Recherches sur les expériences vécues aux approches
de la mort (NDE)
Quatrième partie
NDE et psychanalyse :
appel à la verticalité
1.
TENTATIVE D'IDENTIFICATION D'UNE EXPÉRIENCE NON ORDINAIRE
Approche structurale et différentielle des Expériences
de mort imminente
Pascal LE MALEFAN
PSYCHOLOGUE
" L'entrée dans le monde des signifiants[...], c'est
très certainement ce que Freud nous apporte sous le terme
d'instinct de mort, c'est cette limite du signifié qui n'est
jamais atteinte par aucun être vivant [...], sauf cas exceptionnel,
mythique probablement. "
Jacques Lacan
(La relation d'objet, Séminaire 1956-1957)
A la lecture des récits d'EMI 1
recueillis par IANDS-France, de nombreuses questions apparaissent au
clinicien. Clinicien moi-même, je voudrais avancer quelques réponses,
de façon encore très générale, quelque peu
théorique, voire dogmatique. Mais lancer quelques pistes de réflexion
en suscitant le débat me paraît l'une des premières
choses à proposer,
L'EMI se présente avant tout, dès ses premiers éléments,
comme une rupture, une séparation. C'est pourquoi je suis d'accord
avec Kenneth Ring (Ring, 1982, p. 247 sq.) pour dire que l'EMI est une
expérience d'extra-corporéité prolongée.
Mais je donnerai à cette expression le sens suivant : en dehors
d'un vécu de décorporation, l'expérience est extra-corporelle,
car elle reçoit de la part du sujet un statut d'expérience
non ordinaire - et est perçue comme telle - se caractérisant
par une différence radicale dans les représentations et
les sensations fonctionnant jusqu'alors dans le rapport à la
réalité.
Il est important de souligner que cette expérience est à
différencier des épisodes pathologiques apparemment similaires.
Nous pouvons ainsi définir certaines de ses caractéristiques
qui, assemblées à quelques autres, pourraient former une
première ébauche de son unité structurale. Nous
distinguerons donc d'abord les caractéristiques différentielles
que sont la certitude du vécu, l'unité du sujet et sa
rationalité. Cela nous conduira à nous interroger sur
le « cogito » de l'EMI.
Quel cogito pour l'EMI ?
Certitude, lien et rationalité
A l'écoute des récits, il se dégage tout de suite
un trait essentiel : la certitude que tout ce qui s'est passé
concerne le sujet qui parle. J'appellerai cet aspect le point de certitude
de l'expérience d'imminence de la mort. Cette certitude se rencontre
en particulier dans les EMI avec décorporation. La personne qui
raconte ce genre de récit précise bien en effet que le
corps vu à distance était le sien et qu'elle avait la
certitude, à ce moment, que le regard voyant la scène
était également le sien. Certitude inébranlable
qui persiste longtemps après l'expérience et ne semble
pas devoir être critiquée.
Ce sont en revanche les représentations de l'image du corps,
ainsi qu'une perception du schéma corporel, qui diffèrent,
comme le laissent à penser les sensations de paix et l'absence
de douleur souvent retrouvées. De plus, nous le verrons plus
loin, cette rupture dans la représentation est certainement la
condition d'un remaniement identificatoire. Donc, il s'agit bien en
somme d'un « autre corps » entrant en jeu au moment où
s'inaugure l'EMI.
Or, les personnes qui relatent leur expérience ont fortement
la certitude qu'elles sont toujours les sujets des perceptions et des
sensations vécues lors de celle-ci. En d'autres termes, elles
n'ont pas l'impression d'avoir vécu une expérience d'étrangeté
qui leur reste extérieure, ni qu'elles ont fait un rêve.
Il existe au contraire un lien entre le sujet et son expérience,
lien d'ailleurs concrétisé dans les EMI avec décorporation,
puisque, comme je viens de le préciser, il apparaît qu'il
n'y a pas de dédoublement avec clivage et scission, mais plutôt
dépliement du moi. Lien aussi du seul fait que tout sujet racontant
son expérience la considère syntone avec lui-même.
En somme, on pourrait dire que ce qui fait lien est un point de rationalité
de l'expérience, autre caractéristique de celle-ci. Voilà
sans doute ce qui la différencie d'une expérience de déréalisation
; sa présence est donc importante pour juger de ses suites chez
un sujet. C'est pourquoi la certitude soulignée ci-dessus ne
peut être l'équivalent de la certitude paranoïaque,
par exemple, car c'est bien le poids de la rationalité dans l'apparente
irrationalité de l'EMI qui permet de maintenir le sujet en deçà
du délire, du dérèglement et de l'angoisse.
Ainsi, on est en droit de rapprocher l'EMI des états modifiés
de conscience (ou EMC) tels que G. Lapassade les a présentés.
Selon lui, il y a une unité structurelle des EMC, dans la mesure
où l'on retrouve, dans le rêve lucide, la décorporation
ou la transe hypnagogique, un « veilleur » - trait fondamental
- qui surveille et limite le dérèglement. Autrement dit,
il existe une unité du sujet dans ces expériences, car
l'Autre et le Je ne font qu'un et sont reliés entre eux.
Cependant, il reste à savoir si l'EMI peut supporter une assimilation
pure et simple aux EMC. En reformulant la question et en suivant encore
Lapassade, on doit plutôt se demander ce qui ferait, au sein de
ce groupe, sa spécificité, son identité. En d'autres
termes, y a-t-il un cogito de l'EMI formulable, comme Lapassade a pu
l'énoncer pour l'état de transe ? Sans doute. Mais encore
faut-il se mettre d'accord sur les séquences narratives et constitutives
de l'EMI 2.
