Recherches sur les expériences vécues aux approches
de la mort (NDE)
TÉMOIGNAGES
Les témoignages figurant en tête de chaque partie ont
été laissés dans leur forme la plus brute possible,
à partir des narrations libres recueillies dans le cadre du protocole
d'enquête IANDS-France (voir annexe
2). Certains d'entre eux ont néanmoins dû être
un peu contractés, ou complétés (à doses
homéopathiques), pour plus de clarté, par des éléments
de la partie questionnaire dirigé. Malgré ces légers
écarts, je me suis efforcée de rester au plus près
du récit spontané, lui conservant toutes les approximations
du langage verbal, voire ses éventuelles maladresses. Il m'a
semblé qu'il fallait conserver cet écart parfois extraordinaire
entre l'expression du témoin et la finesse ou la complexité
de la réalité perçue, qui échappe souvent
largement an contexte socioculturel.
Mme F. H. est une femme d'une quarantaine d'années, actuellement
très impliquée dans le mouvement de renouveau de la
spiritualité. Elle organise notamment de grands colloques sur
les nouvelles approches scientifiques du monde « subtil ».
Je devais avoir huit ans et demi, neuf ans et demi, et mes parents,
qui vivaient à moitié en Egypte et à moitié
en Europe, étaient partis cette année-là en me
confiant à une tante. Elle habitait une maison au bord de la
mer, près d'Alexandrie.
Un jour où nous n'avions pas le droit de nous baigner (il y
avait le drapeau noir), ma copine et moi avons décidé
d'aller quand même jouer sur la plage.
Nous étions en train de faire un château de sable, et
nous avons voulu aller chercher un peu de sable plus mouillé.
Nous sommes allées juste an bord, et comme la mer était
très démontée, nous avons été emportées
toutes les deux.
Je suppose qu'elle devait nager beaucoup mieux que moi, parce que nous
nous sommes tenues par la main pendant très très longtemps.
Après, elle m'a lâchée, elle a essayé de
revenir, pendant que moi, durant des heures et des heures, je me débattais,
j'avalais de l'eau. J'étais très loin du bord, je ne le
voyais plus du tout, je n'arrivais pas à revenir. Je suis restée...
Je ne me rendais absolument pas compte du temps, je voyais juste, quand
j'arrivais à ressortir de l'eau, je voyais juste le soleil, et
je me disais : « C'est loin dans la journée »,
surtout avec mes impressions d'enfant, je me disais : «
Peut-être que si je me laisse aller, je vais arriver de l'autre
côté du rivage », et j'essayais de me laisser emporter,
parce que je voyais bien que je ne pouvais pas revenir. Pendant ce temps-là,
j'avalais énormément d'eau, j'étais vraiment en
train de me noyer, j'avais le ventre tout gonflé, mon petit deux-pièces
avait craqué. Je me suis débattue pendant des heures et
des heures... enfin, j'avais l'impression que ça durait des heures
et des heures. J'étouffais, je savais qu'il fallait que je m'abandonne,
pour mourir. Depuis le début, je savais que je pouvais mourir
si je n'arrivais pas à revenir, et donc, à un moment,
j'ai décidé que je n'avais plus la résistance,
que je n'avais plus la force, qu'il valait mieux que j'abandonne et
que j'arrête d'essayer de rester à la surface et d'avaler
de l'eau. Il valait peut-être mieux que je me laisse couler et
que j'abandonne... que je me laisse mourir, pour ne plus souffrir, parce
que c'était très très pénible. Et là,
au moment où j'ai décidé de tout lâcher,
ce qui m'est apparu, c'est comme le déroulement d'un film, c'est-à-dire
que j'ai vu les mauvaises actions et les bonnes actions que j'avais
faites dans ma vie, quelques années avant, c'est-à-dire
les moments très forts, les gens que j'aimais. J'ai vu se dérouler
le film des choses importantes, tout ce que j'avais fait de bien ou
de mal, les choses vraiment importantes, les trucs où je me sentais
coupable, les trucs où j'étais contente de moi, des images
importantes, comme un film qui se déroulait à toute vitesse.
Je me voyais agir, j'étais spectatrice, et je me voyais active.
Et puis, j'ai commencé à penser à ma tante, en
me disant : La pauvre, elle va se sentir très coupable, puisqu'on
m'a confiée à elle, toute la vie elle va avoir cette culpabilité
que je sois morte, et je me suis aussi demandée pourquoi mes
parents m'avaient laissée juste cette année-là,
pourquoi ils avaient emmené ma soeur et pas moi, alors que chaque
année je repartais avec eux l'été. Et puis, j'essayais
de me calmer, de ne pins lutter, et d'accepter le fait que j'allais
mourir. Et je crois qu'à ce moment-là, lorsque j'ai vraiment
réussi à me calmer, à ne plus me débattre,
c'est là que j'ai vu comme un tunnel noir, comme un immense tunnel
de rond de béton, dans lequel j'étais, moi ; il était
noir, long, long, long, mais au bout je voyais une lumière très
particulière, très intense, comme je n'en avais jamais
vue. Je n'entendais pas de sons, ni de voix, ni de musique, rien du
tout. Juste cette lumière très très forte dans
laquelle j'arrivais.
Dans la lumière, c'était très particulier. J'avoue
que je n'ai pas de souvenirs exacts, mais dans la lumière, il
y avait des choses qui bougeaient, ce n'étaient pas des êtres,
mais des choses étranges, je ne peux pas les décrire vraiment,
ma mémoire n'est plus là. Mais je sais que dans la lumière
ce n'était pas simplement une lumière, il se passait des
choses. Je croyais que c'était la fin, j'avais l'impression que
j 'arrivais dans un endroit de paix, de calme, et que cette lumière
intense, là, allait enfin pouvoir m'apaiser. Et j'avais aussi
l'impression que je pouvais aller encore plus loin. Mais à ce
moment je suis sortie, et là j'ai vu ce qui se produisait dans
le réel, en bas. C'est comme si j'avais été sortie
de la mer, dans le ciel, en l'air. Je regardais en bas et j'ai vu une
image vraiment étrange : j'ai vu des hommes qui se donnaient
la main, et le dernier se détachait, je ne comprenais pas ce
que c'était, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, je ne savais
vraiment pas où j'en étais, mais je me disais que j'étais
vraiment près de mourir. Et tout à coup, je crois que
j'ai perdu connaissance. Je ne me rappelle plus du tout ce qui est arrivé
à ce moment-là. Je sais seulement que je me sais réveillée
sur une plage, avec le ventre gonflé, énorme, avec plein
de gens autour de moi, et quelqu'un qui me pressait sur le ventre et
me faisait la respiration artificielle.
