LA MORT TRANSFIGURÉE

Recherches sur les expériences vécues aux approches de la mort (NDE)

 

Deuxième partie

 

NDE et médecine :

l'attachement du corps médical au corps-objet est-il pathologique ?

       Hypothèses

Introduction

Témoignages

1.

 

MÉDECINS-CHERCHEURS APPELÉS AU CHEVET DE LA NDE

Jean-Pierre JOURDAN
docteur en médecine

 
 

" Et finalement, la valeur d'une expérience se mesure à son pouvoir de transformation de la vie, sinon nous sommes devant un vain rêve ou une hallucination. "

Satprem

 
 

La lutte contre le mal-être, la maladie et la mort est la raison d'être de la médecine. Le premier a été abordé par la psychologie, la psychiatrie et de nos jours par la neurobiologie qui a trouvé des moyens pharmacologiques d'agir sur le comportement. La maladie a été abordée de manière d'abord empirique, puis de plus en plus objective, sous l'angle physiologique. La compréhension du fonctionnement du corps humain, de ses organes et de leurs interactions a permis de mieux maîtriser la maladie et la souffrance, et de faire reculer toujours plus l'échéance ultime. Mais le combat pour la vie est perdu d'avance, et tous ceux qui ont un jour tenu la main d'un mourant savent la frustration et la rage de ce moment où l'on ne peut plus rien faire, où tout le savoir accumulé depuis des siècles devient inutile. La mort est une limite qu'on peut toujours approcher sans jamais l'atteindre.


L'apparition de la notion d'accompagnement des mourants et le développement des services de soins palliatifs sont une avancée dans un domaine que la médecine évitait encore il y a peu, passant la main au prêtre pour les derniers sacrements. Mais l'existence des NDE oblige à un pas supplémentaire sur l'asymptote de nos connaissances... Ces expériences forment un phénomène très complexe, touchant à toutes les facettes de notre savoir, et la recherche les concernant n'en est qu'à ses débuts. Sur le plan médical, un certain nombre d'hypothèses ont été proposées, certaines d'ailleurs dans le but avoué de faire rentrer l'expérience dans un cadre de référence classique, ce qui peut être rassurant, mais oblige à éluder tout ce qui dépasse de ce cadre. Une telle attitude est réductrice et non scientifique, toute hypothèse explicative devant, pour être valable, pouvoir rendre compte de l'ensemble de l'expérience, et non seulement de certains aspects. D'autres hypothèses ont été formulées dans un dessein d'analyse et de comparaison avec des états connus, pathologiques ou non, permettant de définir des points de repère et de « dégager le terrain » pour la recherche future.
 
 

Hypothèses psychiatriques et psychologiques

- Le syndrome de dépersonnalisation possède certaines caractéristiques pouvant le faire rapprocher de la décorporation observée dans les NDE, mais avec de nettes différences. La personnalité est scindée entre un moi qui observe et un moi qui agit, il y a un sentiment de malaise et d'angoisse, les altérations du temps et de l'espace sont perçues comme artificielles et irréelles.

- L'héautoscopie est une forme d'hallucination qui survient dans certains états pathologiques, au cours desquels le sujet voit apparaître un double de lui-même. Mais la conscience est située dans le corps physique, le double étant perçu comme vu dans un miroir, le plus souvent d'ailleurs partiellement (tête ou buste). Le double est actif dans l'héautoscopie, alors que dans la NDE il est perçu comme mort. Un sentiment de tristesse est le plus souvent associé à l'hallucination.

- La schizophrénie se traduit, entre autres, par des troubles de la perception, aussi bien de l'environnement que des limites du corps, avec une distorsion de l'image corporelle, dissolution de l'identité, perte de l'estimation de la réalité, toutes caractéristiques qui la différencient des NDE où la perception de la réalité reste intacte, l'identité conservée, sans distorsion de l'image du corps, et toujours une conscience claire et lucide.

Une autre hypothèse a été proposée par Grof et Halifax 6 * supposant que les troubles physiologiques (en particulier hypoxie) liés à l'imminence de la mort provoquent chez le sujet un état altéré de conscience (c'est-à-dire pour eux un état différent de la conscience ordinaire, ouvrant peut-être un accès à une réalité différente) qui serait susceptible d'activer des matrices inconscientes dont le déroulement serait perçu comme le vécu d'une NDE.

- En dehors de la pathologie psychiatrique, plusieurs hypothèses ont été envisagées qui pourrait rendre compte d'un désir ou besoin du Moi de se protéger d'une réalité devenue insupportable, en se réfugiant dans des fantasmes construits à partir de croyances conscientes ou inconscientes. Ces hypothèses pourraient être intéressantes, si elles n'étaient pas invalidées par la réalité : le contenu des NDE est la plupart du temps sans aucun rapport avec les croyances religieuses des témoins, qui seraient pourtant une bouée de sauvetage bien pratique si le Moi avait besoin de s'accrocher à quelque chose. En cherchant des corrélations entre croyances préalables et contenu des NDE, Ring et Sabom n'ont rien trouvé, honnis une corrélation négative entre la connaissance préalable des NDE et la survenue de celles-ci ; ce qui, en clair, signifie que vos chances de vivre une telle expérience auront sérieusement diminué quand vous aurez fini ce livre ! Elisabeth KübIer-Ross, citée par Ring 18, donne aussi l'exemple des enfants, qui, s'il s'agissait d'hallucinations, devraient fantasmer leurs parents, alors que ce n'est jamais le cas (sauf si l'un d'entre eux est décédé). Les archétypes pourtant communs de paradis et d'enfer n'ont jamais été décrits. D'autre part, les NDE se déroulent selon un schéma constant, ce qui impliquerait que des personnes différant par leurs croyances, leur culture, leurs expectatives se réfugieraient toutes dans les mêmes fantasmes. Les NDE sont aussi parfaitement différenciées du rêve ou des hallucinations. Certains témoins qui ont eu des rêves lucides ou des épisodes hallucinatoires différencient parfaitement ceux-ci de leur NDE, où la lucidité de la conscience leur fait ressentir cette expérience comme parfaitement réelle.

* Les notes de cet article et celles du suivant sont communes (cf fin du deuxième article).
 
 

Hypothèse pharmacologique

Bien que la plupart des NDE se soient produites en dehors de toute administration d'anesthésiques, ceux-ci ont été étudiés dans la mesure où ils peuvent induire des hallucinations. Celles-ci sont la plupart du temps sans rapport avec le contenu des NDE, sans parler du fait que les cocktails anesthésiques contiennent souvent des produits susceptibles d'altérer la mémoire et même de provoquer une amnésie rétrograde. La kétamine est à mettre à part, cet anesthésique étant connu pour provoquer des perceptions généralement décrites au cours des NDE : en particulier la sensation de quitter son corps, la rencontre avec des entités d'ordre supérieur, etc. L'exploration de ses effets (nous verrons plus loin ce que l'on connaît de ses mécanismes d'action) peut permettre d'étudier certaines des composantes de l'expérience. Les drogues ont aussi été envisagées ; le LSD en particulier peut déclencher nombre d'états de conscience, susceptibles de parfois ressembler à ce qui est expérimenté pendant une NDE. Mais ces expériences surviennent le plus souvent chez des sujets n'ayant absorbé ni drogues ni médicaments. Les études portant sur les suicides, où on retrouve une plus forte proportion de sujets ayant absorbé de l'alcool ou des stupéfiants, montrent que la fréquence des NDE est diminuée ; ce qui peut s'expliquer par l'amnésie provoquée par les drogues. De plus, les récits de NDE les plus spectaculaires sont le fait de témoins qui n'avaient pris aucun stupéfiant. Néanmoins, comme pour la kétamine, l'expérimentation avec le LSD pourrait apporter des éléments de comparaison utiles.
 
 

Hypothèse neurologique

L'épilepsie temporale offre un assortiment de symptômes intéressants : dans les crises visuelles, on retrouve des hallucinations diverses, mais souvent stéréotypées et moins complexes que ce qui est perçu dans les NDE. Les crises auditives provoquent la perception de bourdonnements et de bruits divers, parfois perçus au début des NDE (mais dans lesquelles ils ne sont pas anxiogènes). Les perceptions de voix sont stéréotypées. Les troubles de l'image du corps sont variés, alors que dans la NDE le corps est soit non perçu, soit perçu de manière non déformée. Dans les crises uncinées, on trouve un « état de rêve » avec une impression d'irréalité, le plus souvent dominée par un sentiment d'angoisse, avec parfois des phénomènes de mémoire panoramique. Les hallucinations, bien perçues comme telles, sont critiquées a posteriori par les patients, alors que la NDE est vécue comme parfaitement réelle, avec un sentiment de paix et de détachement. Autre différence, et de taille, la NDE ne se termine jamais par une crise comitiale.
 
 

Hypothèses neurophysiologiques

- Dans la mesure où l'on peut supposer qu'un cerveau proche de la mort manque d'oxygène, l'hypoxie a été envisagée pour expliquer les NDE. Mais les études cliniques sur des sujets volontaires ont montré que plus le taux d'oxygène respiré baisse, plus augmente le délabrement de la conscience, précédant des convulsions, puis un arrêt de la respiration. Une autre étude chez des alpinistes montrait une irritabilité, des difficultés de concentration, une lenteur du raisonnement accompagnées de troubles de la mémoire. Tout cela est en opposition avec la clarté et la lucidité de la conscience qui accompagnent une NDE. Par ailleurs, de nombreux cas de NDE se sont produits sans qu'il y ait hypoxie ou souffrance cérébrale.

