
Teilhard est resté un peu au-dessus de l'institution, et alors
son message n'a pas pu s'y enraciner.
La spiritualité est un enjeu beaucoup plus beau, beaucoup plus
noble. Il faut réapprendre le concept même d'esprit. La
quête de l'esprit, c'est écouter ce que dit l'esprit, c'est
éveiller la vie de l'esprit. L'esprit, c'est un niveau de vie,
une qualité de vie, inséparable des autres niveaux de
vie et des autres qualités de vie. La spiritualité ne
doit donc pas chasser la gastronomie. A ce type de vie, on peut se dédier.
On se dédie à l'esprit. Si les universités remplissaient
leur rôle au lieu de se spécialiser, se bureaucratiser,
se fonctionnariser, c'est cela qu'elles seraient : des lieux voués
à l'Esprit.
1. Certains aspects de ces questions ont été
repris en conclusion.
2. L'Homme et la Mort, Ed. du Seuil, 1951, 1970.
3. La Méthode. no 4 - Les idées,
Ed. du Seuil, 1991.
4. Introduction à la pensée complexe,
ESF, 1 1990
5. Le Figaro du 11. 01.1991
6. Voir Postface.
POSTFACE
Pour une anthropologie du non et une épistémologie
du pourquoi pas
Louis-Vincent THOMAS
Le jour où Louis-Vincent THOMAS m'a remis cet article, nous
est parvenu ce témoignage que nous ne résistons pas
au plaisir de citer, tant il résonne avec les derniers propos
de Louis-Vincent THOMAS.
Évelyne-Sarah MERCIER
« A mon réveil, j'avais tellement été
frappée par ce qui m'était arrivé, ce très-être,
cette sérénité, ce bonheur, cette lumière
irréelle qui m'était apparue avec cette femme très
belle, mais que je n'ai pas reconnue... »
Un témoin
I) Pourquoi et comment un professeur en Sorbonne
en vient à s'intéresser aux NDE
En 1975, il n'y avait pas un mois que l'Anthropologie de la mort
était publiée que je reçus une lettre étrange
:
« Monsieur, j'ai lu votre livre-, il m'a impressionné.
Mais quelque chose n'y figure pas. J'ai quatre-vingts ans. J'ai fait
un infarctus. J'ai vu, à ma mort, au-dessus de mon lit mon
propre corps : " C'est terminé ", dit le médecin en
me fermant les yeux. Alors je fus aspiré, je parcourus en tournant
un immense tunnel noir où j'entendais à la fois des
bruits pénibles et une douce musique. Puis soudain apparut
une lumière extraordinaire. J'ai rencontré ceux que
j'avais aimés et qui vivaient dans un au-delà de paix,
de bonheur indicible ; ils me dirent que mon heure n'était
pas arrivée. Je ressentis alors un amour immense. J'avais l'impression
de tout savoir, de tout comprendre. Mais je dus quitter ces lieux
contre mon gré car mon heure n'était pas venue de mourir.
L'entrée dans mon corps me fut pénible. Quand je me
suis réveillé, allongé sur mon lit d'hôpital,
j'ai protesté auprès du médecin et de ma femme
: " Pourquoi m'avez-vous réanimé ? J'étais si
bien où j'étais. Il fallait me laisser tranquille ".
Ma chère bonne femme se mit à pleurer. »
Je ne pris pas garde à cette révélation, par bêtise,
je le confesse. J'ai envoyé un mot de remerciement à ce
brave homme, illuminé selon moi, et j'ai classé
sa lettre dans mes archives répertoriées selon mes critères
cartésiens. En 1976, je recevais un article paru dans Newsweek
(412/7) où il était question du livre de Moody, Life
after Life, que je me procurai aussitôt.
Ce fut la révélation, encore mêlée, il est
vrai, d'un lourd scepticisme. Mais cela fit tilt dans ma cervelle. J'avais
une impression de déjà-vu. Un tableau célèbre
de Jérôme Bosh nous fait entrevoir les chemins de l'empyrée
et des NDE anciennes, notamment décrites chez Platon, Plutarque
et Plotin,
L'anthropologue et le sociologue retrouvaient les traces du philosophe.
C'est pourquoi, lorsque Évelyne-Sarah Mercier décida de
fonder IANDS-France en juillet 1987, j'acceptai immédiatement
d'en devenir président.
Ce qui interpelle le plus l'anthropologue reste bien l'étonnante
ressemblance entre ces témoignages émanant parfois de
personnes très simples, quelle qu'en soit l'origine sociale (peu
importe qu'elles soient croyantes ou athées), et le contenu symbolique
de certaines oeuvres de sagesse antique.