Deux ou trois jours plus tard, j'ai dit à ma tante : «
Il me semble que j'ai vu mon sauvetage, il me semblé que j'ai
vu des hommes qui se donnaient la main, et puis un dernier qui s'est
détaché. » Elle m'a dit :
« Mais non, tu es complètement folle, je suppose
qu'on te l'a raconté. » J'ai répondu : «
Pourquoi, qu'est-ce qui s'est passé ? - Effectivement, il y
avait des hommes qui s'entraînaient pour le marathon... ils
avaient tous de l'huile sur eux, et quand ta cousine qui, elle, t'a
lâché la mais est revenue, au bout de 4 heures, elle
a pu dire que tu étais encore dans l'eau, et ces personnes-là
se sont rassemblées, la mer était tellement démontée
qu'ils ont dû faire une chaîne. Le dernier, effectivement,
a lâché les autres et a nagé, il t'a trouvée,
t'a donné un coup sur la tête parce que tu te débattais
dans tous les sens, et il t'a ramenée calmement. Tu as dû
rester dans l'eau 9 ou 10 heures, puisque tu es partie depuis le matin
9 heures, et on t'a retrouvée à 18 heures. »
Mais quand elle m'a dit que j'étais folle, alors que moi j'étais
bien sûre d'avoir vu ça, que personne ne me l'avait raconté,
je me suis dit :
« Bon, eh bien il ne faut pas que j'en parle. Si elle
me prend pour une folle, personne ne va me croire ». De toute
façon, c'est vrai que j'étais dans un tel état
que j'ai pu imaginer. Et je n'en ai plus reparlé pratiquement
pendant une trentaine d'années, ou plus. Je n'en ai plus reparlé
à qui que ce soit. Et puis, il y a quelques années, j'ai
lu un livre de Moody qui parlait de ce genre d'expérience, et
je me suis dit : « Je ne suis donc pas folle, j'ai vécu
ça, j'ai vu ça, je ne suis pas folle, il m'est vraiment
arrivé quelque chose de ce genre. » Et là, j'ai
osé en parler pour la première fois. Mais cette fois encore
j'ai vu que les personnes avaient des doutes ; et je me suis tue, je
n'en ai plus reparlé. C'est tout à fait dernièrement
que j'ai lu La Source noire, et j'ai vu qu'il y avait 8 millions
d'Américains qui avaient vécu ce genre d'expérience,
que ce n'était pas quelque chose d'exceptionnel, on peut vivre
cela simplement par une anesthésie, que c'était quelque
chose qui pouvait se produire, et que, donc, ce qui m'était arrivé
était une expérience possible.
Il y a donc très peu de temps, maintenant, que je peux en parler.
Mme P. V., secrétaire à la retraite, est très
active, mène des activités bénévoles et
fait partie d'une association de radiesthésistes. Elle ne considère
pas avoir changé à la suite de son expérience,
ayant toujours eu, selon elle, le même caractère. Toute
jeune, on l'avait surnommée « la petite religieuse ».
Pourtant ses croyances actuelles peuvent paraître très
modérées relativement à d'autres témoins
: elle n'a pas peur de la mort, mais n'en a jamais eu peur, la mort
est simplement la fin de notre vie terrestre ; elle ne sait pas s'il
existe une âme ; la vie éternelle est liée à
notre procréation ; il y a des réalités à
découvrir... Son expérience lui est arrivée durant
l'été 1942, à 17 ans, en Tunisie :
Je revenais de la plage, mes pieds étaient mouillés et
nous devions traverser un chemin de fer électrifié. J'ai
posé un pied sur le premier rail et, sans le quitter, mon autre
pied sur le second. J'ai ressenti aussitôt une vive brûlure
envahissant peu à peu tout mon corps d'un pied à l'autre,
J'avais l'impression d'être dans un four, que mon corps fondait.
Je me suis alors sentie soulevée horizontalement, comme sur un
coussin, bercée par des bras. Cette élévation s'est
faite dans un nuage coloré, pastel, an milieu de chants et de
musiques extraordinaires. C'était un choeur de voix inconnues,
que je n'aurais pu attribuer à des hommes ou à des femmes.
Je suis arrivée dans un univers lumineux, aux couleurs fondues,
très douces, brillant mais non éblouissant. J'étais
dans la lumière comme si j'avais été moi-même
lumière. Je me laissais aller dans ce bien-être inoubliable.
C'était superbe, ça ne peut pas se décrire, magnifique,
angélique; une autre réalité, celle de l'esprit
ou de l'âme.
Mais je devais être à 300-400 mètres du sol et
je voyais tout : j'étais recroquevillée entre les rails,
la tête repliée au milieu des jambes, comme un foetus,
de couleur violet-noir. Ma mère, qui m'accompagnait, revenait
vers moi, taudis que les Tunisiens, qui accouraient avec de grandes
perches, lui criaient : « Ne la touche pas ! »
J'ai voulu mettre ma mère en garde, l'arrêter de ma main,
mais j'étais paralysée. J'ai alors pensé que j'étais
morte.
Comme ma mère continuait à s'approcher, j'ai compris
qu'elle allait quand même tenter de me venir en aide. Alors, malgré
mon bien-être, et les bras qui me tenaient, j'ai réussi,
an prix d'un effort surhumain, à m'en dégager. J'ai fait
une plongée verticale, comme tirée par un élastique.
J'ai eu du mal à retrouver mon volume dans mon corps, mais j'y
suis rentrée et me suis dépliée. Je ne sentais
plus mes jambes et ma voix avait disparu.
Les Tunisiens se sont mis en prière et ont engagé ma
mère à en faire autant.
Le médecin a dit : « Il faudrait vérifier
si elle n'a pas fait sauter la centrale ». Ce que mon frère
fit le lendemain.
M. R. R., au moment de son expérience, à l'âge
de 57 ans, était directeur d'une petite entreprise de fabrication
de boyaux. Il était, en termes professionnels, « boyaudier
» et se fournissait auprès des abattoirs de Lyon- En
mars-avril 1992, il a fait trois infarctus et a vécu comme
un calvaire son mois passé à l'hôpital. Il dit
qu'il a maintenant une épée de Damoclès suspendue
au-dessus de sa tête et se demande comment cet illustre prédécesseur
a terminé sa vie. Car il n'a, heureusement, pas perdu le sens
de l'humour ni sa vivacité d'esprit. M.R.R., en 1981, dut subir
une opération à coeur ouvert en circulation extra-corporelle.
Il précise régulièrement : " Je n'avais jamais
vu auparavant de bloc opératoire, et je suis entré et
sorti inconscient de celui où l'on m'a opéré.
" Cette remarque est très importante.
J'ai donc attendu fort longtemps, dans la rotonde et dans le froid,
voyant défiler le spectacle horrible des opérés,
qu'on me fasse les piqûres pré-opératoires. Je me
suis réveillé en réanimation, Pendant deux jours,
j'ai été incapable de soulever les paupières, je
ne voyais strictement rien. C'est au bout de quelques jours que le souvenir
du bloc m'est revenu :
J'ai fait une sortie instantanée de mon corps et me suis retrouvé
dans une sorte d'antichambre de la mort. Je ne vois pas d'autre mot
pour désigner cet espace. J'étais moi-même un nuage
immatériel, un pur esprit, une pensée. J'étais
bien, heureux, sans besoin de respirer, en apesanteur, ne désirant
rien. Et j'attendais une décision,
Je me suis alors demandé où se trouvait ma voiture (mon
corps) et me suis retrouvé aussitôt au plafond, voyant
une douzaine de nuques. Il y avait mon corps, recouvert par les draps,
caché par les nuques. Mon attention a été attirée
par un individu, assis sur une chaise, ayant l'air de s'ennuyer. Il
était devant une machine horizontale, surveillant des cadrans.
Je voyais un bras avec une roulette au bout, qui tournait. Du corps,
sur la table d'opération, sortait un tuyau qui partait vers cette
machine. Un autre en sortait. Je me suis dit : « Tiens,
on dirait une parmentière ! » La parmentière est
une machine industrielle qui sert à éplucher les patates.
Ce qui m'ennuie, c'est de penser que là, même parti en
fumée, évaporé, je continuais à penser en
boyaudier ! J'espère qu'il ne faudra pas continuer à travailler
de l'autre côté !