- L'hypercapnie (ou augmentation du taux de gaz carbonique dans le sang) a été bien entendu étudiée. M. Sabom (1983) décrit les expériences de Meduna, qui a administré un mélange (30 % C02 + 70 % 02) à des malades et à des sujets sains, provoquant parfois des expériences ressemblant à des NDE, mais accompagnées d'hallucinations diverses à contenu souvent effrayant, et surtout de troubles neurologiques extrêmes qui sont absents dans les NDE. On retrouve cependant dans les rapports des sujets de Meduna une trame commune indépendante de la personnalité des sujets. On se rapproche là des NDE, et on peut envisager le fait que l'hypercapnie puisse aussi provoquer un état physiologique réellement perçu par le cerveau comme un état proche de la mort ; ce qui pourrait en faire un des éléments susceptible de déclencher une NDE. La reprise de ces expériences pourrait peut-être déboucher sur une technique permettant d'explorer ces états ou tout au moins permettre des comparaisons intéressantes. Mais il est possible que le C02 induise simplement une activité épileptiforme au niveau du lobe temporal. L'augmentation du taux de C02 n'est en fait pas du tout systématique au cours des NDE. Sabom cite un cas où il a pu mesurer les taux de C02 et d'O2 pendant un arrêt cardiaque. Le patient, qui vivait une NDE durant la réanimation, l'a « vu » (depuis le plafond) pratiquer une ponction de l'artère fémorale (ce qui ne s'invente pas : si l'on fantasme une prise de sang, on l'imagine au pli du coude, et non au niveau d'une artère comme cela se pratique pour le dosage des gaz du sang), L'analyse a montré une augmentation du taux d'oxygène et une diminution du taux de gaz carbonique (ce qui se comprend, puisque le malade était sous oxygène avec massage cardiaque et ventilation artificielle). Une étude comparant les taux de C02, dans des circonstances identiques, chez des patients ayant eu ou non une NDE, a montré les mêmes taux dans les deux groupes.

D'autres hypothèses font appel à des modifications survenant an niveau du fonctionnement cérébral. Mais voyons d'abord comment communiquent les neurones : chacun d'entre eux reçoit un grand nombre de stimulations qui passent d'une cellule à l'autre par l'intermédiaire de neurotransmetteurs (qui diffèrent selon le « système » et la partie du cerveau concernés) ; sur la paroi cellulaire se trouvent des sites récepteurs que l'on peut comparer à des serrures dont les « clés » sont les neurotransmetteurs. Ces derniers peuvent avoir un effet excitateur, tendant à provoquer la dépolarisation du neurone (qui, si elle se produit, va à son tour se propager vers d'autres neurones), d'autres ont un effet inhibiteur, donc inverse. Le neurone fait en quelque sorte la somme de ces stimulations ; le « signal » qui va en émerger pour gagner d'autres neurones dépendant de la prépondérance d'influx excitateurs ou au contraire inhibiteurs.

Un modèle élaboré d'explication neurophysiologique a été proposé par M. Morse 15. Partant du fait que certains agents psycho-actifs tels que le LSD, la kétamine ou l'hypercapnie peuvent induire certaines des caractéristiques des NDE, cette hypothèse met en jeu l'action supposée de certains neuromédiateurs (en particulier la sérotonine). Des expériences de stimulation électrique directe de certaines zones du lobe temporal menées par W. Penfield en 1955 17 ont provoqué des sensations diverses, fréquemment retrouvées dans les NDE : sensation de décorporation, audition de musiques « célestes », mémoire panoramique, visions mystiques, hallucinations diverses. D'autre part, les zones du cerveau (système limbique, hippocampe, amygdale) qui assurent le traitement et la redistribution de l'information sont directement reliées au lobe temporal, en particulier par des neurones dont le neurotransmetteur est la sérotonine (l'hippocampe est la zone centrale de traitement de l'information et semble être ce qui se rapproche le plus du siège de la conscience, « l'homme dans la machine »). Le LSD est connu pour agir directement sur le système monoaminergique (en particulier sérotoninergique) et des perturbations de la transmission au niveau des noyaux du système Iimbique seraient responsables, en désinhibant certains neurones cibles du lobe temporal, des perceptions caractéristiques, que W. Penfield a provoquées par stimulation directe. Les auteurs supposent que la kétamine agit selon les mêmes principes, et pour eux l'hypercapnie agirait directement au niveau du lobe temporal. Certaines recherches mettant en évidence des perturbations au niveau de la sérotonine (ayant en particulier pour effet de réduire les perceptions douloureuses) induites par le stress (donc expliquant la survenue de NDE en dehors de toute souffrance cérébrale) viennent compléter le tableau. Les auteurs supposent donc que, dans une situation critique mettant la vie en jeu, conjuguée à une hypercapnie qu'ils supposent associée à toute situation de mort imminente, des perturbations des voies sérotoninergiques puissent, en stimulant les zones découvertes par Penfield, provoquer en particulier la décorporation et les hallucinations qui sont décrites dans les NDE. Ils reconnaissent que tout cela n'est qu'une hypothèse spéculative ; la seule chose qui semble bien établie étant l'existence, au niveau du cerveau, de zones spécifiques pouvant déclencher une décorporation. Ils reconnaissent explicitement que tout se passe comme si cette zone servait à provoquer la libération de la conscience au moment de la mort.

Une hypothèse proposée par Carr 3 supposait qu'une libération massive d'endorphines puisse désinhiber l'hippocampe tout en abaissant le seuil d'excitabilité du lobe temporal, provoquant ainsi des décharges épileptoïdes au niveau des lobes limbique et temporal. Les endorphines et enképhalines sont ce que l'on appelle des opioïdes endogènes, ayant une action analgésique et euphorisante, et dont la libération est provoquée en particulier par les états de stress. Mais les études, chez des patients recevant de fortes doses de narcotiques provoquant des effets similaires, n'ont montré aucun cas de NDE, mais des hallucinations n'ayant aucun rapport avec celles-ci. En outre, si l'absence de douleur pendant la NDE était liée à une libération massive d'endorphines, l'analgésie devrait persister pendant 24 à 72 heures après le retour, comme cela a été retrouvé dans des études où de la bêta-endorphine a été administrée à des patients cancéreux. Or, dans les NDE, le retour à la conscience normale s'accompagne d'un retour simultané de la souffrance. La participation de ces molécules à la genèse des NDE est donc peu probable.

Voyons maintenant, en étudiant l'hypothèse 24 proposée par un auteur néo-zélandais, K.L.R. Jansen, sur quelle piste l'étude des effets de la kétamine peut nous mener... L'anesthésie provoquée par cette dernière est dite dissociative, car le patient est déconnecté des stimuli extérieurs (en particulier donc de tout stimulus douloureux) plutôt qu'endormi. Si certains rapportent des souvenirs désagréables de leur anesthésie (en rapport souvent avec une préparation psychologique insuffisante), d'autres témoignages se rapprochent de ce que racontent les témoins de NDE. La kétamine agit (en particulier au niveau du néocortex, du thalamus et de l'hippocampe) en se fixant sur les récepteurs de type NMDA (N-Methyl Daspartate) ainsi nommés car ils « reconnaissent » cet acide aminé artificiel ; ce qui a permis de les caractériser. La « clef » physiologique du récepteur NMDA est le L-glutamate, un acide aminé neurotransmetteur rapide dont les qualités sont malheureusement contrebalancées par ce qu'on appelle l'excito-toxicité. Si, en effet, le L-glutamate est libéré en trop grande quantité, ou si son recyclage est trop lent, il devient toxique et entraîne la mort du neurone. Or, l'une des causes principales de libération excessive de L-glutamate est l'anoxie. La kétamine, agissant sur les récepteurs NMDA comme une « fausse clef », en interdit l'accès au L-glutamate. Cet anesthésique possède donc des propriétés de protection du système nerveux contre l'anoxie. Or, on a découvert des ligands endogènes (des « clefs » naturellement fabriquées dans le cerveau), appelés alpha et bêta-endopsychosines, qui se fixent sur les récepteurs NMDA comme le fait la kétamine. Jansen suppose donc que ces substances pourraient, en cas de manque d'oxygène, être libérées dans un but de neuroprotection et participer à la genèse de la NDE, expliquant la similarité de ce qui est vécu sous kétamine. Les neurones possédant des récepteurs NMDA sont en effet le siège d'un phénomène que l'on soupçonne d'être impliqué dans les processus de mémorisation. Ce phénomène est appelé potentialisation à long terme et repose sur le fait que, si une seconde stimulation par le L-glutamate survient alors que le neurone est encore dépolarisé, celle-ci provoque une entrée d'ions calcium dans la cellule qui la dépolarise de façon durable (jusqu'à plusieurs jours, parfois définitivement). La kétamine, et peut-être les endopsychosines, empêchent la survenue de ce phénomène, suggérant pour Jansen que, la porte étant fermée aux stimuli extérieurs, de nombreux souvenirs anciens puissent revenir au premier plan. Cela donne une explication élégante à l'afflux de souvenirs constituant la « revue de vie », mais ne s'applique qu'aux cas où il y a anoxie, et semble en contradiction avec la qualité exceptionnelle de la mémorisation de ce type d'expérience. D'autre part, le fait que la kétamine, et donc probablement aussi les endopsychosines semblent isoler certaines parties du cerveau en bloquant le passage de l'influx nerveux provenant des organes des sens, conjugué au fait que la conscience peut, dans de telles circonstances, non seulement persister, mais aussi recueillir des informations et les mémoriser, ne manque pas d'intérêt et pose un certain nombre de questions qui restent pour l'instant sans réponses... Il y a là, en tout cas, une piste très riche pour une expérimentation objective.