Perception de mort imminente
Nous avons vu jusqu'à présent deux points : la certitude
et le lien, qui ne sont en définitive qu'un seul et même
point. Ce n'est évidemment pas suffisant pour caractériser
l'EMI, même si ces aspects sont fondamentaux. Car il en est un
autre, qui n'est pas moins fondamental, et que je considère pour
ma part comme la pierre angulaire de l'expérience, lui donnant
sa particularité et son originalité : c'est la perception
d'une mort imminente ou d'un état de mort. J'ajouterai tout de
suite, en anticipant, perception consciente ou inconsciente d'une mort
imminente ou d'un état de mort.
On sait que ce point est crucial et fort débattu dans les différents
textes qui traitent de la question.
Aussi ai-je bien peur de n'ajouter qu'un point de vue de plus, auquel
ou se ralliera ou non. En fait, j'ai le sentiment que les différences
d'interprétation à ce sujet recouvrent des positions idéologiques.
Il n'est donc pas étonnant que ce soit l'interprétation
psychanalytique de l'EMI que, du même coup, l'on récuse.
Telles sont les positions de Ring et de Sabom lorsqu'ils critiquent
les travaux de Noyes et Kletti. Grosso modo, ils rejettent l'hypothèse
que l'EMI soit une défense inconsciente devant l'anéantissement,
et que la perception consciente d'une mort imminente soit l'élément
déclenchant de l'expérience.
Mais il apparaît tout à fait clairement que le fondement
de ces critiques est faussé, tant les auteurs n'ont pas la même
définition des opérations en jeu ou, ce qui revient au
même, tant ils font une utilisation trop sommaire de catégories
bien précises.
J'en donnerai pour preuve, en premier lieu, le terme de perception.
Car c'est bien en fonction de celle-ci qu'une ligne de partage s'instaure.
D'une part, donc, Noyes et Kletti affirment qu'il faut que la conscience
d'un danger vital soit présente pour qu'une dépersonnalisation
apparaisse (1976) ; de l'autre, Sabom, en particulier (1983), donne
des exemples où des dépersonnalisations ont eu lieu en
l'absence de perception consciente d'un danger vital. Kenneth Ring,
lui, aborde la question avec nuance et perspicacité. Il fait
remarquer (1982, p. 94) que, si la perception de l'agonie ou de la mort
est bien une composante de l'expérience du substrat, du fait
que 92 de ses cas se sont perçus à l'agonie ou morts,
il est indéniable que cette « perception » reste
avant tout une interprétation par l'individu de signes dont les
plus suggestifs, selon lui, sont l'arrêt des sensations corporelles
et l'apparition d'une impression de paix et de bien-être lui confirmant
qu'il est proche de la mort, ou mort. Toutefois, Ring ne précise
pas par quels détours cette impression surgit. S'agit-il d'une
information inconsciente, par exemple ? En fait, toute sa méthodologie
d'enquête l'empêche d'explorer cette voie plus avant. Pourquoi
? Tout simplement parce qu'il a recueilli de l'extérieur, pourrait-on
dire, ses données, et ce à partir d'un schéma préétabli.
Par exemple, dans ses travaux sur l'impression ou la perception de mourir,
les enquêtes ont été sélectionnées
(1982, p. 25) selon certains critères : qu'ils soient les «
survivants » d'une agonie mesurée (sur dossier), à
partir d'une grille d'évaluation préétablie, et
non à partir de la conviction personnelle (justifiée ou
non) d'avoir été en mort imminente 3.
Dès lors, il n'est pas étonnant que Ring conclue : «
La corrélation des estimations de l'agonie avec la profondeur
des expériences d'agonie n'est ni très étroite
ni très significative » (1982, p. 117), « exception
faite [précise-t-il] des femmes victimes de maladies ».
Détail intéressant, qui aurait pu l'alerter... De même,
il n'est pas surprenant, toujours en raison de sa méthodologie
de recueil des données, qu'il considère que « l'expérience
du mourir [---] est en grande partie indépendante des causes
qui la déterminent » et que « l'expérience
du substrat [est] un phénomène qui se produit indépendamment
[c'est moi qui souligne] de facteurs réactionnels, personnels
et démographiques » ( 1982, p, 147).
Je le répète, ses conclusions auraient été
tout autres s'il était parti, non pas d'une estimation objective
de l'agonie, mais d'une estimation subjective de celle-ci ; ce critère
me semble déterminant. A sa décharge, ou à son
crédit, on peut noter qu'il pondère en même temps
les assertions ci-dessus - notamment en évoquant les relations
possibles entre les antécédents de l'individu et l'apparition
de l'expérience du substrat. Mais il laisse la question ouverte,
et l'on sent qu'il ne désire pas s'engager dans cette voie. En
fait, à mon sens, il se refuse à interpréter l'EMI
à partir d'un schéma psychanalytique finaliste ou fonctionnaliste
; en d'autres ternies, il semble refuser la notion même d'inconscient
freudien. Or, cette position me paraît construire un mythe de
l'expérience du substrat, que l'on peut d'ailleurs voir déjà
fonctionner, revenant à en faire un phénomène isolé,
sans relation ni corrélation, échappant à tout
projet d'étude fondé sur les sciences humaines. En bref,
un objet mythique placé au-delà du paradigme ambiant et
qui peut dès lors devenir l'enjeu de toutes les idéologies.