Il faut cependant aussitôt ajouter, et l'analyse des cas singuliers
l'atteste, que sur ce canevas « théorique » savent
s'inscrire bien des broderies diverses : suppression ou accentuation
des phases et aléas de leur diachronicité, variété
très grande des images (le tunnel horizontal peut devenir ascenseur
vertical, hétérogénéité des figures
de l'être de Lumière par exemple), pluralité des
fantasmes sous-jacents 1. D'autres modalités
d'expériences peuvent être ressenties, assez éloignées
du type traditionnel, lequel ne doit surtout pas piéger le chercheur.
Que conclure de tout cela ?
1) Avant tout, admettre qu'il existe plusieurs variantes dans la
phénoménologie de la NDE. Restons attachés, certes,
au modèle moodyen ; sorte d'idéal-type au sens
weberien, car il constitue l'axe référentiel.
2) La NDE renvoie à quatre idées-forces qu'Edgar Morin
et moi-même avons signalées : le double-décorporation
; le tunnel-passage et/ou initiation ; la lumière-amour et/ou
savoir ; la métamorphose - encore que, selon moi, il n'y ait
pas chronologie dans l'apparition de ces thèmes au cours de
l'histoire de l'humanité. Toutefois j'estime, selon l'expression
du poète, qu'« il existe plusieurs habitants dans la
maison de notre père ». Et que dans cette nébuleuse
« NDEique », R. Kastenbaum 2
l'avait remarqué bien avant moi, chacun apporte le stock d'images
propres à son système de civilisation ; le film L'Expérience
interdite 3 le montre bien, en reprenant,
à la sauce américaine, les thèmes judéo-chrétiens
: culpabilité-expiation-rédemption avec de la drogue,
du racisme, du suicide, de la sexualité « libérée
» inséparable de la compulsion de répétition.
Sans oublier, cela va de soi, notre expérience personnelle
qui colore chaque NDE à sa façon de nos propres affects
! Pour m'en tenir au seul niveau descriptif, IANDS a tout à
fait raison de partir en quête des témoignages singuliers
et de les explorer dans leur complexité profonde. Ce n'est
pas seulement, comme trop souvent on tend à le croire, le seul
domaine de l'explication qui s'avère particulièrement
difficile à appréhender.
Ce qui interpelle plus particulièrement le sociologue, c'est
le retour du phénomène, voire l'engouement qu'il suscite.
Deux types d'arguments prévalent. Tout d'abord les progrès
de la réanimation : il est alors possible de recueillir le témoignage
de ceux qui ont frôlé la mort à la suite d'un arrêt
cardiaque, rattrapé à temps, d'un accident violent, d'une
maladie grave... En second lieu, à une époque où
le catholicisme bat de l'aile, où les idéologies s'effondrent,
laissant un goût d'amertume, où les promesses d'un avenir
heureux prôné par la science et la technique se révèlent
vaines, où les voies de notre raison paraissent étriquées
et sombrent dans le dogmatisme suffisant, où le matérialisme
ne satisfait plus nos aspirations, un fort mouvement vers le surnaturel,
voire la spiritualité, s'impose à beaucoup : d'où
la fascination pour la « grande lumière », authentique
« renouvellement de la grande espérance de salut hors de
la religion révélée » (Edgar Morin).
En tout cas, ce qui frappe, c'est bien la facilité avec laquelle
l'expérience mystique peut survenir chez l'homme, même
chez celui qui ne présente guère de préoccupation
spirituelle particulière. On ne peut pas dire que la NDE soit
une expérience religieuse au sens courant, car ce mot réfère
trop à l'église. Mais il y a en elle du sacré et
du spirituel, c'est-à-dire dépassement de la stratégie
du rite et dépassement de l'ontologie du corps. Selon Kenneth
Ring, la NDE joue un rôle de conversion, de catalyseur spirituel.
Par ailleurs, la NDE renvoie à un imaginaire qui dépasse
le monde des images ou l'imaginaire rationnel. Le premier imaginaire
est celui des images ordinaires des magazines ou de la télévision.
Le second s'appuie sur la raison, pour la dépasser, c'est l'imaginaire
scientifique, surrationnel, transrationnel ou hyperrationnel.