L'étude des NDE se heurte à un gros problème : la difficulté de procéder à des relevés pendant l'expérience. On ne peut malheureusement que se fier à des témoignages, dans un lieu où la recherche a précisément besoin de mesurer, de chiffrer. On a en particulier très peu d'enregistrements électro-encéphalographiques de NDE, ce qui serait pourtant extrêmement utile pour cerner le phénomène. On peut néanmoins se faire une idée en étudiant l'une des caractéristiques les plus fréquentes des NDE, la décorporation ou OBE (Out of Body Expérience) qui, en général, en marque le début. Les OBE, en effet, ne surviennent pas uniquement dans un contexte de mort imminente. Diverses enquêtes statistiques montrent qu'entre 25 et 35 % des personnes interrogées avaient, au moins une fois, eu la sensation de se trouver hors de leur corps, de façon spontanée ou parfois volontaire. On retrouve dans les témoignages d'OBE un grand nombre de caractéristiques décrites au sujet des NDE : une étude 5 portant sur 339 témoignages montre que dans 94 % des cas cette expérience était perçue comme plus réelle qu'un rêve, 37 % ont perçu un bruit au début de l'expérience, 37 % rapportent la présence d'êtres non physiques, 30 % la vision d'une lumière blanche et brillante (la lumière était jugée attirante par 46 % des témoins, pour 33 % d'entre eux il s'agissait d'un être), dans 1/3 des cas est ressentie la présence de guides ou d'aides ; 26 % des témoins rapportent s'être trouvés dans un tunnel, 14 % ont la perception d'une frontière. Les états d'humeur les plus fréquemment décrits sont la joie, la liberté, la paix et la tranquillité (72 %), mais 35 % ont éprouvé un sentiment de peur au cours de l'expérience. La différence essentielle avec les NDE est que, avant une OBE, dans 79 % des cas les sujets étaient dans un état de calme et de repos mental et physique : 36 % rêvaient, 27 % des expériences sont survenues en cours de méditation, 23 % seulement des cas étaient précédés d'un état de stress. (A noter que l'état de calme mental est mentionné 20 fois plus souvent par ceux qui ont eu plusieurs OBE, les individus n'en ayant eu qu'une se distinguant par l'état de stress dans lequel ils se trouvaient (Ironson)). Seuls 4 sujets sur 339 étaient sous l'emprise d'une drogue (LSD, marijuana) pendant l'expérience. Il est à noter que, sur ces 339 sujets, 10 % seulement étaient en situation de mort imminente.

L'existence de sujets ayant la possibilité d'expérimenter des OBE à volonté a permis d'étudier le phénomène en laboratoire. L'étude d'un sujet américain, Robert Monroe, par Twemlow et Jones, portant sur l'enregistrement EEG d'une expérience, a montré une identité de fréquence entre les deux hémisphères, et, en revanche, une évolution temporelle de celle-ci qui, autour de 10 Hz (ondes alpha) avant et après l'expérience, est descendue à 4-5 1 Hz (transition thêta-delta) au moment supposé de l'OBE. Il a été noté au même moment une variation d'amplitude au niveau occipital, celle-ci augmentant à droite tout en diminuant dans l'hémisphère gauche. Une étude du même sujet par Tart (1967) a montré que ces OBE surviennent dans des états frontières entre veille et sommeil, dominés paf la présence d'ondes alpha, Une étude de Palmer (1979) a montré que, sur 20 sujets, les trois qui avaient rapporté les OBE les plus vivantes avaient plus de 30 % d'ondes thêta (4 à 7 Hz) dans la ligne de base de leur EEG. Après une revue de plusieurs études sur le sujet, Twemlow et Gabbard 4 concluent qu'il n'existe pas de corrélation entre l'OBE et un état psychophysiologique (EEG) précis. La caractéristique qui semble se dégager apparaît comme étant le fait que la plupart des sujets étaient entre deux stades : entre veille et sommeil léger, entre sommeil léger et profond, parfois éveil normal et élevé (NDE + stress). A plusieurs reprises, chez des sujets doués, il a été remarqué une augmentation de la fréquence ventilatoire ; donc peut-être une hyperventilation. Les études EEG ont donc apporté peu de précisions ; ce qui n'est guère étonnant quand on sait par exemple que toutes les études ayant recherché les caractéristiques neurophysiologiques et électro-encéphalographiques des états d'hypnose n'ont rien donné.

Si l'on compare les caractéristiques des NDE et des OBE, on peut en fait se demander s'il s'agit de deux phénomènes distincts, on s'il s'agit du même phénomène survenant dans des circonstances différentes. Dans la NDE, les circonstances de survenue sont au premier plan et ont donné son nom à l'expérience ; alors que dans l'OBE ces circonstances n'ont rien d'extraordinaire et c'est le fait de se trouver hors de son corps qui prime. Les deux expériences sont, sans être identiques, très semblables ; il s'agit, semble-t-il, d'un état de conscience particulier qui peut éventuellement être « coloré » par les circonstances de survenue.

Tout cela n'apporte pas de réelles réponses à la question posée, qui est de comprendre ce que signifient les NDE. La plupart des hypothèses proposées ne tiennent pas compte de la totalité de l'expérience, en particulier de son déroulement quasi constant et de sa cohérence d'un témoignage à l'autre. Il ne s'agit pas d'un phénomène anecdotique, les témoins se comptant par millions (8 millions aux États-Unis, d'après un sondage). Un certain nombre de remarques, peut-être critiquables, peuvent être faites, mais il me semble que toute tentative honnête visant à expliquer les NDE devra en tenir compte.

Nombre d'hypothèses semblent tenir pour acquis, une fois pour toutes, que les NDE sont des hallucinations, et l'on cherche alors tout simplement à leur trouver une cause. Le problème n'est pas si simple : il est impossible de ne pas tenir compte de l'acquisition, durant beaucoup de NDE, de certaines informations qui ne pouvaient être connues au préalable par les témoins. Dans de nombreux cas, ceux-ci ont décrit avec précision le déroulement de leur réanimation et ce qui se passait dans la salle d'attente ou dans d'autres parties de l'hôpital : comme cette personne qui a vu, durant sa NDE, une basket dans une gouttière de l'hôpital ; ce qui a pu être vérifié. La chaussure s'y trouvait bien, et n'était visible que dut toit. Ou cette enfant qui, au retour de sa NDE, a parlé à ses parents de son frère aîné qu'elle venait de rencontrer et qui l'attendait. Elle avait bien décrit un premier enfant qui était décédé avant sa naissance et dont ses parents ne lui avaient jamais parlé...

Un certain nombre de théories font appel à une notion de matrices inconscientes ou de programme génétiquement intégré, ce qui est rendu nécessaire pour expliquer le déroulement de la NDE. Car, si la physiologie peut expliquer certaines caractéristiques, l'ensemble de l'expérience est beaucoup trop complexe, et sa cohérence d'un témoin à l'autre nécessite, si l'on veut une explication, de supposer que le même programme existe chez tout le monde ; ce qui logiquement pourrait impliquer une transmission génétique... (On a parlé aussi de l'accès à un inconscient collectif ; ce qui revient à mettre une étiquette élégante sans pour autant résoudre le problème.) Il existe, par exemple, des NDE chez des enfants de 6 mois et, quand ils s'en souviennent, en général vers 3-4 ans, leurs descriptions sont identiques à celles des adultes. On ne peut supposer qu'ils aient eu le temps de former une matrice inconsciente (et rassurante) de NDE par un simple travail psychologique. Mais cette transmission génétique me semble poser plus de problèmes qu'elle n'en résout ! En supposant en effet qu'une expérience aussi complexe que la NDE puisse être pré-programmée, elle l'aurait donc été au cours de l'évolution. Or, les perfectionnements successifs qui ont fait l'évolution sont censés, selon les théories classiques, avoir apporté lors de leur apparition un avantage qui favorisait la survie de ceux qui en étaient porteurs. Cet avantage leur aurait permis de transmettre plus souvent leurs gènes à une descendance qui allait les propager. Mais il semble bien que l'un des facteurs pouvant déclencher l'expérience soit le stress. Dans l'éventualité où celui-ci était représenté par un animal sauvage ou une tribu ennemie, le fait de laisser son corps inerte pour vivre une expérience transcendante aurait été un facteur défavorable à la survie pouf ceux de nos ancêtres chez qui ce circuit était fonctionnel, par rapport à ceux qui avaient de grandes jambes et restaient conscients pour s'en servir...

Mais toutes les hypothèses présentées me semblent négliger ce qui est pourtant le point le plus étrange, et donc probablement le plus important : durant les NDE (et c'est une caractéristique importante) la conscience est parfaitement claire, la pensée souvent accélérée, la mémoire extrêmement efficace (sans parler des phénomènes de mémoire panoramique 8 : la mémorisation de l'expérience est toujours très précise, les témoins semblent même la revivre quand ils la racontent). Or, cette expérience se produit très souvent à un moment où, précisément, souffre le cerveau, dont on suppose, faute de preuve du contraire, qu'il est le siège de la pensée, mais aussi de la conscience. Si, en effet, il n'a pas été retrouvé de relation de cause à effet entre l'hypoxie et les NDE, si bon nombre d'expériences sont survenues chez des sujets ne souffrant ni d'hypoxie ni d'hypercapnie, ni même d'aucun traumatisme physique ou de maladie, un bon nombre aussi sont survenues pendant des arrêts cardio-circulatoires (dont certains sont survenus au cours d'une anesthésie), pendant des noyades, ou à la suite d'intoxications.

De ce fait, la NDE a toute l'apparence d'une expérience indépendante de l'état fonctionnel du cerveau.

Il faut savoir que, si le cerveau ne représente que 2 % du poids total du corps, il consomme 1/5 de l'oxygène apporté au corps entier. 1 cm3 de substance cérébrale reçoit en moyenne 25 fois plus de sang que le même volume de tissu musculaire au repos. Si une telle oxygénation est nécessaire au bon fonctionnement de cet organe, on conçoit qu'il souffre très rapidement pendant un arrêt circulatoire ; de plus, un tel arrêt le prive aussi de glucose, sans lequel les neurones ne peuvent fonctionner (3 minutes suffisent pour créer des lésions irréversibles). Il faudrait donc supposer qu'il existe une zone cérébrale (ou plus probablement tout un système) qui résiste à l'anoxie, à l'encontre du reste du cerveau. De même pour les NDE survenues sous anesthésie (laquelle a pour but, théoriquement, de rendre inconscient !) cette même zone devrait être inaccessible aux agents anesthésiques... Et que dire des NDE survenues à la suite d'un arrêt cardiaque pendant une anesthésie, où sont conjugués, à des degrés divers, anoxie cérébrale, arrêt de l'apport de glucose, hypercapnie et accumulation de déchets métaboliques toxiques, le tout s'ajoutant à l'effet de l'anesthésie...