Il m'apparaît beaucoup plus judicieux de considérer l'EMI
comme un événement de vie où s'actualise un fantasme
dont l'apparition ou le surgissement ponctue la trajectoire du sujet,
à un moment précis de l'existence, en fonction de son
histoire et, en particulier, de sa position fantasmatique quant à
la mort. D'autre part, ce fantasme que permet de dévoiler l'EMI
est déclenché justement par l'impression de mourir, en
dehors même d'un réel danger vital 4.
Quelques éléments ou indices dans le texte de Ring montrent
qu'il avait pressenti cette sorte d'évidence. A la fin du deuxième
chapitre de son livre, il étudie en effet un poème envoyé
par une femme qui a vécu une EMI et qui tente de traduire méthodiquement,
poétiquement, celle-ci. Ring souligne que les figures du discours
employées dans ce poème expriment tout à fait les
différents sentiments et nuances rencontrés dans les récits
d'EMI 5.
En d'autres termes, il établit une équivalence entre
ces deux modes d'expression, non pas tant du point de vue du concret
qui correspondrait à des items cotables, rendant compte de la
profondeur ou de la qualité de l'expérience, mais en fonction
de leur capacité à imaginer ce qui s'y joue. Or l'impression
subjective d'être mort, comme le laisse entendre Ring lui-même,
lorsqu'il écrit qu'il faut bien souvent traduire les éléments
d'un récit d'EMI, peut aussi se détecter sous une figure
rhétorique. En effet, sa présence déclenche un
registre de métaphores ou de symboles, un sens général.
Bref, il faut quelquefois rechercher l'allégorique plus que le
factuel.
Notre littérature occidentale, en particulier la littérature
française du XVIe siècle, en a donné
l'exemple le plus complet (voir Mathieu-Castellani, 1988). De même,
les représentations de la mort dans l'inconscient demandent une
traduction, une glose, et d'ailleurs ce n'est pas parce qu'un rêveur
rêve de mort qu'il en est forcément question (voir Freud,
1967).
On pourrait également évoquer ici la perception de la
mort chez l'enfant. Je pense, en l'occurrence, aux travaux de la psychanalyste
Ginette Raimbault (1976) et aux conceptions de la psychologie génétique
sur l'acquisition de la notion de la mort. Pour G. Raimbault, ce phénomène
est progressif chez l'enfant. Sur le plan intellectuel, il se signale
notamment par l'acquisition de la notion d'irréversibilité,
et, sur le plan affectif, par une angoisse de perte. Par ailleurs, l'observation
du psychanalyste montre que la mort est symbolisée d'abord par
une disparition et qu'elle est appréhendée comme perte
de la continuité d'exister, et cela même si l'idée
consciente de la mort n'est pas encore forgée.
En somme, il existe un savoir sur la mort, toujours présent,
qui trouve à s'actualiser, dans des conditions particulières,
par métaphores ou symboles. C'est le cas lorsqu'un sujet est
le siège de processus morbides, car ceux-ci ne manquent jamais
de se signaler. Cela apparaît aussi au début d'une EMI
où les sensations de paix et l'absence de douleur sont à
la fois la marque d'une extra-corporéité et les éléments
qui « informent » et suggèrent à l'individu
son état d'agonie.
Sans conclure sur ce point, je réaffirmerai donc que la «
perception » de la mort me semble un des éléments
nodaux de l'expérience, dans la mesure où sa présence
déclenche sans doute celle-ci, car elle confronte soudainement
le sujet à la possibilité de sa propre fin.
Départ et retour
Pourtant ce dernier point ne suffit pas encore à caractériser
complètement l'EMI : elle comporte deux autres pôles indissociables
et complémentaires : le départ et le retour. En quelque
sorte, on ne pourra parler d'EMI que s'il existe des éléments
signifiant l'entrée d'un sujet dans l'agonie, ou ce qui en tient
lieu, et son retour. C'est en ce sens d'ailleurs que l'EMI est un fantasme
de rappel, structuré de la même façon qu'une expérience
de mort/renaissance. De plus, on peut noter que c'est plutôt un
« on » qui impose au sujet de revenir : être de lumière,
parent décédé, souvenirs des vivants qu'on a laissés,
etc.
Je terminerai donc en répondant à la question laissée
en suspens tout à l'heure, à savoir : existe-t-il un cogito
de l'EMI ? Si l'on considère pour fondamentaux les trois points
suivants : la certitude que l'expérience concerne l'individu
et le lien que cela implique, la perception de l'agonie ou de l'état
de mort, et les deux pôles du départ et du retour, on peut
proposer la formulation suivante du cogito : « Je me sais en train
de mourir et je vis un trépas merveilleux, mais on me dit de
revenir (ou je sais que je dois revenir). »
En fait, on pourrait détailler les choses d'une autre manière,
afin de rendre compte de l'expérience avec plus de finesse. Cela
donnerait plusieurs moments :
Moment inaugural : « Je sais que je vais mourir. » Décorporation
(s'il y en a une) : « Je me sais mort ; je me vois mort. »
Phase transcendante : « Je vis merveilleusement ma mort. »
Rappel et retour : « On me dit que je dois encore vivre »
ou : « Je sais que je dois encore vivre. »
Souvenir/transformation : «Je sais que j'ai été
mort et je ne peux plus être comme avant. » Je propose de
considérer ces cinq formulations comme les unités structurales
de base de l'EMI, Bien entendu, il peut y en avoir d'autres.