Puis, je suis reparti dans mon tunnel-antichambre. Pas de paroi, le
vide, rien de matériel, un passage dans une autre dimension.
Il y avait deux sorties pour ce tunnel, l'une vers le monde matériel,
l'autre, en contrebas, vers une autre dimension, autre chose, d'où
personne n'est jamais revenu.
Cela appartient à l'inimaginable pour ceux qui ne l'ont pas
vécu. J'ai été balancé dans une situation
incroyable, vécue finalement de façon totalement passive.
Rien ne dépendait de moi et rien ne m'inquiétait. La décision
était en train de se prendre. Elle relevait d'une volonté
inflexible, inutile de marchander ! Qui a pris la décision ?
Je le saurai quand je serai mort. Mon dossier n'était-il pas
à jour ? J'ai l'impression qu'on m'a signifié : Continuez
à en baver encore un peu ! Je devais retourner et je n'étais
pas heureux du tout de devoir recommencer à respirer !
J'ai eu en tout 17 opérations et une seule expérience
comme celle-là, lors de l'intervention à coeur ouvert.
Je pense que cela s'est produit au moment du débranchement-rebranchement
de la machine.
Ce qui est terrible, c'est de vouloir en parler avec des médecins,
des anesthésistes. Je me suis lié à l'un d'eux,
mais il m'a grondé : « Vous êtes drogué,
même l'air que vous respirez n'est pas naturel ! » On vous
prend pour un fou. Je n'ai pas insisté parce que je me suis dit
: Un de ces quatre matins, Ils vont m'envoyer chez le psychiatre!
J'avais parlé de ce que j'avais vu à une infirmière
avec qui j'avais sympathisé. Mais elle niait tout, me disant
que toutes ces machines sont verticales, comme les ordinateurs. Sur
une émission d'Antenne 2, à la télévision,
j'ai guetté : la machine était effectivement verticale.
Et puis, il y a deux/trois ans, la télévision régionale
lyonnaise a retransmis une première coeur-poumons. Et qu'est-ce
que j'ai vu ? La même machine que la mienne, la parmentière,
l'horizontale ! Je me suis informé ; à l'époque
il n'y avait qu'un seul bloc équipé avec celle-ci. L'infirmière
pouvait ne pas le savoir.
Ce jour a été très important pour moi. Je tenais
enfin un os. J'avais la preuve que je n'avais pas rêvé.
Maintenant, le médecin qui me tapote encore la joue avec condescendance,
en me disant que ce sont les drogues, je ne le laisserai pas faire.
Je sens que je vais me fâcher.
Il y a une évolution. Aujourd'hui les mêmes personnes
disent : « Ah oui, on en parle ! » Ils sont intéressés,
mais réticents. Ils admettent qu'il se passe quelque chose, mais
ne cherchent pas les détails. Ils ne dominent pas le sujet, quelque
chose leur échappe. Je crois qu'il leur faudra encore longtemps
Mes valeurs ont changé, celles pour lesquelles je me serais
battu n'ont plus d'importance. Avant, j'étais trop impliqué
dans les affaires. Gagner sa biscotte, ce n'est pas ça la vie.
Pourtant, c'est une nécessité, et ça vous évite
de trop réfléchir. Les vraies valeurs, c'est essayer de
se connaître les uns les autres. Si on savait, on pourrait aider
de plus en plus les gens isolés.
J'ai été élevé dans la religion catholique,
mais il n'y a rien de religieux dans la NDE. Vous me faites plus plaisir,
avec votre approche, que Moody qui semble avoir catalysé les
expériences religieuses.
Je n'ai plus peur de la mort. On continue sous une autre forme, totalement
inconcevable. Quant à connaître la suite, je ne pense pas
que ce soit permis à aucune élite, aucun homme d'aucune
église. Il faut faire le voyage de l'autre côté
pour savoir. Et je ne vois pas pourquoi de l'autre côté
on viendrait gesticuler, attirer l'attention sur ce qui s'y passe !
Ça n'a rien à voir.
Ce serait comme un poisson vivant au fond de la mer qui parlerait de
ce qui se passe en haut de I'Himalaya ! Et encore, là, c'est
matériel des deux côtés !
Alors que la différence est incroyable. Là, tout à
coup, le temps ne compte plus, ce n'est plus une mesure. La pesanteur
n'existe plus. La pensée est un moteur qui vous déplace.
C'est dingue !
Après, on ne pense plus qu'à ça. C'est une expérience
après laquelle on ne peut plus échapper à cette
certitude : la mort n'est pas une fin totale. L'âme, c'est quelque
chose qui est en nous et ne meurt pas. Comme le rayon lumineux qui continue
son chemin dans l'espace, même si sa source est éteinte...
Mme J. M. est une femme à la belle quarantaine, élégante,
mère de quatre enfants, mariée à un professeur
enseignant à la faculté de pharmacie. Elle a occupé
des fonctions d'attachée de presse, développé
des activités artistiques et créatrices dans différents
domaines. Elle attribue ce qu'elle appelle ses dons d'intuition, d'entreprise,
de créativité à celle expérience vécue
il y a de nombreuses années.
C'est une opération chirurgicale qui a eu lieu en 1962, j'avais
alors 17 ans. Et ça se passait au fin fond de l'Afrique, je veux
dire en Guinée.
J'ai eu des manifestations banales de... crise d'appendicite. J'ai
donc été hospitalisée à l'hôpital
F., qui était un hôpital américain, à 80
km de notre domicile, et dans cet hôpital il n'y avait pas vraiment
les moyens que l'on trouve dans nos cliniques, en France, et notamment
à Paris pour pratiquer ce genre d'opération. C'était
déjà une aventure que de se rendre à cet hôpital
en crise aiguë, avec fièvre, vomissements...
Nous avons dû faire 80 km en jeep, dans la brousse, dans la poussière
rouge du pays ; je suis arrivée à l'hôpital F. en
urgence et j'ai rencontré un docteur qui n'avait pas vraiment
de qualification de chirurgien, qui m'a opérée dans des
conditions tout à fait précaires ; mais l'opération
s'est bien passée, et le lendemain je suis rentrée.
Et puis la fièvre est apparue, une fièvre importante,
avec vomissements, nausées, et nous avons cru à une crise
de paludisme, puisque j'étais sujette à cette maladie
bien connue dans ces pays-là ; on a fait venir une personne que
nous connaissions bien, un médecin de famille, qui a décidé
de mon hospitalisation immédiate, dans sa « micro-clinique
» où il avait à peu près quatre ou cinq chambres.
Lorsque je suis arrivée, j'étais en pays de connaissance,
et donc pas inquiète du tout. On a décidé de pratiquer
une incision au niveau de la cicatrisation qui se faisait mal ; on a
percé l'abcès, tout ça sans anesthésie,
si ce n'est une anesthésie assez curieuse qui fait bondir les
médecins quand je leur en parle, c'est-à-dire une anesthésie
au Kélène, un produit réfrigérant qui a
pour action de diminuer ou même... je dirais presque d'inhiber
la douleur par le froid : j'ai « dégusté »
! J'avais un torchon qu'on avait complètement noué et
qu'on m'avait mis entre les dents. Ç'a été une
intervention très très pénible, J'ai perdu une
première fois connaissance, puis, quand je me suis réveillée,
je n'étais pas bien du tout. Mes parents étaient à
côté de moi. Mme E., l'épouse du médecin,
est venue deux ou trois fois prendre de mes nouvelles, mais tout lui
semblait aller bien.