Imaginons une comparaison, triviale peut-être, mais parlante : vous débranchez le cordon d'alimentation de votre téléviseur (plus d'oxygène ni de glucose), l'antenne (plus d'information en provenance de l'extérieur : en fait, de même que vous isolez votre téléviseur en le débranchant quand arrive l'orage, la libération d'endopsychosines ne fait pas autre chose que d'isoler certaines structures en cas de menace d'orage cérébral). Vous lui faites subir quelques chocs électriques à haute tension (l'augmentation du C02) ; pour faire bonne mesure vous versez à l'intérieur une bassine d'eau de vaisselle (les déchets toxiques) et, oh surprise ! : non seulement il ne s'arrête pas, mais vous avez droit alors à la plus belle émission de votre vie, avec en plus un son stéréo et une image en relief... Le réparateur ne voudra jamais vous croire !

Trêve de plaisanterie. Si une telle zone existe, les moyens de la cerner ne manquent pas : cartographie EEG, magnéto-encéphalographie, et surtout tomographie à émission de positons qui mesure la consommation de glucose par les neurones, et donc leur activité fonctionnelle. L'hypothèse de la libération de substances neuroprotectrices prend toute son importance en cas d'anoxie, mais le fait que ces substances semblent capables de déconnecter la conscience des stimuli habituels rend inexplicable et paradoxal l'apport d'informations qui caractérise certains témoignages ; de plus, il nous oblige à nous poser un certain nombre de questions sur la façon dont la conscience recueille l'information, celle-ci semblant, au moins dans certains cas, n'avoir pu passer par les canaux habituels.

Il serait tentant de pousser plus loin l'histoire de tout à l'heure : imaginons la conscience comme une personne occupée en permanence à regarder l'écran sur lequel se projettent les informations transmises par les organes des sens (ce qui est au moins aussi fascinant que de regarder un jeu télévisé) : il devient compréhensible qu'une panne lui permette enfin de regarder autour d'elle (effectivement en relief et stéréo !), et même d'aller faire un tour dans le jardin ! Mais, bien sûr, ce ne sont que des comparaisons.

Le phénomène NDE vient à point nommé pour aiguiser notre curiosité.

Les hypothèses que nous venons d'évoquer soulèvent plus de questions qu'elles n'en résolvent et, si l'on cerne de mieux en mieux le phénomène, c'est plus en sachant ce qu'il n'est pas qu'en ayant une idée de ce qu'il signifie. A ce point, où se croisent la physiologie et la psychologie, mais aussi la conscience et la transcendance, notre ignorance est grande. Voilà un phénomène qui n'est pas en lui-même pathologique, mais survient préférentiellement dans des circonstances qui, elles, le sont. A l'instant où l'organisme et le cerveau sont sur le point de cesser de fonctionner, la conscience (c'est-à-dire, au minimum, ce qui perçoit le monde) semble avoir accès à une autre dimension, peut-être justement parce que les liens qui l'attachaient à la matière se desserrent. Quels sont ces liens ? Et d'abord, qu'est-ce que la conscience ? Comment fonctionne le cerveau à ce moment ? Peut-on reproduire cet état de conscience dans des circonstances moins dramatiques et plus contrôlées ?

L'existence même du phénomène NDE semble être la preuve que nous pouvons, dans certaines circonstances, avoir accès à une autre réalité et surtout en ramener des souvenirs, indépendamment de l'état fonctionnel du cerveau ; il semble aussi, et l'un n'exclut pas l'autre, que celui-ci puisse fonctionner différemment de ce que nous connaissons habituellement, fait qui mérite à lui seul une étude approfondie sur le plan neurophysiologique.

Mais les NDE sont aussi des expériences profondément transformatrices, et leur étude peut déboucher sur des horizons aujourd'hui à peine entrevus. Dans l'équation « science sans conscience n'est que ruine de l'âme », la science n'est plus une inconnue. Mais la conscience et l'âme sont des variables cachées dont on doit tenir compte, à défaut de savoir ce qu'elles sont.
 
 

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2.

 

NDE ET KUNDALINI

Éveil spirituel et topographie corticale

Jean-Pierre JOURDAN
docteur en médecine

 
 

" Ne vous est-il jamais venu à l'esprit que, s'ils y cherchaient quelque chose de froid, de sombre et de morne, les sages ne seraient pas des sages, mais des ânes ! "

Sri Aurobindo

Nous avons essayé de cerner, dans le chapitre précédent, le phénomène NDE sous l'angle particulier de la recherche médicale, mais, par essence même, ces expériences ne sont accessibles qu'a posteriori, sous forme de témoignages. Or, l'étude raisonnée d'un phénomène peut difficilement se contenter de tels matériaux Un témoignage est toujours sujet à caution ; la perception et l'interprétation obligatoirement subjectives d'une expérience surprenante, pour laquelle nul n'est préparé, ne peuvent en rendre compte objectivement. La mémoire a tendance à favoriser les côtés agréables de n'importe quelle expérience au détriment des côtés déplaisants qu'elle préfère oublier. En résumé, nous sommes de mauvais observateurs.

Mais nous allons voir que, sur de nombreux points, les NDE et surtout leurs répercussions se rapprochent de phénomènes décrits depuis des millénaires, mais aussi d'expériences contemporaines 21 sans rapport avec l'imminence de la mort, dont l'étude pourrait alors permettre à la recherche d'avancer sur un terrain plus solide que celui des témoignages.

Si dérangeants que soient ces « effets secondaires » pour notre logique habituelle, ils ont une existence, ne serait-ce que parce que les témoins les rapportent. Aucune étude sérieuse ne peut se permettre de les éluder.

La conception du monde et du sens de la vie, l'échelle des valeurs, le comportement des témoins sont profondément changés après une telle expérience. Quelques citations extraites de témoignages seront plus parlantes qu'une longue explication. D'abord des « impressions de voyage » :

Un témoin parle de " la part de divin qui est en chacun de nous " ; elle a l'impression que " dans cette réalité on vit à moitié, alors que la réalité se situe après la mort ", qu'elle définit comme " une naissance à un autre plan, un réveil ". Une autre déclare : " en chaque être humain il existe l'étincelle divine ", et pour elle " la réalité terrestre est illusion, car nous n'avons pas ici-bas les réelles données pour comprendre le sens de la vie "... " J'ai eu l'impression que mon corps faisait partie de la terre, de l'eau, du ciel, des étoiles, des cailloux, j'étais moi-même, sans doute, et puis surtout j'étais le tout, c'est difficile à expliquer... ce faisant, j'étais... je ne peux même pas dire ni que ce fût de la joie, ni de l'allégresse, c'était une forme de bien-être que je ne pouvais même pas mettre en parallèle avec la béatitude que, du reste, je ne connais même pas "... " Je n'ai pas vu de personnage au bout du tunnel, c'était l'infini ", et à propos de l'être humain : " il est tout petit, mais il contient tout, à nous de traverser nos couches et d'aller à l'essentiel, mais peut-on l'exprimer avec des mots ? " Et encore : " en fait je suis persuadée qu'il y a une force cosmique unique d'où nous venons et à laquelle nous retournerons tous un jour "... Un témoin parle de " la plongée dans l'amour infini, cette paix, cette sensation d'amour infini, d'atteindre l'absolu vers lequel vous tendiez, et la lumière merveilleuse et chaude dans laquelle [elle s'est] baignée ".

Il ne faut pas oublier que ces expériences sont, de l'avis unanime, très difficiles à faire comprendre à qui n'a jamais rien connu de similaire et, même dans ce dernier cas, les concepts manquent et les mots sont bien pâles et insuffisants. Un témoin, par exemple, avoue " je n'ai parlé à personne de mon expérience pendant longtemps, pour différentes raisons ; d'abord, je ne voulais pas mettre de mots dessus, parce que j'avais l'impression d'en enlever, enlever de là cette splendeur, en fait, parce que c'était... c'était impossible à mettre en mots, ce n'était pas la peine que j'en parle, parce que de toute façon ç'aurait été compris de travers, c'est très très douloureux de porter ça et de ne pas en parler ".

Essayez donc de traduire avec des mots une symphonie, pourtant bien terrestre, et de décrire les émotions que vous avez éprouvées en l'écoutant, que va-t-il en rester ?

Pendant une NDE, il semble qu'un accès soit ouvert vers un état de conscience différent, dans lequel une réalité plus vaste, transcendant le temps, l'espace et la matière, englobe la réalité ordinaire. Et apparemment cet accès ne se referme pas totalement après l'expérience. Il semble, comme le formule si bien K. Ring, qu'une semence ait été plantée, libre de germer ou non avec le temps. Quelques citations donnent une idée de ce qu'elle pourrait être : " ma sensibilité s'est développée, rêves prémonitoires parfois, télépathie très souvent. Je décide d'appeler ma mère ou ma fille, ou je pense qu'elles vont m'appeler, et dans les cinq minutes j'ai un coup de fil ; après mon expérience j'ai fait plusieurs sorties hors du corps "... " sensibilité plus développée, possibilités télépathiques, et grande facilité pour la décorporation, possibilité de soigner et d'aider les autres ". " La sensibilité est plus grande, j'apprends plus vite, je me concentre mieux, j'ai plus de mémoire et de dons psychiques, mais surtout je cherche à m'incarner et à ne plus me dédoubler ; c'est dans et à travers le corps que l'expérience de la vie se déroule, et nulle part ailleurs. " Chez un autre témoin se produisaient " des décorporations de nuit (en sommeil conscient), ce qui me permettait d'aller aider des mourants dans le monde à sortir de leur corps sans peur. ".

Ces capacités sont parfois un fardeau, car il semble que les phénomènes de précognition concernent le plus souvent des événements à forte charge émotionnelle. Le futur n'est pas toujours souriant et, même si pour eux la mort ne représente que l'abandon d'un corps usagé, certains témoins se passeraient volontiers de voir à l'avance le décès de leurs proches. Par exemple : " je me suis rapidement rendu compte, dans les mois qui ont suivi cette expérience, que je rencontrais des gens et que je savais combien de temps il leur restait à vivre sur cette terre et, croyez-moi, ce n'est pas confortable du tout ". Un autre aspect est nettement plus souriant, et plus fréquent aussi : de nombreux témoins s'aperçoivent qu'ils ont la possibilité d'aider et de soigner leurs semblables (I'altruisme et la compassion sont des leitmotiv dans les témoignages) : " je développe de plus en plus le fait que je suis un canal de guérison, que l'énergie divine de guérison passe à travers le canal que je suis ". Les techniques employées sont diverses (imposition des mains, impression d'agir sur le « corps subtil ", chamanisme et psychothérapies « sauvages " - mais efficaces -, accompagnement des mourants). Nombreux aussi sont les témoins faisant état de synchronicités à la suite de leur expérience (Jung définit ainsi ce concept : " la synchronicité signifie d'abord la simultanéité d'un certain état psychique avec un ou plusieurs événements extérieurs qui apparaissent comme des éléments parallèles signifiants par rapport à l'état subjectif du moment, et - éventuellement - vice-versa " 9).