Quels leviers pour une transformation à long terme ?
Il y aurait encore beaucoup à dire sur les témoignages
recueillis. D'autres le feront. Cependant, deux choses me paraissent
importantes à souligner. L'une est de s'interroger sur la capacité
de transformation de l'individu ou de la personnalité développée
par l'expérience. L'autre, plus clinique, est la parenté
qu'elle petit avoir avec des expériences assez proches et, en
particulier, avec la névrose traumatique.
Un remaniement identificatoire
Si l'EMI est autant une expérience de transformation de la personnalité,
c'est-à-dire si elle produit un véritable état
modifié de subjectivité qui perdure chez la plupart des
sujets, c'est probablement en raison des remaniements identificatoires
importants qui surviennent alors. On peut même avancer l'hypothèse
que l'expérience place le sujet dans des conditions comparables
au processus d'identification. Mais pas n'importe quelle identification
; il s'agit en effet d'une identification touchant l'identité,
donc la plus précoce, la plus fondamentale - celle qui a pour
support le corps comme médiateur de la réalité.
Pour étayer ce point de vue, les développements de Lacan
à propos du stade du miroir sont utiles (1966). Selon cet auteur,
le petit homme, « l'infans », aux alentours de six mois,
fait, par anticipation, une première expérience d'unité,
en manifestant de l'intérêt pour son image dans le miroir.
Cette première phase est suivie d'une deuxième, où
il sait que ce qu'il voit n'est qu'une image. Enfin vient une troisième
phase où l'enfant sait que celle image est la sienne (18 mois).
Il y a anticipation parce que la sensation d'exister entier comme sujet
ne viendra que plus tard. Toutefois, la personnalité trouve,
dans ce processus, sa base structurale : le sujet s'identifie à
ce qui lui est extérieur, Avant Lacan, Henri Wallon avait fait
la même remarque à propos de la représentation du
corps propre chez l'enfant. Celle-ci, écrivait-il, ne peut se
faire qu'en s'extériorisant, notamment par l'attirance pour les
enfants du même âge (Wallon, 1980).
Or que se passe-t-il chez un sujet vivant une EMI, si ce n'est un processus
qui ressemble à la troisième phase du stade du miroir
? Il reconnaît en effet son corps propre, mais, cette fois, il
a la certitude qu'il s'agit, non pas d'une image de celui-ci - une sorte
de rêve ou d'hallucination -, mais bien de sa réalité.
Or cette réalité est vécue comme transcendante
à tous les niveaux et, en particulier, au niveau des limites
et de la représentation du moi liée à la représentation
du corps. Celui-ci devient, en effet, un moi transcendé par cette
expérience du mourir sans angoisse. Et c'est en cela d'ailleurs
que cet « autre » moi peut être le support de nouvelles
identifications,
On peut ainsi avancer que cette expérience est moins archaïque
et régressive que celle de l'héautoscopie ou de l'hallucination.
Elle est, au contraire, symboligène. Dans ce sens, il n'est pas
étonnant que Wallon, dans le texte évoqué ci-dessus,
ait noté que le processus de représentation du corps propre
s'observe encore chez l'adulte, chez des moribonds et des noyés
(1980, p. 228).
Le négatif de la névrose traumatique
Ce thème de l'identification et de la symbolisation introduit
mon deuxième point : les névroses traumatiques. D'emblée,
je dirai que celles-ci sont l'exact négatif des EMI. Les conditions
qui mènent à de tels états psychopathologiques
ressemblent, en effet, très souvent à celles qui sont
liées aux EMI : accidents, noyades, combats, etc. Selon C. Barrois,
l'auteur contemporain qui s'est le plus penché sur la question
(1988), la névrose traumatique est à relier à «
l'image de la totalité [du sujet] menacée de façon
certaine et aiguë » (c'est moi qui souligne). Mais cette
crise qui voit se déployer le « spectre de la mort »
ou de l'arrêt de la vie se transforme en catastrophe, devient
dérégulation qui ne peut être dépassée.
En bref, il y a névrose traumatique lorsqu'un sujet soumis à
« l'imminence du corps à corps fatal [ne peut] échafauder
une formation de suture [c'est moi qui souligne]. Se développe
alors une kyrielle de symptômes psychosomatiques sur fond dépressif,
rebelles à toute médication et nécessitant une
prise en charge psychothérapeutique ».
Ici, donc, le sujet n'a pu faire fonctionner un idéal et utiliser
«l'opportunité » de la situation pour se transformer.
Il reste plutôt englué dans un trauma et hanté par
la mort. Rien de comparable par conséquent avec l'EMI, puisque
justement celle-ci permet apparemment l'inverse.
Pourquoi tel sujet développera-t-il une EMI, plutôt qu'une
névrose traumatique ? On pourrait avancer qu'a priori le rôle
du refoulement fait la différence. Dans la névrose traumatique,
il y a, en effet, échec de celui-ci, accompagné d'une
répétition; dans l'EMI, ce serait au contraire une réussite,
suivie d'une sublimation. Mais, en définitive, les choses ne
sont peut-être pas aussi tranchées, et il est sans doute
encore trop tôt pour répondre à cette question.