En ce qui concerne la NDE, il faut parler d'imaginaire pulsionnel,
c'est-à-dire lié aux cerveaux reptilien ou limbique. Profondément
invicéré dans l'inconscient, cet imaginaire donne sens
à nos aspirations, à nos désirs, à nos passions,
à la violence dominatrice archaïque. Il nous aide donc à
vivre, à survivre et à nous dépasser. Révélant
la structuration profonde de l'homme et du moi, l'imaginaire déployé
dans la NDE est donc un moyen d'accéder à cet inconscient,
au même titre que la psychanalyse ou le rêve éveillé.
L'imaginaire pulsionnel est à la fois constitué d'universel
et de culturel, d'où l'intérêt de faire des enquêtes
transculturelles. Par exemple, une thèse soutenue à Dakar
a montré que même chez des Noirs musulmans on retrouvait
des fragments de mythes africains archaïques
La nécessité de manifestation de cet imaginaire n'apparaît
pas qu'à travers les NDE. On observe actuellement de nombreuses
réactions compensatoires à la mutilation qui résulte
de l'hyperrationalité ambiante : remise à l'honneur de
tout ce qui touche au corporel et au pulsionnel ; prédilection
pour les états altérés de conscience ; attraction
pour la parapsychologie ; pratique de la bioénergie...
N'oublions pas que les NDE peuvent surgir en dehors de l'approche de
la mort, par exemple lors de certains stress non mortifères;
après une méditation profonde, voire transcendantale ;
dans le contexte hallucinogène de l'anesthésie ; à
propos des rêves éveillés ou quand on ingère
certains psychotropes (LSD, DPT), lors d'expériences psychédéliques
(travaux de S. Cirot) ; ou s'il y a une mise en condition mentale et
psychomotrice, comme cela se produit dans les pratiques des rites initiatiques,
voire à n'importe quel moment, même le plus inattendu.
Reste à supposer qu'en ces instants-là quelque chose de
fondamental se réalise au plus profond de notre vécu existentiel
où l'angoisse de mort fait surface.
II. Les nouvelles sciences et le nouvel esprit de
la science
La recherche en matière de NDE non seulement ne saurait être
que pluridisciplinaire, mais encore implique-t-elle la quête de
nouveaux paradigmes, la transformation de nos concepts et catégories
traditionnels, le dépassement d'une raison strictement cartésienne,
voire l'appel métaphysique à la transcendance. Justement,
tout un courant scientifique moderne renoue avec le mysticisme et même
avec la pensée orientale, assurant le triomphe du surrationnel.
1) L'irruption de la parapsychologie
Partant de l'idée que le corps humain est émetteur-récepteur
d'énergie, la parapsychologie a connu ces dernières années,
tant en URSS qu'aux Etats-Unis, un essor assez exceptionnel ; et singulièrement
la psychotronique, ou étude des phénomènes paranormaux
produits par l'action de la pensée (télépathie,
psychokinèse, vision extrarétinienne). Nombreux, par ailleurs,
sont les auteurs tels que W. James, Jung, Maslow, Tart et, plus près
de nous, Walsh, Vaughan, Deikman qui se sont intéressés
à l'étude des cas de conscience et de modes de perception
non ordinaires, voire des états altérés de conscience
; certains d'entre eux érigent même la tradition mystique
en discipline scientifique capable de saisir le réel dans son
essence ; ce qui ne peut se faire que par le truchement d'un savoir
direct que Deikman nomme intuition. « La parapsychologie se propose
l'étude de nouveaux modes d'interaction qui semblent exister
entre les organismes vivants et leur environnement. Des événements
internes à ces organismes paraissent correspondre à des
événements qui leur sont extérieurs. Ces correspondances
paraissent anormales en ce sens qu'elles ne semblent pas pouvoir être
interprétées dans le cadre actuel de la connaissance scientifique.
»
2) Physique et mystique
Cette redécouverte de la mystique réalisée par
la parapsychologie (ainsi que par la psychologie transpersonnelle) devient
le fait également d'une certaine physique. Trois exemples peuvent
être cités
A) Ainsi en va-t-il de la théorie holographique.
« En tant que moyen de concevoir la conscience, la théorie
holographique est très proche des mystiques et des philosophies
orientales. Il faudra un certain temps avant que l'on ne se familiarise
avec un ordre de réalité différent de celui du
monde des apparences. Il me semble que certaines des expériences
mystiques décrites depuis des millénaires commencent
à paraître scientifiquement vraisemblables. Elles annoncent
la possibilité de pénétrer dans cet ordre de
réalité qui se trouve derrière le monde des apparences
Les intuitions spirituelles s'accordent avec la description dans ce
domaine. L'invention de l'hologramme (pratiquement en 1960) les rend
parfaitement plausibles 4. »
B) C'est aussi le cas de la physique des quanta,
comme le montre F. Capra 5. Cet auteur
défend avec conviction la parenté qui existe entre le
monde de la physique moderne et la conception métaphysique
du Tao 6. Ce qui confirme les aspirations
de ceux qui privilégient le modèle mystique oriental
et rejoint les découvertes de la psychologie transpersonnelle.