La NDE semble, en donnant à la conscience la possibilité d'avoir des liens moins étroits avec le corps, être à l'origine d'OBE fréquentes comme chez ce témoin qui, cloué au lit après un grave accident, vivait une OBE presque toutes les nuits. Pendant ces expériences, il avait la sensation d'une identification totale à ce sur quoi se portait son attention (si, dans une forêt, il s'intéressait à un arbre, il devenait cet arbre, ses feuilles, ses racines, son histoire).

Ces quelques exemples donnent l'impression que les NDE se rapprochent de ce qu'ont pu éprouver les mystiques de tous temps, aussi bien chrétiens, gnostiques que soufis, bouddhistes, et védiques.

Mais si toutes les traditions font référence à cet éveil à une conscience plus élevée, une l'a particulièrement codifié, et a aussi mis au point des techniques permettant de l'atteindre.

Il existe dans la tradition hindoue une « énergie », une force évolutrice, appelée kundalini, symbolisée par un serpent lové à la base de la colonne vertébrale, dont l'éveil puis l'ascension ouvrent d'abord des centres appelés chakras (ils sont 6 ou 7 selon les sources, répartis le long de l'axe du corps) ; puis, ayant atteint le dernier, situé au sommet du crâne, ils éveillent la conscience à une réalité supérieure (Jung fait ici aussi figure de précurseur puisqu'il avait organisé, en 1932, un séminaire sur la kundalini

Voici ce qu'en dit Lilian Silbum 22 : " la kundalini, cet axe dressé au centre même de la personne et de l'univers, est à l'origine de la puissance de l'homme dont elle draine et épanouit la totalité des énergies. Mais, plutôt que sur les pouvoirs extraordinaires acquis par son intermédiaire, les partisans des systèmes [...] mettent l'accent sur l'apaisement et l'harmonie vivante qu'elle confère. L'énergie mystérieuse qu'éveille le yoga de la kundalini se révèle cependant d'une violence inouïe et ne peut être manipulée sans faire encourir un réel danger. " Pour Tara Michael 13, 14 : " Quand kundalini dort dans le muladhara [le premier, et le plus bas situé des chakras] l'homme est éveillé au inonde. Mais quand elle s'éveille pour s'unir à Siva, l'homme s'endort au inonde et ne fait plus qu'un avec la conscience infinie au-delà des formes ".

Il est facile d'effectuer un rapprochement entre l'apaisement et l'harmonie dont parle Lilian Silbum, et les récits des témoins de NDE, et " ne faire plus qu'un avec la conscience infinie " est une impression pour le moins fréquemment rapportée (même si elle est difficilement descriptible). Quant aux pouvoirs (ou siddhis) que l'éveil de kundalini conférerait, il s'agit très exactement de ceux que présentent de façon spontanée de nombreux témoins (accès à des modes d'information et d'action transcendant le temps (précognition), l'espace (télépathie, clairvoyance), et la matière (dons de guérison, psychokinèse), etc. Quant au danger, nous verrons que certaines expériences sont particulièrement perturbantes, physiquement et psychologiquement.

Avant d'aller plus loin, une mise au point s'impose. Nous touchons maintenant au domaine spirituel, qui est bien au-delà des mots, au-delà aussi de l'expérience commune. Il n'est pas question ici de comparer, ni surtout de chercher à expliquer un domaine où l'expérience ne peut être qu'intime, non partageable et bien au-delà des possibilités humaines d'analyse et de compréhension. Mais il est toujours du plus grand intérêt, quand un phénomène nouveau est mis à jour, de regarder dans le passé pour voir s'il n'a pas déjà été décrit par une autre culture, avec d'autres concepts. C'est bien le cas pour les INDE, qui forment la base du Livre des morts tibétains (Bardo-Thödol) mais il semble que l'expérience prise dans son ensemble, c'est-à-dire en tenant compte de ses répercussions, permette d'aller plus loin, dans la mesure où les NDE présentent de nombreux points communs avec les expériences, dites transcendantales, que nous allons aborder en explorant le concept d'éveil de kundalini.

Le rapprochement avec ce dernier a déjà été fait par Kenneth Ring qui le développe dans un ouvrage passionnant 19, et les phénomènes physiques en relation avec ce phénomène ont été étudiés par Lee Sannella 20, 1. Bentov 2 et H. Motoyama 16. Bentov propose en outre un modèle explicatif que nous verrons plus loin. La littérature contemporaine traitant de ce sujet foisonne d'exemples d'éveils, le plus souvent partiels, parfois extrêmement perturbants. S'il s'agit bien d'une naissance à une conscience transcersdante, elle semble aussi douloureuse que notre naissance à ce monde !

Ces expériences sont liées à la pratique du yoga, bien sûr, mais aussi à la pratique de la méditation, de techniques respiratoires, du biofeed-back cérébral, et les NDE ne représentent que l'une des causes possibles à l'origine de l'éveil de cette « énergie ». Elles ne sont pas, loin s'en faut, une expérience nécessaire, ni suffisante pour assurer cet éveil. Il s'agit peut-être aussi de tout autre chose, mais les comparaisons sont troublantes et cette piste mérite d'être explorée. La place manquant pour faire plus qu'un travail de déchiffrage, nous allons passer rapidement en revue quelques témoignages contemporains, puis le modèle « physio-kundalini » de Sannella et Bentov, le modèle explicatif de ce dernier, et enfin proposer un début d'hypothèse fondé sur des rapprochements troublants qui peuvent éventuellement déboucher sur une recherche clinique expérimentale.

Gopi Krishna, un brahmane hindou ayant reçu un enseignement occidental, n'avait rien d'un mystique, La pratique régulière de la méditation était le seul lien qu'il avait gardé avec la tradition hindoue. Un matin, méditant sur un lotus lumineux au sommet de son crâne, il perçut une sensation étrange mais plaisante à la base de la colonne vertébrale, sensation qui disparaissait et revenait avec les fluctuations de l'attention qu'il y portait. Reprenant sa concentration avec la détermination de ne pas s'en laisser distraire, il perçut à nouveau la même sensation s'étendant vers le haut. Brusquement, raconte-t-il, « avec un rugissement semblable à celui d'une cataracte, je sentis un flot de lumière liquide envahissant mon cerveau par la colonne vertébrale... L'illumination se fit de plus en plus éclatante, le rugissement plus fort, j'eus une sensation d'oscillation, d'ébranlement et tout à coup je me sentis glisser hors de mon corps, entièrement entouré d'un halo de lumière... J'étais maintenant intégralement conscience, immergé dans un océan de lumière, simultanément conscient et pleinement présent en chaque point... baigné dans la lumière et dans un état d'exaltation impossible à décrire ». Ce n'était que le début d'une expérience qui allait durer des années, des moments d'exaltation alternant avec des périodes de doute et de dépression qu'il raconte et développe dans plusieurs ouvrages 10, 11.

Hiroshi Motoyama, un scientifique japonais, décrit son expérience 16 survenue à la suite de pratiques de yoga et de pranayama (techniques respiratoires) pendant plusieurs mois : « j'avais une sensation de chaleur dans la région du bas-ventre... soudain une énergie incroyable se précipita à travers la colonne vertébrale jusqu'au sommet de ma tête, et, bien que cela n'ait duré qu'une seconde ou deux, mon corps lévita à quelques centimètres du sol. J'étais terrifié, mon corps entier était brûlant, et des maux de tête atroces m'empêchèrent de faire quoi que ce soit de la journée. Quelques mois plus tard, je commençai à avoir des rêves prémonitoires, de fréquentes expériences extrasensorielles (télépathie) se produisirent. Mes souhaits semblèrent commencer à se réaliser spontanément ». A ces talents vinrent s'ajouter des phénomènes de clairvoyance s'accentuant avec l'éveil progressif des différents chakras. Quelque temps après, raconte-t-il, « je vis une sorte de chaleur-énergie montant du coccyx jusqu'au coeur le long de la colonne vertébrale [...]. La kundalini continuant son chemin, du coeur jusqu'à la tête [...], je quittai mon corps par le sommet du crâne, et je gagnai une dimension supérieure [...], je possède depuis un don de guérison psychique ». Dans le même temps, il subit de profonds changements sur le plan psychologique, perdant en particulier tout attachement aux biens matériels. Avec l'éveil d'un autre chakra (visuddha chakra, situé dans la gorge), il devint capable, dit-il, de voir le passé, le présent et le futur « dans la même dimension ».