Cela dit, cette interrogation renforce l'idée qu'une EMI n'est
pas accessible à n'importe qui. De là à penser
qu'il y aurait une structure de personnalité, ou des prédispositions
favorisant une telle émergence, il n'y a qu'un pas, qu'il faut
bien se garder de franchir prestement.
Si le phénomène peut être compris, il faudra avoir
recours à des modèles pensant la complexité, afin
de combiner une histoire personnelle et une histoire événementielle.
Ces quelques hypothèses se bornant, pour le moment, à
ouvrir le débat, j'inviterai, pour conclure, chacun à
plus de méthodologie, comme le demandait le psychanalyste Michel
de M'Uzan à propos du défilé panoramique de la
vie chez le mourant (De M'Uzan, 1977, p. 191) : « Il faut retourner
à l'observation pour saisir et s'interroger sur la finalité
de cette activité psychique. »
C'est donc pour tenter de comprendre la finalité de ce travail
de « transpas », comme je suggère de le nommer, que
je me propose de continuer à conduire des entretiens avec des
expérienceurs.
1. Je préfère dire Expérience
de mort imminente (EMI) plutôt que NDE, parce que cette appellation
française lui est antérieure. Elle fut inventée
à l'occasion d'un débat qui s'est déroulé
en France, au XIXe siècle. Voir mon article dans le
Bulletin de l'IANDS, n°l 1, 1991.
2. K. Ring (1982, p. 39) écrit que l'agencement
des cinq séquences de base de l'expérience du substrat
représente une narration.
Voir l'article très suggestif du psychanalyste D.W. Winnicott
« La Crainte de l'effondrement », Nouvelle Revue de psychanalyse,
n° 11, printemps 1975, Gallimard, p. 35-44. Il y est notamment question
des « agonies primitives » et de la crainte inconsciente
de la mort.
4. Cette position a déjà été
développée dans mon article « L'EMI, un événement
de vie ? ». Bulletin de l'IANDS, n°9, 1990.
5. L'étude récente de K. Ring et
C. J. Rosing sur les antécédents et les répercussions
des NDE montre que K. Ring a confirmé son intuition- Voir le
compte rendu d'E.-S Mercier sur le congrès international sur
les NDE, Washington, août 1990, dans le Bulletin de l'IANDS,
n°9.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BARROIS C., Les Névroses traumatiques, Dunod, 1988.
FREUD S., L'Interprétation des rêves, PUF, 1900,
LACAN J., Ecrits, Ed. du Seuil, 1966.
LAPASSADE G., Les Etats modifiés de conscience. PUF,
coll. « Nodules », 1987.
MAHIEU-CASTELLANI G., Emblèmes de la mort. Le Dialogue de
l'image et du texte, Nizet, 1988.
M'UZAN M. de. De l'art à la mort. Gallimard, 1977.
NOYES ET KLETTI, « Depersonalization in the Face of Life Threatening
Danger: a Description », Psychiatry, n° 39, 1976, p.
19-27.
RAIMBAULT G., L'Enfant et la Mort. Privat, 1976.
RING K., Sur la frontière de la vie, Laffont, 1980.
SABOM M., Souvenirs de la mort, Laffont, 1982.
WALLON H., Les Origines du caractère chez l'enfant, PUF,
1930-1932 ; coll. « Le Psychologue », 1980.
2.
TRANSFORMATION DU RAPPORT AU CORPS ET RÉUSSITE DE L'INTÉGRATION
DANS LA NDE
Djohar Si AHMED
Psychanalyste
« Ici, il est question de la dispersion et de la dissolution
de l'égoïsme qui sépare [...]. L'égoïsme
et là cupidité isolent les humains. C'est pourquoi
il faut qu'une émotion religieuse s'empare de leur coeur.
Il doit se dissoudre, pris d'un frisson sacré devant l'éternité,
se sentir saisi d'émoi devant la présence pressentie
du créateur commun de tous les êtres, et faire l'expérience
de l'unité grâce à la puissance du sentiment
de communion. »
Le Yi King, hexagramme 59,
« La Dispersion »
Rien de ce qui est humain ne saurait être étranger
à la psychanalyse
Vaste sujet, terre quasi inexplorée... L'abord psychanalytique
des NDE et des récits des expériences nécessiterait,
à l'évidence, des développements considérables.
Aussi bien par les problèmes épistémologiques qu'ils
soulèvent que par les subtilités cliniques de chacun des
cas rencontrés. Aussi ai-je choisi, dans le cadre de cet article,
de ne pas présenter d'analyse psychopathologique particulière,
mais de poser quelques jalons d'une réflexion psychanalytique,
en ayant bien conscience qu'il s'agit surtout de prémices à
une véritable recherche sur ce sujet, dont la singularité
même appelle une modification radicale des préconceptions
théoriques de la psychanalyse. Le premier paradoxe auquel un
psychanalyste est confronté, dans l'abord de ces expériences,
est lié au fait que rien de ce qui est humain ne saurait lui
être étranger, alors même qu'à bien des égards
la NDE se présente comme un objet non métabolisable par
la pensée psychanalytique.
La conscience de la mort, corrélative de la conscience de la
finitude, de la conscience de contrainte et de la conscience du temps,
fut, dès les temps préhistoriques, un moment décisif
du processus d'humanisation, repérable par l'apparition des premières
sépultures et donc des premiers rites funéraires.