Deux idées fondamentales qualifient cette position :
1°) Le réel, par-delà les apparences subjectives,
demeure profondément un, l'interconnexion quantique de l'univers
reste la donnée primordiale, tandis que les parties fonctionnant
de façon relativement indépendante sont simplement des
formes particulières à l'intérieur de cet ensemble.
L'unité fondamentale de l'univers, écrit F. Capra, «
n'est pas seulement la caractéristique centrale de l'expérience
mystique ; elle est aussi un des révélateurs les plus
importants de la physique moderne ».
2°) Pour saisir ce réel, il est impossible de se
contenter des procédés et des stratégies habituels
: par-delà l'expérience objective et les opérations
logiques de la raison, l'intuition suprasensorielle et surrationnelle
devient le meilleur outil du savoir. De même que la structure
de l'atome ne saurait se lire avec les mots de chaque jour, de même
nous ne pouvons parler de l'être et de la survie qu'avec un
langage nouveau et approprié. I. Pringogine (le plus crédible
des scientifiques à ce propos) et I. Stengers évoquent
à juste titre la « métamorphose de la science
» et « la nouvelle alliance » qu'elle suscite, celle
de l'homme et de l'univers 7. La physique
donne raison à la mystique ; non à celle du chrétien
occidental, mais à celle de l'homme d'Orient pour qui l'unité
du monde ou son principe se nomme Tao, Brahman, Vérité
ou Savoir.
C) Une autre piste mérite d'être
prise en considération : l'hypothèse théorique
de l'existence des tachyons, matière superlumineuse avec les
référentiels SFR (superluminal referential frame)
ayant une vitesse supérieure à c, non encore vérifiée
expérimentalement 8, Un article
de cet ouvrage lui est consacré.
Ainsi l'objet oublié NDE nous incite-t-il à créer
une anthropologie du non en compagnie de la physique, de la philosophie
et des nouvelles sciences.
III. Science et croyance
On peut, sans équivoque, assurer que le sujet qui a vécu
une NDE n'était pas réellement mort comme trop souvent
on se complaît à le prétendre. Disons seulement
qu'il a pu aller jusqu'aux limites extrêmes de la vie, ou aux
frontières du trépas. En revanche, la question de savoir
si ce vécu-pas-comme-les-autres, oublié puis retrouvé,
constitue une preuve valable de l'existence de l'au-delà peut
soulever un débat. Nombreux sont les auteurs qui franchissent
le Rubicon. Ainsi en va-t-il du directeur de IANDS-Royaume-Uni, D. Lorimer.
Pour lui, si l'OBE (Out of Body Expérience) montre la
faculté du Soi conscient d'avoir des expériences et des
perceptions hors du corps, la NDE suppose que cette faculté persiste,
même si le corps vit un état de totale inconscience. «
La mort exprime la séparation définitive du Soi conscient
et du corps physique. » En tant que passage, « elle implique
le recentrage du sujet dans une autre dimension de la réalité
plus vaste, qui n'est pas assujettie aux limitations de l'espace-temps
10. » Ainsi la mort n'est-elle
pas un terme ; la fin apparente de l'existence consciente « est
en réalité un nouveau commencement ». Naître,
c'est mourir à la vie utérine et affronter seul la réalité
: toute la vie nous vivons des morts et faisons notre deuil de bien
des choses : pourquoi la mort ne serait-elle pas une nouvelle étape
vers la croissance ? Le mourant, disait E. KübIer-Ross, «
se dépouille de son corps physique de la même façon
qu'un papillon sort de son cocon 11
». Dans le même sens, on évoque les relations possibles
entre morts et survivants. Certains, comme le père Brune, attestent
de messages verbaux reçus de disparus. Quelques défunts,
par le biais de médiums faisant le récit de leur mort,
confirment le vécu d'une NDE avec une seule différence
: l'absence de retour à la vie ; cette fois, le Soi conscient
se concentre sur un autre niveau de réalité/conscience,
probablement plus réel que le monde physique qu'il a laissé
derrière lui (témoignages de K, Novotny, B. Russell, G.