Lee Sannella, psychiatre, est reconnu comme un des spécialistes de ces phénomènes. Il décrit 20 de nombreux cas similaires dont voici quelques exemples. Une artiste de 50 ans, après plusieurs années de méditation transcendantale, commença à ressentir des fourmillements dans les bras et de la chaleur au niveau des mains. Elle ne put dormir pendant plusieurs jours, des flots d'énergie semblaient embraser son corps. Elle rêva à plusieurs reprises que sa conscience quittait son corps, un son continu et fort apparut dans sa tête, des crampes dans ses gros orteils furent suivies d'une sensation de vibrations dans les jambes. Ces vibrations montèrent jusqu'au bas du dos, puis de là jusqu'au crâne, donnant l'impression que ce dernier était enserré par un bandeau. Sa tête commença à se mouvoir spontanément, puis son corps entier fut pris de mouvements sinueux. Les fourmillements se répandirent ,montant depuis le cou vers le crâne, le front puis la face. Elle perçut une lumière brillante accompagnée d'une sensation de félicité et de joie. Les fourmillements continuèrent leur chemin vers la bouche et le menton. Elle eut, durant cette période, des rêves de musique céleste. Les sensations descendirent ensuite dans la gorge, la poitrine et l'abdomen ; elle avait l'impression d'un circuit qui se fermait, l'énergie montant le long de la colonne vertébrale et redescendant par la poitrine et l'abdomen... Toute cette expérience était accompagnée de forts « harmoniques » sexuels. Depuis, elle se sent reliée à ce qu'elle perçoit comme son « soi supérieur », qu'elle définit connue un centre d'elle-même inébranlable et insensible aux vicissitudes de la vie quotidienne. Interviewée par Sannella, elle déclare :

" Ce centre me guide, il en émane une paix et une impression d'être en contact, en la comprenant, avec l'essence des choses « telles qu'elles sont » ... il me donne aussi un sens d'unité avec toute vie, d'où découlent amour et joie d'exister. Des « synchronicités » quotidiennes font de la vie un chemin semé de miracles d'harmonie et donnent un sentiment de confiance totale dans un guide infaillible... Je me sens en contact avec moi-même et avec la source de toutes choses." Autre exemple : une psychologue de 34 ans pratiquait différentes formes de méditation quand elle commença à ressentir des sensations mélangées de fraîcheur et de chaleur dans la poitrine et la gorge. Les vibrations commencèrent au niveau du pelvis et de là montèrent dans son dos jusqu'au cou... elle entendait un chant d'oiseau clair dans sa tête, et sentit des fourmillements dans sa gorge... Quelques mois après cet épisode, durant une méditation, elle se sentit plus grande de soixante centimètres que sa taille normale, et eut l'impression de voir depuis un point situé au-dessus de sa tête. Puis elle commença à avoir des céphalées, qui semblaient liées au fait qu'elle essayait de régulariser le flot d'énergie qu'elle sentait en elle. Des picotements commencèrent à remonter le long de son épine dorsale jusqu'au cou ; elle percevait en même temps à l'intérieur de son crâne une lumière qu'elle pouvait aussi suivre le long de sa colonne vertébrale. L'énergie et les picotements, passant sur son front, se focalisèrent au-dessous du menton. Elle avait l'impression d'une ouverture au sommet du crâne. Plus tard, elle commença à ressentir des ondulations et parfois de violentes secousses dans son corps. Elle avait l'impression d'être peu à peu purifiée et équilibrée. Elle a acquis depuis des capacités de guérison, une sensibilité aux émotions, sentiments, troubles physiques et psychologiques des autres, qu'elle utilise dans sa pratique courante avec ses patients.

Ces phénomènes sont, bien sûr, inhabituels et peu connus, mais ils concordent parfaitement avec ce qui est décrit dans les ouvrages consacrés à la tradition du yoga de la kundalini, et correspondent bien à ce qui est vécu pendant l'éveil de cette « énergie », qu'il soit spontané ou suscité par la pratique du yoga, du pranayama ou de la méditation 23.

Que disent d'autres traditions ? On trouve, dans le Livre des morts égyptien, un " symbole du fluide vital, du serpent de feu qui se trouve dans l'épine dorsale. C'est ce fluide, qui est le souffle de la vi,e que le prêtre transmet en imposant ses mains sur la nuque du défunt que l'on veut réchauffer et recouvrir de la chaleur d'Isis ". Le serpent est, dans cette tradition, le symbole de l'éternité et de la réincarnation, et est censé permettre l'acquisition de pouvoirs magiques.

Pour les taoïstes chinois, " l'énergie ne fait pas que circuler dans les méridiens : elle se concentre en certaines zones reliées par des forces : les « trois champs de cinabre »... Le champ de cinabre supérieur prend naissance au niveau du point curieux Inn Trang (entre les deux sourcils)... Le champ de cinabre moyen, ou « Palais écarlate », se situe sur la poitrine. Le coeur en forme le centre. Il sert de moteur à la circulation des énergies. Le champ de cinabre inférieur, troisième centre énergétique, se projette à trois travers de doigt au-dessous du nombril. La maîtrise des respirations permet d'espérer atteindre la transmutation de l'énergie mentale en un élixir d'or s'écoulant goutte à goutte par le canal médian et se mêlant à l'énergie ancestrale et au Ki. En une gerbe flamboyante, la substance née de la fusion du Ki, de l'énergie ancestrale et de l'énergie mentale, s'élevant par le canal central jusqu'au creuset supérieur, brise l'orbite universelle du Tao en une floraison d'or et d'argent, de soleil et de lune ".

Encore un exemple ? Un anthropologue, Richard Katz, a étudié une peuplade vivant dans le désert du Kalahari, les !Kung (les ! et / correspondent à des phonèmes particuliers à leur langue). Cette tribu pratique un rituel semblant avoir de nombreux points communs avec ce que nous venons de voir : celui-ci a pour but d'éveiller, d'« enflammer » le « N/um » afin d'atteindre un état nommé « !Kia », dans lequel des possibilités extraordinaires apparaissent, en particulier pouvoirs de guérison, vision à distance, marche sur le feu, etc.

Le N/um est dit résider dans le creux de l'estomac ; quand il est réveillé, il monte depuis la base de la colonne vertébrale jusqu'au crâne, permettant alors d'atteindre l'état !Kia : " vous sentez quelque chose d'effilé dans votre colonne vertébrale, qui monte progressivement... puis la base de votre colonne se met à fourmiller, fourmiller, fourmiller... alors dans votre tête vos pensées ne sont plus rien ". Comment ce phénomène est-il provoqué ? " Vous dansez, dansez, dansez, puis N/um vous soulève dans votre ventre, et vous soulève dans votre dos, et vous commencez à frissonner... N/um vous fait trembler, il est chaud. Vos yeux sont ouverts, mais vous ne regardez pas autour de vous, Votre regard reste tranquille et vous regardez droit devant. Mais quand vous êtes dans !Kia, vous regardez autour de vous, parce que vous voyez tout, parce que vous voyez les problèmes de tout le monde... Une respiration rapide et superficielle, voilà ce qui fait se redresser N/um... puis N/um se répand dans tout votre corps, du bout des pieds jusqu'aux cheveux. "

Toutes ces descriptions sont suffisamment concordantes pour laisser soupçonner l'existence d'un phénomène universel, bien réel, dont certaines traditions semblent rapporter le « mode d'emploi ».

Plus étrange est le fait que des personnes ayant vécu une NDE décrivent les mêmes symptômes, suivis des mêmes conséquences. Barbara Harris a détaillé son expérience dans un livre 7 et son cas est étudié en détail par K. Ring 19 : environ un an après sa NDE, elle commença à se plaindre de céphalées et de sensations de pression dans la tête. Elle travaillait au service d'urgences d'un hôpital, quand elle s'aperçut par hasard, en lissant une couverture sur une vieille dame pour la calmer et la réchauffer, que ses maux de tête disparaissaient. " Je pouvais sentir cette pression qui montait dans ma tête, mais elle s'en allait toujours dès que je posais mes mains sur un patient. Je ne peux toujours pas l'expliquer, mais soigner les autres m'aidait aussi en retour. Et une fois les maux de tête disparus, je rentrais chez moi en étant complètement rechargée, alors que j'avais travaillé huit heures d'affilée... Je savais que c'était parce que je posais mes mains sur ces gens. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m'apportait une formidable quantité de plaisir et d'énergie ". Quelque temps après, elle commença à percevoir des « poches » de chaleur dans diverses parties de son corps : " mon gros orteil devenait brûlant, ou une zone de chaleur se développait au niveau de ma hanche droite, alors que la peau autour restait fraîche ". Elle commença à percevoir des éclats lumineux qu'elle croyait être des éclairs d'orage, jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive qu'elle seule les voyait. Ses mains devenaient parfois brûlantes et, dit-elle, " une nuit je perçus des picotements dans mon gros orteil gauche, qui remontaient le long de ma jambe.. .. une sensation d'énergie, comme celle que je sentais pouvoir passer par mes mains, mais cette fois elle se mouvait le long de ma jambe pour s'étendre ensuite de l'autre côté, puis aux deux bras. Un fourmillement à la base de ma colonne vertébrale commença à remonter le long de celle-ci ". La même expérience se reproduisit pendant plusieurs nuits, puis " l'énergie monta droit le long de l'épine dorsale, mais quelque part au-dessus de la région du coeur, elle disparut du dos pour rejoindre ma face en passant comme à travers un tube creux. Je sentis ce flot traverser ma tête, puis j'eus la sensation que l'énergie retournait vers le bas avant de revenir par le même chemin, comme si je la recyclais ". Autre épisode intéressant, elle eut un jour une OBE chez son médecin qui la traitait pour calmer les douleurs résiduelles de son intervention chirurgicale. Détendue, elle reposait sur la table d'examen, et le seul bruit qu'elle entendait était celui de la ventilation. Elle raconte : " tout à coup, j'ai vu mon corps en bas sur la table, et le ronronnement du ventilateur était identique au bruit que j'avais entendu quand j'étais dans le tunnel ". On peut aussi noter des épisodes où elle vécut à l'avance des scènes qui se déroulèrent dans la réalité exactement comme elle l'avait vu.

1. Bentov et L. Sannella ont regroupé les symptômes que nous venons de survoler sous le nom de physio-kundalini. On peut les classer sous trois rubriques :

- Symptômes sensoriels : fourmillements, vibrations ou sensation d' « énergie » localisées puis montant le long de la colonne vertébrale, redescendant ensuite dans la poitrine et l'abdomen, sensations orgasmiques (purement sexuelles ou se répandant parfois dans tout le corps), douleurs débutant et cessant brutalement, sensation de froid ou de chaleur dans diverses parties du corps, perception de sons divers, de lumière intérieure illuminant parfois le corps.

- Symptômes moteurs : mouvements spontanés des mains et du corps, contractions involontaires (anus, abdomen et gorge), altération du rythme respiratoire, blocage ou paralysie soudaine de certaines pailles du corps.