Cette émergence fut à l'origine de tout un imaginaire
sur la mort, longtemps fantasmée comme le moment d'un bilan,
moment de comptes et de règlements de comptes, d'estimations
du rapport entre bonnes et mauvaises actions. Ces conceptions sado-masochistes
sous-tendaient les croyances à l'enfer et au purgatoire, et faisaient
du remords et de la culpabilité la seule voie possible de rédemption.
Ce faisant, de nombreux rites funéraires s'organisèrent
autour de la personne du mourant, avant et après sa mort clinique,
assurant, surtout dans les sociétés traditionnelles, son
accompagnement, l'élaboration et le dépassement des angoisses
prae et postmortem, par le groupe familial et social.
Ces rites intervenaient comme des moyens de réintégration,
dans l'ordre symbolique, de tous les débordements imaginaires
et de toutes les angoisses inhérentes à une telle situation,
chez le mourant comme parmi ses proches.
Avec l'avènement de la société préindustrielle,
la mort est devenue, en Occident, l'un des tabous les plus prégnants
de notre société. Évacuée, niée,
elle est souvent corrélative de la mise en échec de la
toute-puissance médicale. D'autres que nous ont développé
dans le cadre de cet ouvrage les conséquences dramatiques de
cette exclusion de la mort, qui cesse d'être intégrée
au processus de la vie et fait disparaître tous les rites de passage,
si importants dans les sociétés traditionnelles, laissant,
de ce fait, les mourants face à la solitude aseptisée
de l'hôpital,
La NDE, ou expérience de mort transitoire, est un fait clinique
qui, jusqu'à ces dernières années, s'est trouvé
radicalement exclu du champ de la médecine, et également
de la conscience et du discours collectifs. Cependant, on en trouve
des traces, des élaborations, des récits, dès ]'Antiquité,
dans les Livres des morts égyptien et tibétain,
mais également dans des oeuvres plus récentes, littéraires
ou picturales, par exemple chez Jérôme Bosch, Dante, on
Gustave Doré.
Absentes du discours médical, la mort réelle et la NDE
le sont également du discours psychanalytique. La spiritualité,
le paranormal, la naissance et les traumatismes fondamentaux qui l'accompagnent
restent également exclus de la théorisation psychanalytique,
comme si la bizarrerie même de ces expériences ne pouvait
s'intégrer an corpus médical et psychanalytique, à
ce qu'il est de bon ton de penser ou de concevoir, qu'on soit médecin,
psychanalyste, journaliste ou même prêtre,
Ce rapprochement de la médecine et de la psychanalyse pourra
sembler un peu excessif, mais, s'il est vrai que la démarche
de la psychanalyse a été conçue en opposition à
celle de la médecine classique, elle fait toujours amplement
référence à tout un arrière-plan socioculturel,
religieux et scientifique. Ainsi en est-il de la place accordée
par la psychanalyse à une démarche rationnelle, fondée
sur le concept de causalité, visant à rechercher et à
dévoiler le sens caché et inconscient des symptômes,
ce qui aboutit, « incidemment », à leur disparition.
D'une façon certes plus subtile que ne le fait la tradition religieuse,
elle mobilise également toute la dynamique inconsciente liée
à la culpabilité, dans un lent travail de mise en Sens
(par conscientisation), qui permet, en principe, la levée du
refoulement secondaire, responsable de l'amnésie infantile. Le
sujet peut alors accéder à une plus grande liberté
intérieure.
Les effets des traumatismes infantiles sont traités de la même
façon, leur prise de conscience permettant un lent travail de
perlaboration, puis de dépassement de ces positions infantiles
liées au trauma. Le traumatisme n'étant, somme toute,
qu'un cas de figure par rapport à la culpabilité, dans
la mesure où l'élément pathogène n'est plus
le sujet lui-même, mais un objet ou une situation extérieure.
La psychanalyse ne travaille, de ce fait, et pour l'essentiel, que sur
le négatif : le malheur, la haine, les inhibitions, le manque,
les blessures narcissiques, etc.
Les NDE, les visions « folles » qui leur sont liées,
l'aventure élationnelle, voire spirituelle qu'elles représentent
- pour la majorité - sont, à bien des égards, des
matériaux difficilement compatibles avec la pensée médicale
on psychanalytique. C'est sans doute pourquoi ces récits extraordinaires
ont été soit tus, soit seulement communiqués aux
femmes de salle ou aux aides-soignantes des services de réanimation.
Dans une perspective plus historique, la scotomisation, la négation
des NDE est contemporaine de l'exclusion de la mort en tant que principe
d'existence, d'aboutissement et d'achèvement de la vie, et par
là même, intégrée au processus de la vie.
Si les NDE sont donc exclues du champ médical, c'est évidemment
en référence à l'instauration du tabou de la mort
: le médecin est là pour les vivants, pour éviter
la mort. Cette dernière représente un échec insupportable
pour la toute-puissance médicale, de même qu'une guérison
qui adviendrait sans le secours de la médecine officielle serait
tout aussi irrecevable.
Mort et psychanalyse
Lorsque, dans les années soixante, Elisabeth Kübler-Ross
chercha, dans la bibliothèque de médecine de Denver, des
ouvrages médicaux sur la mort et sur le passage de la vie à
la mort, elle fut stupéfaite de n'en trouver aucun, parmi les
centaines de milliers d'ouvrages disponibles. Si les médecins
n'ont rien à dire sur la mort, au point même qu'ils sont
incapables d'en proposer une définition stable et cohérente
- si ce n'est celle qui pourrait se référer au non-fonctionnement
de tel ou tel organe -, les psychanalystes sont encore moins diserts,
car la mort en tant qu'expérience vécue, en tant que mort
réelle, est à ce titre étrangère au champ
de la psychanalyse tel qu'il a été défini par Freud
et ses successeurs. De fait, l'objet d'étude privilégié
de cette discipline reste avant toute chose le discours. Tout doit y
être parlé, et en particulier le corps, le sexe et la mort.