Hopkins, R.H. Benson). Mais quelle crédibilité accorder
à ce genre de témoignage ?
Que certaines NDE donnent l'impression d'une transcendance, d'un contact
avec l'absolu ou l'au-delà et ressemblent à une authentique
conversion religieuse ne fait aucun doute. Jean de la Croix, Thérèse
d'Avila, Catherine de Sienne vérifient la réalité
de l'expérience mystique, non la vérité de Dieu
12.
On ne saurait mettre sur le même plan croyance et science, même
si je pense qu'il faut à la fois respecter la croyance (peut-être
un jour son bien-fondé sera-t-il prouvé) et en faire un
objet de science. Qui croit ? A quoi ? Quand ? Pourquoi ? Comment ?
Etonnant paradoxe, témoignage et croyance sont des données,
non la vérité donnée ; ils sont donc objets de
science. A condition d'ajouter que la science, à son tour, reste
objet de croyance. D'où, l'épistémologie du
pourquoi pas ?
Confirmation indiscutable d'états de conscience, à tort
ignorés de la psychologie scientifique et récusés
par le scientisme médico-biologique, mais nécessitant
pour être comprises une véritable rupture épistémologique
(nous le répétons : pluridisciplinarité, anthropologie
du non), les NDE ne recèlent pas, selon nous, la certitude de
notre immortalité ou celle de notre passage après la vie
vers une grande aventure spirituelle. Sauf à en fournir la preuve
irréfutable. J'estime, avec mon ami le Dr H. Larcher, qu'on pourrait
aborder cette question délicate par le biais nécessaire
de trois voies :
1) la voie thanatologique, pour observer l'ordre de dégradation
et de transformation des substances corporelles post mortem
;
2) la vole hagiologique, pour en constater les comportements
inhabituels (conservation remarquable de certains cadavres, manifestations
paranormales, etc.) et pour fonder « une énergétique
de la mort » ;
3) la vole maïeutique qui, pour H. Larcher, est «
J'étude des analogies et des corrélations entre les
processus de naissance et de mort ». Sans opérer cette
démarche, toute croyance en l'immortalité ou plutôt
la survie reste acte de foi. Lequel devient objet de science.
La leçon à tirer de tout cela pourrait bien être
l'hypothèse judicieuse que propose M. Hulin (La Face cachée
du temps, Fayard, 1985). L'au-delà n'est peut-être
« qu'une déformation, une adaptation, une transposition
imaginaire d'une expérience réelle, celle de la non-mort
». Que l'homme déborde les limites de son individualité,
de son ego temporel, de son petit moi jacasseur, ne trouverait-il pas
alors le présent immobile qu'est l'éternité ? L'«
au-delà cesserait d'être l'ailleurs pour devenir l'ici
; il ne serait plus le futur mais le maintenant ». Les récits
des accidentés ou des comateux tenus pour morts et la prise en
compte des expériences d'extra-corporéité pourraient
apporter des preuves à une telle interprétation. La pensée
scientifico-technique confirme et durcit le sens de notre individualité,
sépare et tourne le dos à l'expérience spirituelle
: « C'est, au contraire, la pensée magique de l'émotion,
la pensée sauvage du désarroi, de la désadaptation
et de la dissolution du moi qui nous offre une chance fugitive de la
retrouver. » N'est-ce pas, à certains égards, la
leçon que donnent, à leur manière, la pensée
bouddhiste, le soufisme islamique, le christianisme d'un Maître
Eckhart, bref les grandes entreprises mystiques ? Pour elles, l'acte
essentiel de vivre consiste à mourir « pour passer au-delà
», quitte à comprendre que l'autre rive n'est « nulle
part ailleurs qu'ici et maintenant, sans espoir ni désir ».
Telle est la face cachée du temps, inaccessible à la raison
et qui se vit comme plénitude. C'est ce que nous apprend le prince
André, atteint par une balle sur le champ de bataille d'Austerlitz
qui a soudain « la révélation extatique de cette
paix qui passe l'entendement » (Tolstoï, Guerre et paix).
« Sommeil sans rêve » (comme disait Platon), «
songe agité » (selon le mot de Shakespeare), la mort demeure
bien la grande inconnue. Même si on la maîtrise statistiquement,
on ne sait ni le jour, ni l'heure où elle va nous frapper ; car
inéluctablement elle aura notre peau ; nous savons encore moins
ce qu'elle nous réserve...