- Symptômes psychologiques : joie ou extase soudaine, accès d'anxiété ou de dépression, accélération de la pensée, expansion de la conscience au-delà des limites corporelles.

Un examen superficiel de ces divers phénomènes peut bien entendu donner à penser qu'il s'agit de troubles cérébraux pathologiques (certains patients, présentant ces symptômes ont d'ailleurs, un peu vite, été classés et traités comme psychotiques. Krishna et Sannella estiment tous deux qu'environ 30 % des malades étiquetés psychotiques ou schizophrènes sont en fait victimes d'un « éveil » pathologique. G. Krishna cite en exemple les personnages appelés avahoots en Inde et mastanas en Perse, qui combinent dons extraordinaires de clairvoyance, schizophrénie et psychose maniaco-dépressive à des degrés divers). Mais on peut remarquer qu'une psychose se traduit en particulier par la perte de l'estimation de la réalité et des troubles de l'identité, qu'on ne retrouve pas dans les expériences précitées. Si certains symptômes font penser à l'épilepsie par leur localisation et leur déroulement, on peut préciser qu'une crise comitiale est toujours le signe d'une souffrance cérébrale, due à un foyer irritatif (traumatique, tumoral ou vasculaire). Quand la crise est généralisée, il s'agit d'un événement dramatique de courte durée entraînant en particulier une perte de connaissance et une amnésie post-critique. Aucune pathologie de ce type n'a été retrouvée pour expliquer ces phénomènes. Il ne faut pas oublier que la progression des symptômes dans les expériences d' « éveil » s'étale sur des mois ou des années. Mais le point important est dans le fait que ces expériences mènent bel et bien à une transformation allant dans le sens d'une évolution personnelle telle que la tradition hindoue la décrit. Une conscience élargie, la sensation de faire partie d'un tout, des capacités inexplicables de guérison, de clairvoyance, de télépathie, de précognition, de sensibilité aux autres sont couramment décrites à la suite de ces expériences. Celles-ci, même si elles sont le plus souvent perturbatrices pour ceux qui les vivent et sont inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances, n'ont rien de pathologique. Comme toujours, pour des phénomènes touchant à la conscience et à l'essence même de ce que nous sommes, nous manquons de repères pour mesurer quoi que ce soit.

Mais on peut néanmoins essayer de cerner une voie de recherche qui serait abordable par les techniques que nous possédons.

Il faut maintenant rappeler la façon dont le cerveau perçoit les sensations tactiles et thermiques (figures 1et 2). A chaque partie du corps correspond, au niveau du cortex cérébral, une zone où l'influx nerveux se projette. La principale aire sensitive du cortex se situe en arrière de la scissure de Rolando (qui sépare le lobe frontal du lobe pariétal) et chaque partie du corps y est représentée en fonction de l'importance de son innervation et non de sa taille, ce qui explique que la main occupe une surface supérieure à celle du tronc. En avant de l'aire sensitive, sur l'autre versant de la scissure de Rolando, se situe l'aire motrice, où le corps est représenté de façon similaire. Si une stimulation directe (électrique par exemple) est appliquée sur l'aire du cortex correspondant à la main, elle sera perçue comme provenant de celle-ci. Au niveau de l'aire motrice, la même stimulation provoquera un mouvement du membre correspondant. La figure 2 représente ce qu'on appelle l'homonculus sensitif, où l'on voit bien de quelle façon le corps est représenté : en remontant, on trouve la zone génitale, le membre inférieur, la hanche, le tronc, le bras et la main, la tête, la face puis le larynx et une zone correspondant aux sensations infra-abdominales. Or, dans les expériences que nous venons d'évoquer, les sensations décrites suivent très exactement ce trajet (il est à noter qu'il s'agit du trajet inverse de celui de certaines crises comitiales). Itzhak Bentov, qui avait le premier remarqué cette analogie, propose 2, 20 un modèle explicatif dans lequel des ondes acoustiques stationnaires de basse fréquence, créées par la résonance de l'ondée sanguine dans l'aorte, se propageraient jusqu'aux ventricules cérébraux, et de là stimuleraient le cortex, le polarisant électriquement et provoquant les sensations perçues dans l'ordre qui a été décrit. Il a procédé à des mesures qui semblent bien montrer, dans certains cas, l'existence de ce type d'ondes acoustiques au niveau de l'aorte et des ventricules, mais il semble difficile d'établir un lien de cause à effet entre celles-ci et les expériences décrites.

Il est néanmoins évident que les symptômes décrits semblent correspondre à un phénomène intéressant directement le cortex. On retrouve en effet, en corrélation avec les phénomènes sensitifs (vibrations, picotements ou « énergie » montant jusqu'au crâne puis redescendant par la gorge et l'abdomen) des mouvements spontanés (décrits par la tradition yogique sous le nom de kriyas) pouvant aller de simples secousses ou tremblements jusqu'à des mouvements et des postures très précis des mains (mudras) ou du corps (asanas), et à des perceptions sensorielles, comme si ce phénomène avait tendance à diffuser hors de l'aire sensitive.

Revenons donc à la représentation corticale de la sensibilité. Le « circuit » le plus souvent décrit est noté CI sur la figure 2 : il part de la zone où est représenté le pied, remonte le cortex jusqu'au bas du dos, redescend le long du lobe pariétal, suivant le dos, le bras, la tête, la face, le larynx, pour finir dans une zone correspondant aux sensations intra-abdominales. Dans la tradition, on distingue deux formes de kundalini : une forme inférieure (adhakundalini) qui est une descente de l'énergie depuis la luette ou la gorge jusqu'au inuladhara (le chakra le plus bas situé) et urdhvakundalini qui est une montée de l'énergie depuis ce même chakra. Il semblerait que ce circuit (qui pour Bentov se boucle ensuite suivant C2, ce qui correspond bien à la description de certains cas) soit parcouru en entier dans les expériences spontanées, ou quasi spontanées (c'est-à-dire à la suite de pratiques n'ayant pas l'éveil de kundalini pour but particulier).

Mais les témoignages que nous venons de voir ne se limitent pas à des sensations physiques parcourant ce circuit. Nous allons maintenant essayer d'élaborer une hypothèse de travail à partir d'autres similitudes avec la topographie corticale, et plus généralement avec ce que l'on sait du traitement de l'information au niveau cérébral. Voyons, en effet, ce que rapportent les témoins, après en général plusieurs expériences suivant ce circuit. Pour cela (cf par exemple l'expérience de Gopi Krishna), revenons aux figures 1 et 2, mais en suivant maintenant le trajet noté C 3 : si le phénomène cortical, au lieu de se boucler, continue à diffuser vers le lobe temporal, on trouve sur son passage l'aire 41 qui est l'aire auditive (" un rugissement semblable à celui d'une cataracte ") puis, plus en arrière, le lobe occipital, qui correspond au cortex visuel (" un flot de lumière liquide, l'illumination se fit de plus en plus éclatante "). A proximité de l'aire auditive, on retrouve la projection de fibres provenant du vestibule, qui est l'organe de l'équilibre (" j'eus une sensation d'ébranlement, d'oscillation ") et, pour finir : " et tout à coup je me sentis glisser hors de mon corps ". Là, il faut revenir sur les travaux du neurochirurgien Wilder Penfield, que nous avons déjà rencontré dans le chapitre précédent. Au cours d'interventions neurochirurgicales (où dans certains cas le patient n'est pas endormi, ce qui lui permet de guider le chirurgien), il a pu stimuler certaines zones du cortex qui semblaient bien provoquer une expérience hors du corps 17. Et ces zones, notées par des cercles sur la figure 1, sont situées sur la. première circonvolution temporale, au niveau de la scissure de Sylvius, à la périphérie de l'aire auditive ! Il est à remarquer que le début d'une NDE ou d'une OBE est, précisément, fréquemment associé à la perception d'un fort bruit.

Itzhak Bentov compare le circuit bouclé (CI et C2) au serpent Ouroboros, qui se mord la queue.

Mais l'éveil de kundalini est symbolisé par un serpent qui s'éveille de son sommeil et se détend 1. La « kundalini dressée » ne serait-elle autre que ce même Ouroboros ayant enfin ouvert la bouche ?...

A titre d'analyse, nous pouvons dire que tout se passe comme si diverses pratiques (tendant en particulier à minimiser la perception du monde extérieur) telles que le yoga, la méditation, le pranayama pouvaient progressivement créer (ou révéler en les rendant fonctionnelles) de nouvelles connections neuronales sur un plan « horizontal » au niveau du cortex cérébral. La perception de ce fonctionnement serait alors responsable des phénomènes que nous venons de décrire, tant sur les plans sensitif et moteur que sensoriel. Il serait alors logique de supposer que les gestes (mudras), poses corporelles (asanas) et altérations du rythme respiratoire (pranayama) que pratiquent les yogis résulteraient de l'observation, dans l'antiquité, d' « éveils » spontanés (dont ces phénomènes moteurs sont un des corollaires), leur reproduction étant censée, par réciprocité (l'effet devenant la cause), éveiller la kundalini.

Imaginons maintenant qu'il existe une zone cérébrale - au sens large - (il faudrait plutôt parler d'un « mode de fonctionnement ») permettant, en état de veille normale, la focalisation de la conscience sur les stimuli provenant des organes des sens, et donc sur le monde extérieur (de façon imagée, ce serait la zone permettant l' « accrochage de la conscience » dans la matière). Ce qui s'en rapproche le plus semble être l'hippocampe, qui est le dernier relais des informations sensorielles et permet leur intégration temporelle et spatiale : il reçoit en effet (par l'intermédiaire du cortex entorhinal) l'ensemble des informations « instantanées » (visuelles, tactiles, auditives, etc.) qui ont été traitées par les aires corticales correspondantes, et permet, en les liant dans une sorte de « mémoire de travail », l'appréhension du présent dans un contexte global. Sans ce travail, ce que vous lisez ne serait qu'une suite de mots sans lien entre eux. C'est l'hippocampe qui vous permet, en gardant en mémoire les mots qui précèdent, de comprendre le sens de cette phrase.