La mort, comme Lacan l'a écrit, est donc du côté
du réel, et, dans cette perspective, les psychanalystes n'ont
rien à en dire...
Et pourtant, la mort est constamment présente dans le discours
et les écrits psychanalytiques. Mais de quelle mort s'agit-il
en fait ?
L'imaginaire, en tant qu'espace privilégié de la vie
psychique, est aussi le terrain sur lequel se situent la réflexion
et la pratique de la psychanalyse. La mort dont il est question est
donc, avant tout, une mort parlée, de laquelle on peut, le cas
échéant, inférer une mort imaginaire, une représentation
de la mort qui n'est, in fine, que la représentation de
la mort de l'autre, un sentiment de manque fondamental, éventuellement
vécu corporellement. Cet ensemble de considérations amène
les analystes à affirmer que la mort en tant que telle n'existe
pas pour l'inconscient, si ce n'est sous la forme d'un analogon
de l'angoisse de castration. Il peut aussi s'agir de l'élaboration
d'une angoisse plus archaïque, d'abandon, de séparation,
voire de morcellement.
D'autres développements ont conduit Freud 1
à postuler l'existence de pulsions de mort, qui seraient l'expression
de forces psychiques corrélatives d'un « moins de vie ».
Cette hypothèse, certes très contestée par les
analystes contemporains, postule l'existence, à partir de la
compulsion de répétition, d'une pulsion de mort tendant
à un retour vers l'inorganique. En effet, la répétition,
dans la mesure où elle est renfermement sur un système
clos rejetant le changement, les réaménagements, se présente
comme un ensemble de dispositions apparemment contraires à la
vie.
La maturation de la psyché humaine est envisagée comme
étant liée à une capacité de plus en plus
grande à assumer - notamment par la mise en place de nouveaux
mécanismes de défense - le manque à être,
et aussi à se libérer, dans une certaine mesure, de cette
compulsion de répétition. L'assomption du manque, du changement,
de la séparation devient donc synonyme de maturation psychique,
de l'évolution d'un Moi qui cesse de fonctionner selon les modalités
d'un système clos (avec toute la fragilité que cela suppose),
pour accéder à un fonctionnement propre aux systèmes
ouverts, par le passage du Moi-plaisir purifié an Principe de
réalité.
Ce processus, corrélatif de l'assomption et du dépassement
du manque, et donc, in fine, d'une « certaine idée
» de la mort, serait lié au cheminement psychanalytique
ou, de façon plus aléatoire, au cheminement même
de l'existence.
Mais la mort, ou plutôt le symbolisme de la mort, sa reprise
ou sa mise en scène, dans les sociétés traditionnelles,
ont fait et font partie de toute initiation ; mourir pour renaître
à une vie nouvelle.
La. mort et sa traduction initiatique sont alors perçues comme
ce qui délivre des forces négatives ou régressives,
comme une force dématérialisante, permettant à
la fois la libération de l'esprit - l'accès à la
spiritualité - et la régénérescence. En
résumé, l'acceptation de la mort, à un niveau donné
de l'évolution psychique et spirituelle d'un sujet, est corrélative
de l'accès à une vie plus mature.
L'angoisse de mort pourrait donc, au terme de ces réflexions,
être considérée comme l'expression d'une résistance
au changement, et la NDE elle-même comme un événement
ayant valeur de rite initiatique
La mort fantasmée sur laquelle se sont penchés les psychanalystes
serait une élaboration de cette angoisse de mort, un refus donc
de la mort dont il est facile de démontrer, par un détour
purement formel et logique, qu'elle s'intègre facilement à
la fantaisie imaginative, ou au fantasme décrit par De M'Uzan
dans Si j'étais mort (SJEM), fantasme au terme duquel
mon existence se poursuit puisque j'assiste à mes propres funérailles
(ma mort, en tant qu'anéantissement, n'existe donc pas).
On voit donc se profiler toutes sortes de constructions conceptuelles,
se référant apparemment à la mort, mais qui, à
y regarder de plus près, ne concernent que des aménagements
de l'inconscient et une dynamique pulsionnelle. On se trouve ainsi très
loin d'une possible appréhension de la mort réelle.
Je ne prétendrais pas, pour ma part, me livrer à l'approche
psychanalytique des NDE, qui est en elle-même, et dans l'état
actuel des connaissances et de la pratique psychanalytique, totalement
inconcevable. Et d'ailleurs, comme l'écrivait Octave Mannoni,
« on ne peut sublimer la mort, puisque ce n'est pas un mode de
vie ».
Aussi, la mort dont il s'agit en psychanalyse est une mort parlée
et si l'on comprend aisément que les psychanalystes n'aient rien
à dire de la mort physique, il n'en demeure pas moins étonnant
qu'ils ne se soient guère penchés sur les récits
des expérienceurs, récits d'une expérience de mort
qui n'a, et c'est là le point le plus extraordinaire, rien à
voir avec la mort réelle (puisqu'ils en sont revenus).