Une demi-heure à trois quarts d'heure plus tard, j'ai fait une
chute de tension importante.
C'est à ce moment-là que j'ai eu des impressions très
étranges. En dehors bien entendu de la douleur intense, épouvantable,
puisqu'on avait percé un abcès lui-même épouvantable,
dans une odeur de putréfaction qui' me reste encore à
l'esprit. Cette première impression, c'est une impression bien
évidemment d'angoisse, avec tremblements, froid intense, et,
après avoir ressenti quelque brouillard au niveau de la vision,
une espèce d'impression de chute libre... mais c'est curieux,
quand on dit « chute libre », on a l'impression de tomber
vers le bas, non, là ce n'était pas ça, c'était
une chute libre vers l'au-delà ; et j'en avais parfaitement conscience.
Alors, à partir de là, j'ai commencé à
m'agite, on a fait sortir mes parents, et mon père seul est resté
à mon chevet. Les manifestations de ces signes absolument extraordinaires
se sont alors précisées ; en dehors du fait que j'avais
littéralement l'impression d'étouffer, d'être plongée
dans l'eau et de ne plus pouvoir respirer, j'avais le sentiment, l'impression
réelle de m'en aller, que le coeur lâchait et que je m'en
allais, une sensation de mort imminente, que l'on pourrait expliquer
par un phénomène d'angoisse, par des problèmes
de tension, etc., je n'en sais rien, je laisse aux médecins le
soin de juger.
Et puis, j'ai parcouru un chemin invraisemblable, j'ai continué
cette espèce de chute, et je me suis retrouvée tout d'un
coup dans un état de béatitude difficile à expliquer,
comme quelqu'un qui serait plongé dans l'eau et qui tout d'un
coup se sentirait extrêmement léger, bien, évidemment,
mais en même temps, qui pourrait respirer sous l'eau ; c'était
absolument extraordinaire; et j'avais l'impression d'un détachement
total de la scène qui se déroulait sous mes yeux. Parce
que, en fait, à partir de là, je me suis sentie un petit
peu étrangère à ce corps, que j'observais, euh,
à trois mètres au-dessus, c'est-à-dire comme si
j'étais au plafond de cette chambre ; et j'observais la scène
sans aucune manifestation émotive, complètement détachée,
j'avais l'impression d'une séparation de l'esprit et du corps.
J'étais libérée de ce corps et je trouvais cela
formidable. J'étais comme un cavalier tombé de son cheval,
un esprit uniquement, quelque chose capable de penser, voir, entendre.
Je raisonnais avec une grande logique, mais j'étais détachée
de toute émotion. Je n'avais plus du tout conscience du temps.
J'étais à la fois en bas et en haut, en fait partout à
la fois. Je traversais les murs.
J'avais un regard de spectateur sur la scène qui se déroulait,
mais qui m'avait l'air extrêmement tragique. Je voyais mon père,
après que le Dr E. lui eut expliqué que... les choses
se compliquaient pour moi, mon père qui faisait des efforts désespérés
parce que ma mère était rentrée dans la chambre.
Il n'y avait plus moyen de la tenir, ni de la calmer, je voyais mon
père lui expliquer que tout, tout allait très bien ; et
c'est à ce moment-là que j'ai le souvenir précis
: alors qu'il savait, puisque Mme E. lui avait dit que j'étais
tombée dans le coma, mon père a ouvert, pour rassurer
ma mère, un livre, c'était un Art et décoration,
et il tournait les pages en faisant comme si... Je lisais avec lui,
pour la rassurer; il a même été jusqu'à prendre
un verre d'eau, il y avait un peu de vin, un peu d'eau, et il a essayé
de me faire boire, évidemment ça a coulé partout.
Et je me disais : « Mais ça paraît complètement
invraisemblable, mais qu'est-ce qu'il est en train de faire ? Il est
en train de me faire boire, il y en a partout, et en fait je n'y suis
plus . » La scène me semblait ridicule, à la limite
elle devenait pratiquement comique pour moi, et je n'avais pas le sentiment
que l'on peut éprouver pour ses parents. En d'autres termes,
j'aurais pu penser : « Oui, mon père est inquiet »,
et là où j'aurais dû être terriblement affectée
par cette situation... à la limite je souriais.
Tous ces souvenirs sont précis. J'ai observé cette chambre
qui me semblait plutôt sale, avec des murs verts, mal repeints,
de ces chaises avec des, des... bouts de plastique déchirés,
avec une infirmière africaine qui était en tenue euh...
folklorique... Donc, je me sentais sous l'eau, très très
clairement, cette impression de flotter sous l'eau et de remonter à
la surface vers une espèce de lumière complètement
étrange et inconnue, je la retrouve chaque fois que je vois des
projections, à la télévision, d'immersions de ces
appareils sous-marins, que l'on remonte parmi ces bulles, et on revoit
cette lumière à la surface de l'eau. C'est un petit peu
cette lumière-là qui m'attirait, parce que, lorsque je
parle de chute, en fait c'est une espèce de remontée;
bon, et je me sentais très très bien, évidemment.
A partir de ce moment, je ne sais pour quelle raison, je me suis trouvée,
non plus dans la salle où se passait, où se déroulait
cette scène dramatique... en fait pour mes parents, j'imagine,
moi, en tant que mère, ce que ressentaient mes parents... donc,
je me suis retrouvée curieusement deux étages au-dessus,
j'avais envie de taper sur l'épaule de Mme E. en lui disant :
« Écoutez, en bas, il y a quelque chose qui se passe ».
Elle était en robe de chambre, je ne peux absolument pas vous
dire si c'était le matin ou le soir, niais elle était
en robe de chambre, elle avait des bigoudis sur la tête, et elle
retirait ses bigoudis avec une espèce de, de, d'urgence; elle
s'est précipitée et est redescendue... dans la chambre
où je me trouvais, parce que je me trouvais à la fois
là-haut, en bas, partout, dans toute la clinique, je me promenais
connue... voilà. Et là... elle a usé de son autorité
pour faire sortir mes parents, et il me semble, d'après les souvenirs
que j'ai, qu'elle a sorti une espèce d'aiguille qui m'a semblé
extrêmement longue et grande, et qu'elle a pratiqué une
piqûre intracardiaque.
Pendant longtemps, je n'ai pas parlé de cette chose à
mes parents, puisqu'il n'y avait pas de témoin. Mme E. était
seule à mon chevet. Elle a dit clairement à mon père
qu'il y avait eu arrêt cardiaque.
Le temps qui s'était écoulé, ça je ne pourrais
pas vous le dire - cela a peut-être duré dix minutes, un
quart d'heure, peut-être une heure. J'avais perdu la notion du
temps. La seule chose que je peux vous dire, c'est que, lorsqu'elle
a pratiqué cette piqûre, elle s'y est prise à deux
fois, et j'ai ressenti une douleur épouvantable, mais alors épouvantable,
je me débattais pour ne pas réintégrer ce corps
que je trouvais vraiment, comme un papier d'emballage, bon à
jeter.
Voilà, c'est ce que je peux vous dire, d'une façon très
spontanée, et très détachée, parce que je
vois ça un petit peu avec du recul, ces faits précis qui
me reviennent à propos de cette expérience vécue.
Voilà.