L'excitation corticale produite par les « néo-connections » serait susceptible, en se propageant, d'atteindre et de stimuler des afférences inhibitrices de cette zone (ce serait en fait ces afférences que Penfield aurait découvertes au niveau du lobe temporal et rien n'interdit d'envisager une hypothèse selon laquelle les zones découvertes par ce dernier seraient susceptibles de provoquer une libération d'endopsychosines qui, précisément, bloquent certains récepteurs - NMDA - très nombreux an niveau... de l'hippocampe !), permettant alors une « libération » de la conscience en lui donnant accès à une réalité différente, hors des limites corporelles et spatio-temporelles. Au cours des NDE, deux possibilités existent : une inhibition active par une libération d'endopsychosines dans un but de neuroprotection, ou la cessation de la stimulation permanente de cette « zone » pourraient être responsables du même phénomène, expliquant ainsi la similitude des deux expériences, en particulier au niveau de leurs répercussions psychologiques et spirituelles.

On peut noter bien d'autres analogies avec la tradition. Nous avons vu au chapitre précédent que les explorations neurophysiologiques des OBE semblaient montrer qu'elles survenaient préférentiellement entre deux états de conscience. Or voici ce que dit Abhinavagupta dans le Tantraloka, cité par L. Silbum 22 : « comment les souffles recouvrent leur nature cosmique : le souffle commence par s'intérioriser à la jonction de deux états que nous qualifierons de crépusculaires car avec eux la pensée cesse. Ainsi entre veille et sommeil, ou au réveil, quand on est encore assoupi, les souffles inspiré et expiré se reposent dans le coeur et le yogi éprouve une première félicité ».

Nous avons vu aussi le mode d'action de la kétamine (on peut noter à ce propos que des essais d'utilisation thérapeutique de cette dernière - à doses infra-anesthésiques - sur des patients psychotiques ont donné de remarquables résultats 26 et mériteraient d'être poursuivis) et de ses analogues endogènes, qui semblent avoir un effet sur la conscience par le biais du blocage des récepteurs NMDA et d'une modification de la LTP.

On peut à ce propos faire une remarque qui mériterait d'être approfondie : les enregistrements EEG de yogis expérimentés montrent durant la méditation une prépondérance de rythmes lents, d'abord alpha puis thêta (ce dernier n'est retrouvé à l'état de veille que chez 1 % des adultes). Nous avons vu aussi que plusieurs études EEG avaient montré, durant certaines OBE, une prépondérance du rythme thêta.

Ce dernier est en quelque sorte l' « horloge » qui synchronise le traitement de l'information par l'hippocampe : des chercheurs 25 , en étudiant les phénomènes de mémorisation chez le rat, ont mis en évidence le fait que la LTP, au niveau des récepteurs NMDA de l'hippocampe, dépendait de la présence, précisément, du rythme thêta. Une stimulation par des trains d'impulsions synchrones et en phase avec le rythme thêta favorise la LTP, alors que la même stimulation en opposition de phase semble l'inhiber.

Le rythme thêta hippocampique a été étudié chez plusieurs espèces animales. Il correspond à un comportement d'exploration et, surtout, on a remarqué que sa fréquence est corrélée avec les manifestations physiques de ce comportement (mouvement des vibrisses, de la tête, mouvements respiratoires).

Or, parmi les moyens traditionnellement décrits comme permettant d'atteindre des états de conscience transcendants, la maîtrise de la respiration est omniprésente.

Chez les !Kung, " une respiration superficielle et rapide, voilà ce qui fait se dresser N/um ".

Le Vijnanahhairavatantra, cité par L. Silbum, est encore plus explicite : " lorsqu'on fait échec au flot tout entier des activités sensorielles au moyen de l'énergie du souffle qui s'élève peu à peu, au moment ou l'on sent un fourmillement, le suprême bonheur se propage ". (Il n'est pas question de réduire cela à de simples exercices d'hyperventilation, dont les effets sont bien connus, pour la simple raison que de nombreux exercices de pranayama consistent à ralentir les mouvements respiratoires et non à les accélérer.)

On retrouve les mêmes techniques chez les moines du mont Athos, avec la pratique de l' « hésychasme », qui consistait en exercices respiratoires associés à la répétition des mots Kyrie eleison (" Seigneur, aie pitié ").

Nous avons vu plus haut, à propos de la tradition taoïste, que " la maîtrise des respirations permet d'atteindre la transmutation de l'énergie mentale ". Voici un texte du Vllle siècle, attribué au moine taoïste Lu-Yen. Pour le comprendre, il faut savoir deux choses :

- le même idéogramme chinois possède simultanément les significations « coeur » et « conscience »

- cet idéogramme est lui-même incorporé dans celui qui signifie « respiration ».

" Sache que la respiration procède du (coeur/conscience). Ce qui sort du (coeur/conscience) est le souffle. Quand le (coeur/conscience) est en mouvement, la puissance du souffle se développe. Celle-ci n'est autre que la transformation de l'activité du (coeur/conscience). Quand ce dernier bat vite, il se produit une imagerie qui va de pair avec la respiration, car ces deux mouvements interne et externe se répondent l'un l'autre comme un son et son écho.

" Chaque jour, d'innombrables battements de (coeur/conscience) ont lieu, et nous éprouvons autant de pensées-images. La limpidité de l'esprit intérieur en est obscurcie, comme par des cendres éteignant la pure flamme d'une bûche. L'esprit humain pourrait-il être vidé d'images ? On ne saurait vivre sans cette imagerie. Parallèlement, pourrait-on ne pas respirer ? Évidemment non. Voici donc la façon de transcender ces contraintes. Puisque le souffle et le coeur (ou la conscience) sont intimement liés, la circulation de la lumière se fait par mise à l'unisson des deux rythmes 27. "

Un autre rapprochement peut être fait avec des pratiques posturales ou dynamiques (danse chez les !Kung, rotation chez les derviches tourneurs, etc.) qui ont toutes pour résultat une stimulation inhabituelle du labyrinthe, l'organe de l'équilibre. Il a été démontré (A. Costin et al.) qu'une stimulation labyrinthique chez l'animal au repos pouvait provoquer l'apparition d'un rythme thêta hypersynchrone et d'amplitude augmentée, ou au contraire, si cette stimulation est appliquée après stimulation de l'hippocampe, inhiber le train d'ondes (post-décharge hippocampique) qui s'ensuit normalement.

Les observations faites sur l'animal ne sont pas automatiquement transposables à l'homme, bien sûr, mais il semble y avoir là un faisceau convergent de faits qui pourraient permettre de cerner la « physiologie » des états de conscience, modifiés ou non. Les structures que nous venons d'explorer, et en particulier l'hippocampe, font en effet partie du cerveau mammalien, que nous avons « en commun » avec tous les mammifères. (Durant l'évolution se sont superposés le cerveau reptilien, puis le cerveau mammalien, et enfin le néocortex, propre à l'homme et constitué par le développement des lobes frontaux.) Il est donc tout à fait possible qu'un « circuit » archaïque mettant en relation le rythme respiratoire et le rythme thêta hippocampique, démontré chez l'animal, soit toujours, en quelque sorte, à notre disposition. Si donc il s'avère que la maîtrise volontaire du rythme respiratoire ou une stimulation labyrinthique peuvent influencer le traitement de l'information au niveau de l'hippocampe, ce dernier se retrouve réellement à la croisée de tous les chemins que nous venons d'emprunter ! (Le point commun de toutes ces observations étant peut-être la possibilité d'isoler la conscience du flux d'informations dont les organes des sens la saturent en permanence.)

Un travers fréquent des Occidentaux qui ont étudié la kundalini a été de vouloir à tout prix faire correspondre les différents chakras avec des organes, des plexus nerveux 12 ou des glandes endocrines, ce qui semble être une vue pour le moins réductrice. Il n'est pas question ici d'essayer, d'une façon similaire, de réduire ces observations à une anomalie ou à un phénomène purement neurologique, ce qui n'expliquerait en rien les expériences apparemment transcendantes qui s'ensuivent. Les expériences que nous venons d'étudier se situent à la frontière entre le monde extérieur et la conscience. Or ce qui, dans le corps, est assimilable à cette frontière, est bien le cortex et ses connections avec le système limbique et l'hippocampe. Pour ce qui concerne,, par exemple, les perceptions sensorielles décrites lors de l' « éveil de kundalini », il est probable (et la réciproque l'est autant) que tout phénomène affectant le fonctionnement de la conscience, dans la mesure où celle-ci est « rattachée » à la matière, peut affecter l'interface entre les deux et donc être ressenti selon la géographie corticale. Il est possible aussi que ces phénomènes n'affectent pas que la conscience, mais aussi le corps par l'intermédiaire du système nerveux. On peut, par exemple, envisager que l' « éveil » des chakras, autant qu'une symbolisation « corporelle » d'états de conscience de plus en plus élevés, soit en correspondance avec des conflits ou blocages psychologiques ou psychosomatiques qui seraient révélés (et parfois résolus) par l'action progressive de la kundalini (ce qui est d'ailleurs sous-entendu dans la littérature traditionnelle).

Il semble donc que les NDE fassent partie de ce vaste ensemble d'expériences souvent qualifiées de transcendantes que l'homme a de tout temps plus ou moins connu et surtout recherché.

Le point important est que de nombreuses traditions ont codifié les moyens divers, reposant sur une connaissance empirique de ce que nous appelons de nos jours neuro- et psychophysiologie, qui permettent apparemment de favoriser leur survenue. Cela n'explique en rien leur contenu ni leur signification, et encore moins le pouvoir transformateur qu'elles semblent avoir sur ceux qui les ont vécues, mais l'étude raisonnée de ces techniques à la lumière de nos connaissances actuelles pourrait permettre d'explorer un peu plus - et de manière moins empirique - ce qui est l'essence de l'homme, la conscience.

Ne confondons donc pas la carte avec le territoire. Considérant que l'étude des traditions anciennes, à la lumière de cette nouvelle grille de lecture, peut être riche d'enseignements, nous avons simplement tenté de définir une voie de recherche dont l'avenir décidera de la validité, et non de donner une explication à des phénomènes dont les implications semblent ouvrir une porte sur l'infini.
 
 

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Troisième partie

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