Il m'arrive de voir en elle une femme splendide, tout de blanc vêtue,
qui, au milieu d'une étreinte indescriptible, saura me conduire,
bienheureux, vers Celle qu'elle m'a un jour ravie. Si tant est qu'Elle
se trouve quelque part; je voudrais bien le croire. Hélas ! je
n'en sais rien ; même si je fais « comme si » et me
dis « pourquoi pas ? ».
Peut-être la Bhagavad-Gîtâ a-t-elle raison
lorsqu'elle nous dit : « Ce qui est ne peut cesser d'être.
»
1. Voici un exemple parmi beaucoup d'autres.
Sur 102 patients qui ont connu l'agonie et en sont revenus et que K,
Ring a interviewés, 60 % ont éprouvé une paix ineffable,
37 % ont vécu l'extra-corporéité, 26 % ont connu
des images panoramiques, 23 % se souviennent de l'entrée dans
le tunnel obscur, 16 % restent sous le charme de la lumière captivante
; mais à peine 8 % ont rencontré des parents (Sur les
frontières de la vie, Laffont, 1982).
IANDS-France a mis au point un protocole international d'enquête
afin d'élargir et d'approfondir ces recherches. Voir l'article
d'Évelyne-Sarah Mercier « Invariance et multiplicité
des Expériences de mort imminente ».
2. La Vie après la mort, Garancière,
1986.
3. Voir mon éditorial dans le Bulletin
de l'IANDS n' 9, ainsi que l'article d'Évelyne-Sarah
Mercier, « Enquêtes sur une expérience objet de tous
les soupçons ».
4. Dr Pribram cité par K. Ring, Sur
la frontière de la vie, Laffont, 1980, p. 265, Dans le prolongement
des travaux de K.H. Pribram, K. Ring assimile la conscience prae
mortem à un mécanisme holographique, domaine des vibrations
de haute fréquence où espace et temps s'effondrent. Le
stade du mouvement rapide dans le tunnel traduit le passage d'un monde
tridimensionnel de la réalité quotidienne à l'univers
de type holographique. A ce niveau les fréquences vibratoires
élevées sont interprétées comme des phénomènes
connus dans le vécu habituel : lumière extraordinaire,
musique merveilleuse, couleurs éclatantes, etc. Puisque l'espace
et le temps n'existent plus comme avant, tout est vécu de manière
synchrone : d'où la vision panoramique. Enfin, parce que sa conscience
va au-delà du présent, le sujet en réanimation
comprend que son heure n'est pas encore venue et qu'il doit réintégrer
le monde de la vie ordinaire. Tout cela est bien troublant niais ne
suffit pas pour convaincre. Ce modèle est actuellement repris
par B. et R. Dutheil, P. Bacelon (voir leurs articles
dans cet ouvrage) et A. Bonaly (voir Bulletin de l'IANDS, n'4).
5. Le Tao de la physique, Paris, Tchou,
1979.
6. Voir D. Savard, « Immortalité
et sentiment d'éternité », in Survivre. La religion
et la mort, Québec, Bellarmin, 1985.
7. La Nouvelle Alliance, Métamorphose
de la science, Gallimard, 1979,
8. Le physicien J. Steyart de Louvain a observé
expérimentalement un effet tachyo-électrique provenant
de la production d'une paire tachyon-antitachyon.
9. « Au-delà du mur de la lumière,
la conscience et la mort », de R. et B. Dutheil.
10. L'Enigme de la survie, Laffont,
1984.
11. Le livre de E. KübIer-Ross porte,
à cet égard, un titre lourd de sens : La mort est un
nouveau soleil, Paris, Ed. du Rocher, 1988.
12. Même si des auteurs comme P. Van
Eersel (La Source noire. Grasset, 1986) ou H. Renard (Des
prodiges et des hommes, Lebaud, 1990) nous annoncent une mutation
de l'humanité en train de se faire. Ainsi, remarque H. Renard,
ceux qui, aujourd'hui, aspirent à cette union sont de plus en
plus nombreux- Comme si le dialogue avec l'Invisible, trop longtemps
négligé, était la seule porte de sortie possible
à l'homme pour poursuivre son évolution. Comme si l'homme,
devant une impasse, trouvait, dans l'union au Divin, l'unique échappée
[...] qui lui permette de survivre. Après l'Homo sapiens,
il est possible qu'en même temps que le " spatio-pithèque
", l'homme capable de s'adapter dans l'espace et d'y vivre, nous regardions
naître l'Homo mysticus ».