Après cette expérience j'ai eu l'impression d'être
une entité qui a passé un cap, qui a effectué une
sorte de stage, qui s'est ressourcée à une espèce
de système que certains appelleront Dieu. Je suis revenue avec
une vision de la vie totalement différente. On ne peut plus avoir
peur de la mort. On a un regard tout à fait particulier sur ses
contemporains, On revient de ce voyage avec un bagage rempli de dons
extraordinaires.
Une fois rétablie, j'ai raconté mon expérience
à mes parents et leur réaction a été très
négative, du genre : « C'est du délire,
tu as rêvé. » J'ai donc bloqué. Quelques années
plus tard, j'en ai reparlé avec un membre de ma famille, chirurgien,
pour lui demander s'il ne restait pas un peu au chevet du malade lorsqu'il
y avait, comme il avait usage de dire, « de la casse ».
Il a ri et sa réaction était somme toute logique. Il m'a
dit : « C'est très schizophrénique. »
J'ai donc fait un nouveau trait dessus. Je n'ai pu en reparler qu'avec
mon mari qui m'a semblé tout à fait intéressé
par cette expérience. Mais c'est quand une amie m'a apporté
La Source noire que je me suis déculpabilisée.
Mme H.M. avait vingt-huit ans lors de son expérience. Elle
est secrétaire médicale.
C'est arrivé le 23 juin 1954. Une fausse couche m'a déclenché
une hémorragie toute la nuit. J'étais effrayée,
je sentais que je perdais mon sang. Le matin, quand le médecin
est venu, je sentais que je partais, J'étais très consciente,
mais déjà détachée des choses affectives.
Je me rappelle, c'est moi qui ai dit au médecin, que je connaissais
bien : « Je crois qu'il faut m'emmener vite », sous-entendu
« il est temps, je suis près de mourir. » Déjà,
je n'avais plus très peur, alors que dans la nuit, au début...
J'avais alors un petit garçon de quatre ans, et j'ai dit: «
Surtout, il ne faut pas qu'il me voie partir dans cet état. »
J'ai donc demandé à une voisine de le prendre, de mettre
sa radio très fort pour qu'il ne me voie pas passer. On était
très mal logés à l'époque, et il a fallu
me descendre sur un brancard ; on m'a ficelée pour arriver à
me descendre debout dans l'escalier, c'était comme un escalier
de bateau. Et déjà, j'étais si mal que je m'évanouissais
; je revenais à moi et je m'évanouissais à nouveau.
On est arrivés dans la rue, on m'a mise dans l'ambulance, j'ai
juste entendu l'ambulancier dire à mon mari : « Allez chercher
beaucoup de serviettes de toilette mouillées, pour qu'on arrive
à la garder vivante jusqu'à l'hôpital ! »
Moi, je n'avais déjà plus peur de la mort.
A l'époque, mon mari était encore étudiant, on
avait la chance d'avoir un camarade qui était chef à la
maternité, on m'y a donc emmenée. Je n'avais plus aucun
regret de quitter mon mari, ni de mourir, ni de quitter mon enfant,
alors que j'étais, comme beaucoup de mères, très
attachée à mon petit. Je demandais même qu'on me
laisse, je me sentais très très bien, tout en étant
tout à fait consciente. On m'avait mis le tensiomètre,
j'ai demandé à l'infirmière combien j'avais, elle
m'a dit : « Cinq. » Je redemande quelque temps après
combien j'ai, elle me dit : « Quatre- » On m'a déshabillée,
et je leur disais : « Laissez-moi», je ne voulais pas qu'ils
me mettent la chemise de nuit de l'hôpital, parce qu'ils m'enlevaient
cet état où je me sentais si bien. Là, je voyais
tout. Et puis, à partir du moment où j'ai eu 4 de tension,
j'ai dû perdre conscience, je ne voyais plus les gens. C'est à
ce moment-là que je me suis sentie devenir extrêmement
légère, très très très légère,
et si je me suis envolée, je n'ai pas eu le sentiment, comme
racontent certaines personnes, de me voir sur le lit, mais je m'élevais...
Et je m'élevais dans un tunnel infini, qui était au centre
d'une extrême blancheur, dune luminosité inhumaine, pas
traduisible en termes humains - et très bleu de chaque côté.
Et je montais, montais, montais, comme si j'étais sur un tapis
d'ouate, je n'avais plus du tout de poids. J'étais légère,
j'étais très très bien. En fait, c'est tout ce
que je peux raconter... « Alors, combien de temps a duré
cette élévation, je ne peux le dire. Ce que je peux dire,
c'est que lorsque j'étais dans ce tunnel je ne voyais plus personne.
Je n'étais que sérénité, bien-être
et douceur. Je n'ai pas vu de personnage au bout du tunnel, c'était
l'infini. Les éléments les plus étranges étaient
le tunnel et la lumière. Une lumière générale,
pas précise... d'une très très grande intensité.
Comme si une pièce était illuminée par ses murs.
Il n'y avait pas de lampe, Cette luminosité venait de la matière
elle-même ! En particulier, le chemin blanc et bleu, de chaque
côté.
J'avais l'impression de pénétrer dans un autre monde.
J'étais une autre personnalité, dans le sens où
il n'y avait plus d'inquiétude. Donc, j'étais une autre
personnalité, puisque je quittais toutes les difficultés
humaines.
Là où j'étais, je n'avais plus du tout envie de
redescendre, puisque je n'avais plus peur de la mort et que je n'appartenais
plus à la vie.
On a dû me soigner, me faire des transfusions, et je suis revenue.
C'est là où ce fut très dur, parce que je me sentais
devenir lourde, comme du plomb, et que je ne voulais pas... C'était
très pénible. En reprenant cette lourdeur, qui était
très désagréable, je reprenais conscience. Et après
cette lourdeur, tous les sentiments humains me sont retombés
dessus. J'ai eu peur d'avoir risqué de mourir. A ce moment-là,
j'ai pensé à mon fils, à mon mari, et puis tout
m'est retombé dessus, comme ça. Ce n'était pas
agréable après ce que je venais de vivre. Je me suis réveillée
en pleurant, je pleurais, je pleurais, je pleurais, et j'étais
extrêmement sensible, j'avais du chagrin.
Je n'ai pas tellement de choses à raconter, contrairement à
beaucoup de témoignages que j'ai entendus...
Contrairement aussi à ce que j'ai entendu raconter, ça
n'a pas changé ma vie. Je sais que beaucoup n'ont plus peur de
la mort, ce n'est pas du tout mon cas. J'ai toujours aussi peur de la
mort. C'est une expérience ponctuelle, je n'ai pas assimilé
ce que j'ai vécu.
Je pense que toutes les morts ne se ressemblent pas. C'est vrai que
dans certains cas il y a des morts qui ont été très
bien. Une fois, à la télévision, j'ai entendu une
femme dire : « Je n'ai plus jamais peur de la mort ! » Là,
je trouve que c'est un petit peu facile et trompeur, car je ne crois
pas que cela soit vrai.
J'ai pensé en revanche que beaucoup de soldats sur le champ
de bataille... qui mouraient à force de perdre du sang devaient
finir comme ça. Moi, je me suis dit que je n'étais pas
morte, que j'étais... j'étais au seuil de la mort, mais
je n'ai pas passé le seuil ; peut-être que si j'avais passé
le seuil il y aurait eu un grand voile noir. Donc, je n'étais
pas morte. Pourtant je me souviens que, quand je sais revenue à
moi, il y avait des médecins, des infirmières. Quelque
temps après, une fille de salle essuyait des assiettes, et elle
me regardait...
Quand j'ai pu parler, je lui ai demandé: « Pourquoi venez-vous
me regarder tout le temps, comme ça ? » Elle m'a dit :
« Je n'ai jamais vu quelqu'un avoir autant l'air d'une morte revenir
à la vie. » Je devais donc vraiment avoir l'air d'une morte,
mais je ne l'étais pas. C'est un seuil, mais je ne pense pas
que j'étais morte. C'est comme ça que j'interprète
les choses...
Mme H. B. est une charmante dame d'environ soixante ans, qui aime
à partager son expérience et fait passer toute son émotion
revécue en la racontant. Elle nous a distribué, au président
et à moi-même, de petits poèmes, et je sais qu'elle
en donne également aux curés.
Il y a trente-neuf ans (c'était en 1950, le 29 août 1950),
j'habitais D., dans la gendarmerie. Mon mari était gendarme.
Dans la journée, je suis allée au marché, comme
d'habitude, et au retour je me suis sentie mal, j'ai eu comme un grand
coup de poing au ventre. Le docteur est arrivé à 5 heures.
Quand il a vu l'état dans lequel j'étais, il a dit au
planton de la gendarmerie : « Cette dame a tous les symptômes
d'une grossesse rompue. Je ne peux plus rien faire, il n'y a que le
chirurgien qui puisse la soulager, c'est très grave. »
Je ne suis arrivée à l'hôpital qu'à 8 heures
du soir. Quand le chirurgien m'a auscultée, il a dit : «
Elle est inopérable sans transfusion. On va attendre que les
transfusions se fassent. » J'avais perdu trop de sang, j'étais
comme froid ;, le sang a eu du mal à passer, je bouchais les
aiguilles. Finalement, vers 11 heures du soir, on m'a anesthésiée
et je suis partie vers la table d'opération.
Mais là, sur la table d'opération - il n'y avait pas
longtemps que j'étais endormie -, je me suis retrouvée
au plafond, au-dessus de mon corps, et je voyais tout ce qui se faisait,
j'entendais tout. J'ai même vu le scalpel qui faisait l'entaille
sur le ventre, j'avais le ventre tout bleu.
Je voyais partout, même à travers le chirurgien. On voit
tout. Je me demandais même si les pensées, on ne les entendait
pas. Parce qu'on ne sait plus, on se demande si c'est la parole que
l'on entend ou simplement les pensées des gens, de la télépathie.
Le docteur a dit : « Oh, elle devait souffrir, elle a un kyste
sur l'ovaire gauche qui est assez important, elle devait souffrir, cette
gamine. » Il m'appelait la gamine car je pesais 37 kg. Et puis,
au bout d'un moment, le docteur a dit : « La jeune mariée,
elle s'en va, son coeur s'arrête. » Alors, le chirurgien,
qui était très occupé, a dit : « Je m'excuse,
mais je ne peux pas interrompre mon travail. » Il a continué,
et c'est à ce moment que je me suis sentie partir. Je me suis
sentie partir les pieds en avant. Et je me suis rappelé mon grand-père
qui disait, quand il était en colère après quelqu'un,
pour se défouler : « Tu t'en iras les pieds devant, tu
t'en iras les pieds devant, comme les autres ! » [Elle chantonne
cette phrase.] Alors je me suis retrouvée dans un tunnel. Mais
je n'étais jamais seule, il y avait du monde autour de moi, et
on m'encourageait. On m'encourageait presque... j'étais un peu
comme euh... comme dans un ascenseur, mais en même temps comme
le maillot jaune du Tour de France, qui passe et qu'on acclame. Et j'entendais
de la musique dans ce tunnel, une musique un peu comme les baleines
qui chantent en mer, une musique douce comme ça... Et puis est
venue une musique plus belle. J'ai aperçu la lumière blanche
qui arrivait. Soi-même, on ne se voit pas, mais je voyais des
boules lumineuses, blanches, un blanc un peu phosphorescent, un rayon
brillanté... Quand je me suis retrouvée devant cette lumière
blanche, j'ai vu défiler mon passé, ma courte vie, j'ai
vu la colère que j'ai eue, à l'âge de cinq ans,
quand je suis rentrée à l'orphelinat, et que j'ai crié
« Ma robe rouge ! », parce que ma mère m'avait fait
une robe rouge en laine avec un fil de soie et qu'à l'orphelinat
on ne mettait pas de rouge. Alors on me l'a arrachée, je sentais
que cette robe rouge, je ne la reverrais jamais et je hurlais «
Ma robe rouge ! Ma robe rouge ! » Trois personnes étaient
après moi pour me l'arracher, je donnais des coups de pied, je
me roulais au sol de colère. Et j'ai vu cette autre scène
à sept ou huit ans, quand on m'avait traitée d'orpheline,
et que je ne savais pas ce que cela voulait dire. J'ai jeté un
jouet à la tête d'un enfant que j'ai failli blesser, et
c'est pourquoi, longtemps, j'ai eu le regret d'avoir fait mal inconsciemment.
Depuis, je ne crois pas que quelqu'un puisse se plaindre que je lui
aie fait du mal.
J'ai trouvé que c'était très beau ; on n'est pas
jugé. On comprend qu'on a un but sur terre ; qu'on doit aimer
; qu'on doit construire. Et alors, au bout d'un certain temps, je me
suis trouvée devant mon père. J'ai atterri dans un bal,
un concert champêtre, et mon père était devant moi.
Mon père, j'avais trois ans quand il est décédé,
je n'avais aucun souvenir de lui. Pourtant, j'ai su que c'était
mon père, et je me suis trouvé une présence d'esprit
incroyable, je lui ai dit : « Tu vois, papa, je suis morte comme
toi à vingt-six ans », et il m'a répondu : «
Non, ma fille, c'est un court entracte, tu retournes sur terre, tu n'as
pas accompli ta mission. Alors, il m'a dit : « Qu'as-tu regretté
sur terre ? » Je dis :
« J'aurais voulu être maman pour avoir quelqu'un à
aimer parce que je suis seule sur terre, que je n'ai pas de famille.
» Alors il m'a dit : « Tu recommenceras cette expérience,
ça sera encore dur, je te préviens, mais tu la réussiras.
» Alors, à ce moment-là, il m'a repoussée
; j'ai demandé à voir ma mère mais je ne l'ai pas
vue. J'ai compris qu'elle devait jouer du piano, ou du violon dans l'orchestre.
Quand il m'a repoussée, je me suis vite retrouvée dans
mon corps. J'ai aperçu les agrafes sur ma couture, et j'ai senti
une piqûre. Le docteur a dit : « Oh, c'est gentil, on la
sauve et, pour nous remercier, elle fait la grimace. » Le lendemain,
j'ai revu le chirurgien, et on a discuté. J'ai raconté
mon opération. Moi qui étais timide, je lui ai demandé
de me donner le détail de mon opération par écrit,
et il me l'a promis. Il a tenu sa promesse. J'ai, en détail,
tous les stades de mon opération, et il m'a même donné
l'original de l'ordonnance du médecin qui m'avait envoyée.
J'ai trouvé ça formidable, et j'ai toujours gardé
ce papier, me disant que c'était une preuve, que je n'ai pas
rêvé, et que c'est vraiment une chose exceptionnelle.
Alors, moi, je trouve que le départ de la terre se fait dans
la joie, contrairement à la naissance, qui se fait en pleurant.
Et on a autant d'aides et de guides pour nous surveiller, nous conseiller.
Les guides, ce sont les gens qui se trouvent autour de vous, comme à
la naissance vous avez une sage-femme, des parents qui vous attendent.
Là, c'est pareil. Vous avez quelqu'un qui vous aide et qui vous
guide, qui vous fait suivre le chemin qu'on doit prendre, et on se sent
monter, porté, aimé même, beaucoup plus qu'à
la naissance. A la naissance, on est tout petit, on est perdu, on a
absolument besoin des autres, mais, là, on garde sa conscience,
et une conscience avec une lucidité incroyable. Vous voyez, je
me rappelle, tout au long de ce parcours, je voyais ma famille, je voyais
mon grand-père, je l'ai pourtant connu très peu, puisque
j'ai été élevée à l'orphelinat, dix
ans à l'orphelinat de Fontainebleau, et puis j'ai travaillé
neuf ans chez des gens. J'étais placée, et ensuite j'ai
été mariée trente ans avec un gendarme. Il est
décédé. Toute ma vie a été très
dure. J'ai un fils, qui a trente-cinq ans, et qui est professeur. J'ai
réussi ma mission. Maintenant, j'aide les autres, les personnes
âgées, les dépressifs. Je trouve beaucoup de joie
à vivre, je danse, je chante, je fais partie d'une chorale, je
fais des concerts. On prépare le Requiem de Mozart. C'est très
beau.
J'ai entrevu le ciel, et c'est splendide. Pour vous expliquer, j'ai
vu des parterres de fleurs comme un arc-en-ciel, des couleurs dégradées,
des couleurs qui miroitent qui bougent. Figurez-vous qu'en 1980 j'ai
été à une fête, et j'ai eu cette vision du
monde et avec ces couleurs. Vous savez, avec le soleil, le marbre et
les couleurs qui miroitent... Vous regardez d'un côté et
vous voyez du rosé, d'un autre et vous voyez bleuté, ou
verdâtre ; les couleurs bougent, et c'est un peu comme ça.
Une autre fois, à la mer, à l'île d'Oléron,
j'ai ressenti cette douceur de temps, parce que tous les sens sont pris,
pris vraiment. Les plus grands plaisirs sur terre paraissent fades à
côté de ce qu'on entrevoit. C'est incroyable. La douceur,
la gentillesse. Les gens sont heureux, ils vous accueillent. Et moi,
je suis sûre que tout le monde va au ciel, mais au palier de ses
affinités. Et l'être, je suis certaine que celui qui fait
défiler le film de votre vie, eh bien c'est saint Michel. En
souvenir de lui, j'ai appelé mon fils Michel.
Je n'ai j jamais eu peur. Je me disais : « Ben, ma vie est finie,
comme mon père, quoi. Et j'ai assez souffert, et j'ai fini. »
Et là, maintenant, je n'en ai pas peur ; mais je reconnais qu'on
ne peut pas faire avancer l'heure de sa mort, c'est comme si on perdait
une amie. Une vie, comme une classe, si c'est un échec, il faut
tout recommencer. Alors, on n'a pas intérêt à raccourcir.
Par contre, je suis prête à n'importe quelle minute à
recommencer cette expérience. Parce que c'est vraiment beau,
et ça peut aider les gens à ne pas avoir peur de la mort.
J'ai essayé de le dire à plusieurs personnes. Il n'y en
a eu qu'une seule qui m'a crue tout de suite ; une dame de Bruxelles,
qui m'envoie des livres. On a gardé une grande amitié,
elle m'a dit que cela avait changé sa vie, c'est pour ça
que je veux en faire profiter les autres. Mais tout le monde n'est pas
prêt à entendre ni à croire. Hier, encore, une aime
m'a dit : « On a été en promenade avec la ville,
avec les amis de la Cité, on a entendu parler de ce film *
et les gens rigolaient ! C'est pas possible » Chacun est libre
de croire ou de ne pas croire. Mais si ça peut donner confiance
aux gens...
* L'Expérience interdite.
Moi, je suis une simple. Et pourtant, là, il n'y avait pas besoin
de m'expliquer. On comprend tout, on voit tout. On comprend que la vie
a un sens et que tout est inscrit, le bien, le mal. Mais qu'on ne vous
juge pas. On peut tout savoir sans rien comprendre. Et ne rien savoir
et tout comprendre. Comme l'amour.
La lumière, c'est sûrement... ça doit être
son soi intérieur, c'est l'esprit. Certaines personnes disent
que c'est Dieu et le Maître de l'univers. J'ai été
élevée à l'orphelinat par des soeurs de Saint-Vincent-de-Paul,
mais je ne pratique pas. J'ai une certaine croyance. Je crois au grand
architecte, le grand maître de la nature. Je ne pratique pas la
religion, mais je pratique la religion de charité, ne jamais
faire de mal à mon prochain. Je ne vais pas à l'église,
mais je vais voir les gens. Quand j'ai des poèmes, je vais en
distribuer aux curés, j'aide mon prochain ; même mon ennemi
je ne lui veux pas de mal, je le plains.
Si tous ceux qui sont méchants avaient cette expérience,
ça les rachèterait, et ils n'auraient plus envie d'être
méchants, parce qu'on sait que tout se paie un jour ou l'autre.
On a le retour du bâton, quand on a fait du mal. C'est pour ça,
je fais des vers, des poèmes, alors que je n'ai jamais été
à l'école. Vous voyez, j'ai Victor Hugo au-dessus de moi,
c'est mon père spirituel, mon grand-père plutôt,
j'ai l'impression que c'est lui qui m'inspire. J'aide les gens qui sont
ennuyés, ils me téléphonent. J'ai fait vingt ans
à la Croix-Rouge, à la protection civile, mais toujours
bénévolement. Et, ma foi, j'y trouve beaucoup de réconfort.
Je n'ai pas pu en parler avant très longtemps. J'ai perdu mon
père quand j'avais trois ans, il était bijoutier-horloger,
et moi, on m'a mise à l'orphelinat et on a fait enfermer ma mère
chez les fous, à Maison-Blanche. Alors, ce n'était pas
le moment que je parle de ça. Mon mari voulait déjà
me faire enfermer parce qu'il trouvait que j'avais passé par-dessus
la mort. Il m'appelait Trompe-la-mort. Ce n'était pas le moment
d'en parler. J'ai gardé ça pour moi trente ans, sans rien
dire à personne.
Je suis très heureuse d'avoir réussi un fils. Moi qui
ne suis pas allée à l'école, qui ai appris à
lire à dix-huit ans, par correspondance, avec l'école
universelle, j'ai un fils qui est professeur de grec-latin et qui enseigne
aux Allemands, à Salzbrück. C'est une grande satisfaction.
Je ne regrette pas tout le mal que je me suis donné.
Alors voilà, en gros, ce que j'avais à vous dire.
Mme C. F. est secrétaire de direction, actuellement en préretraite.
Cette expérience est survenue il y a trente-six ans, mais elle
en avait déjà eu une étant enfant.
Cela remonte assez loin : 1956, exactement le 9 novembre. J'attendais
un troisième enfant, ça s'est très mal passé.
Au bout du quatrième mois, je l'ai perdu. Mais avant, les difficultés
ont duré un mois, j'étais dans un état tout à
fait désespéré. Quand je suis partie à l'hôpital,
j'étais presque mourante. Si bien que même les voisins
s'attendaient à ne plus me revoir.
Au moment où on m'a mise sur la table d'opération, à
l'instant même où on m'a endormie, j'ai fait donc, comme
on dit, une décorporation. J'ai soudain senti que j'étais
projetée avec une certaine force hors de mon corps, et je me
suis retrouvée à la hauteur du plafond, comme si le plafond
m'arrêtait provisoirement. Et là, j'ai vu tout ce qui se
passait en bas. J'ai vu le personnel médical qui s'activait autour
de moi. Je me voyais là. J'étais étonnée.
Je ne comprenais pas, puis, tout d'un coup, j'ai dit : « Mais,
qu'est-ce qui m'arrive ? C'est pas vrai... je meurs ou quoi ? Qu'est-ce
qui m'arrive ? » Et puis... je me suis sentie encore... projetée
plus haut encore... plus loin encore... dans le coin de cette pièce
qui, soudain, me semblait grande, énorme, et puis ça été
le noir. Je ne voyais plus rien, je me sentais projetée à
toute vitesse, à une vitesse vertigineuse, avec des bruits...
des bruits très intenses; je ne peux pas dire que c'était
de la musique, c'étaient des sifflements, un bruit de cloche...
Enfin c'était très impressionnant.
Puis tout d'un coup je suis arrivée vers une lumière,
intense, merveilleuse ; je me suis sentie bien, j'étais heureuse.
J'étais comme baignée dans cette lumière, qui ne
me faisait pas mal... Je sentais encore la forme de mon corps, pas comme
on pourrait croire, une âme, non, je me sentais encore entière.
Cela a duré un certain temps, qu'on ne peut pas... que je ne
peux pas évaluer. Et puis, je me suis retrouvée dans mon
lit d'hôpital, à l'état de réveil, avec toutes
sortes de moniteurs, des tas de choses pour me réanimer et avec
une personne à mon chevet.
Sur le moment, je n'ai pas parlé de ça, je ne sais pas
bien l'exprimer, c'est en raccourci, il me semble que ça a duré
beaucoup, de par l'intensité. Ce n'est pas une question de temps,
c'est une question de force, de sensation. Et puis, je suis restée
dans cette chambre pendant quarante-huit heures. Ensuite on m'a mise
dans une petite salle avec six autres personnes, et c'est là
que j'ai appris que j'avais fait une mort apparente. C'est bien plus
tard, il y a une dizaine d'années, que j'ai lu le premier livre
du docteur Moody qui parlait de ça, et tout d'un coup ça
été une révélation. J'ai dit: « Mais
c'est tout à fait ça !»
Donc j'ai pu faire un rapprochement. Puis, en y réfléchissant
bien, je me suis rendue compte que ce n'était pas la première
fois que j'avais vécu ça. Dans mon enfance aussi. Enfant,
j'étais extrêmement maladive. Je suis née dans des
conditions très spéciales, à peine viable, même
pas le kilo, il y a soixante ans, vous pensez, pas de couveuse, rien
de tout ça ! On m'a laissée pour mourante à ma
naissance. On s'occupait surtout de ma mère, mais l'enfant, on
s'en fichait, à cette époque-là. J'ai donc survécu
un peu miraculeusement, si ou peut dire. Mais après ça,
j'ai eu une enfance extrêmement difficile, forcément, avec
un démarrage pareil ! Je faisais fréquemment des évanouissements,
pour un rien ! D'ailleurs, j'ai une cicatrice là, qui en est
la conséquence. Très probablement j'ai dû faire
un arrêt cardiaque qui a dû passer inaperçu dans
mon entourage. Parce que je me souviens de quelque chose. Je me souviens
d'être tombée dans un trou noir, un tunnel, avec au bout,
aussi, cette... cette impression de paysage, c'était vraiment
un paysage. Je voyais des choses, très en couleurs... une sorte
de village magnifique où, là aussi, je me suis sentie
heureuse comme tout, je devais avoir dans les six-sept ans... Je suis
presque persuadée que c'est ça, parce que, après
je ne cessais plus de me regarder dans la glace pour voir s'il allait
me pousser des ailes. Je voulais avoir des ailes, pour revoler, parce
qu'il m'avait semblé que j'avais volé. Forcément,
quand on est enfant, on fait des rapprochements un peu spéciaux...
Alors je regardais et je me disais : « Mais bon sang ! il ne me
pousse pas d'ailes, comment ça se fait ! » Puis après
j'ai oublié ça. Mais ça m'est resté gravé
dans la mémoire.
C'est à la suite de cette expérience que je me suis un
petit peu transformée. En place de l'insouciance qu'on peut avoir
quand on est jeune, j'ai pris la vie tout à fait au sérieux.
J'ai voulu m'instruire : j'ai commencé à m'intéresser
à des choses comme la psychologie, la parapsychologie, des choses
comme ça. J'ai eu une soif de savoir, de connaître, d'étudier,
je m'y suis mise à chaque instant que j'avais de disponible.
Pourtant j'ai fait une autre expérience, mais qui, elle, n'a
pas laissé de traces. En 1978, j'ai été confrontée
à des problèmes extrêmement graves, qui m'ont portée
au suicide. Donc, j'ai fait une tentative de suicide, très sérieusement.
Je veux dire par là que j'avais la volonté absolue de
mourir, mais pas de retrouver l'expérience, puisque, à
ce moment-là, je n'avais pas encore fait le rapprochement. Je
suis restée quatre jours dans le coma, mais je n'ai pas retrouvé
l'expérience que j'avais vécue en 1956. Quand je suis
revenue à moi, forcément dans des circonstances très
pénibles, j'ai retrouvé tous mes problèmes. Ce
n'est pas parce que j'avais voulu mourir qu'ils s'étaient estompés
entre-temps. Pourtant je me suis sentie le courage, la volonté
d'en sortir, ça m'a aidée. Je suis persuadée que
la chose, même escamotée, m'a laissé quelque chose
de positif. Maintenant, je sais que je ne ferai plus ça, jamais.
Jamais je ne recommencerai. Depuis ce moment-là, j'ai trouvé
du courage pour résister à tous les malheurs qui m'arrivaient,
et je m'en suis sortie, peu à peu, en 78-79, et maintenant totalement.
Entre-temps, j'ai trouvé encore plus de ténacité
pour recommencer des études.
On peut dire que, finalement, tout ça a été bien
pour moi. Je ne suis plus la même femme, je ne vois plus la vie
comme avant, je me sens la volonté d'aider les autres, surtout
de les rassurer, de leur dire : « Faut pas avoir peur de la mort.
» C'est pour ça que je suis attirée vers les vieilles
personnes, pour les aider. Non pour leur en parler, parce que souvent
elles ont peur ; mais je glisse une petite phrase par-ci, un comportement
par-là, ça les aide. Je sens que c'est utile. Comme par
exemple pour ma mère qui a quatre-vingts ans maintenant. La dernière
fois, je lui ai dit : « Tu vois, il ne faut pas avoir peur de
ça, parce que moi qui fais des études dans ce domaine-là,
je t'assure que tu peux avoir confiance. » Je m'occupe d'une autre
personne, qui a quatre-vingt-huit ans, ça veut dire que c'est
pour bientôt, je m'arrange pour être rassurante, pour l'aider,
sans en parler ouvertement. Quand je sens qu'elle est à l'écoute,
j'en profite, il y a toujours moyen de parler de ça. sans que
ce soit dur ou brutal.
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