Quelle que soit l'hypothèse posée sur la nature exacte
de l'expérience (hallucinatoire, mystique, spirituelle ou extatique),
le matériel véhiculé par le récit d'un sujet
mort cliniquement puis réanimé peut être considéré
comme un matériel possiblement psychanalytique, malgré
ces particularités qui ne peuvent être sous-estimées
:
- le discours des expérienceurs ne se situe pas dans le cadre
d'une demande psychothérapique ;
- il a été et reste encore perçu comme irrecevable
par celui qui l'énonce : moment psychotique, ou délire
prenant tout à coup réalité ;
- par ailleurs, et si la nature hallucinatoire ou délirante
se trouve récusée, se présente une autre option,
celle d'une expérience spirituelle an sens étymologique
et premier du terme : témoignage d'une vie psychique transcendant
le corps réel, pouvant se manifester, penser, ressentir, percevoir,
en dehors de lui. Hypothèse difficilement envisageable pour
un psychanalyste « classique », pour lequel les limites
du corps et de la psyché sont et doivent toujours être
le plus clairement définies possible. S'il arrivait qu'elles
ne le fussent point, le rôle de l'analyste est alors de conjurer
les débordements imaginaires à l'origine de cet estompage
des limites du Moi. Problème épistémologique
de première importance et qui se posa déjà pour
moi, dans les mêmes termes, lorsque je tentai, lors d'un précédent
travail, de poser un regard psychanalytique sur les manifestations
paranormales.
Préconception psychanalytique mais aussi esprit du temps, moment
de l'histoire des mentalités, le matériel recueilli auprès
des expérienceurs est, de toute façon, sélectionné,
filtré, censuré, travesti en fonction des présupposés
d'un auteur et/ou d'un témoin. C'est bien là que réside
la profonde originalité du travail du Dr Moody qui publia, il
y a plus de vingt ans, les premiers récits de NDE.
Comment, en ce début de 1991, le grand public se représente-t-il
la NDE ? Quelles sont sa place et sa définition dans l'inconscient
collectif de notre temps ?
Un filin récent, Flatliners (en fiançais : L'Expérience
interdite) nous apporte à cet égard quelques réponses.
Un film n'est certes pas l'équivalent d'un document clinique,
ni le reflet d'une étude sociologique, mais, jusqu'à un
certain degré, on peut considérer qu'il participe un peu
des deux.
Flatliners reflète donc, à travers les choix de
son réalisateur, les croyances et les opinions sur les NDE d'une
grande partie de notre société. Rappelons le thème
de ce film :
Il s'agit de cinq jeunes internes en médecine, qui décident,
sous l'impulsion de l'un d'entre eux, de faire l'expérience de
la mort clinique transitoire, en prenant les plus grandes garanties
de réanimation, et ce, afin de vérifier l'hypothèse
d'un au-delà de la vie.
Bien que quelques éléments typiques des NDE se retrouvent
de-ci, de-là dans ce film, l'essentiel de l'action et des événements
tend à ramener le sujet dans an processus analytique extrêmement
conventionnel. Les héros de cette aventure, poursuivis par leur
passé refoulé en raison d'un trop-plein de culpabilité,
obtiennent, par cette tentative de mort clinique, la levée de
l'amnésie infantile pour affronter leur expérience traumatisante.
Le traumatisme et l'angoisse inhérente à sa reviviscence
se situent, tout comme dans l'analyse, dans un schéma judéo-chrétien,
an terme duquel le pardon, la compassion ou le travail de la mise en
Sens peuvent, enfin, ramener la paix.
Si l'intention du réalisateur était, en faisant ce film,
de nous mettre en garde contre la fascination de la NDE, il n'en demeure
pas moins qu'il interprète la NDE ni plus ni moins comme un travail
analytique, avec, en plus, les dangers d'une mort réelle. Seuls
les traumatismes de l'enfance y sont rencontrés.
Bien que la NDE puisse parfois revêtir, selon les témoignages
des expérienceurs, cette dynamique et ce contenu, elle est le
plus souvent en opposition avec ce schéma, fort proche du modèle
psychanalytique, où la culpabilité et son dépassement
occupent une si grande place
La psychanalyse, en tant que pratique et mode de pensée, ne
s'est certes pas définie indépendamment de ce contexte
socioculturel, même si parfois elle s'est située en opposition
radicale avec les idéologies du moment.
La NDE va se trouver complètement en porte-à-faux par
rapport à ce modèle psychanalytique relativement classique,
aussi bien par la nature même du matériel qui y surgit
que par la position du sujet qui la vit. En effet, il est loisible de
relever les différences suivantes entre l'expérience psychanalytique
et l'expérience de la NDE :
- la notion même de trauma disparaît dans la NDE, pour
faire place à une expérience élationnelle et
spirituelle (sauf dans les NDE négatives) ;
- il y a non seulement levée de l'amnésie infantile,
mais de surcroît hypermnésie ; le sujet accède
d'emblée à une compréhension profonde ou plutôt
à une connaissance (qui serait de l'ordre de la révélation)
de tous les sentiments et façons d'agir du petit enfant qu'il
a été, et de toutes les interactions enjeu dans les
situations passées un présentes ;
- cela dans le cadre d'une vision panoramique de l'existence, où
les limites entre mondes extérieur et intérieur s'estompent,
tout comme les notions de temps et d'espace, de soi et de l'autre.
C'est donc d'une révélation de l'intériorité
de soi et de l'autre qu'il s'agirait dans la NDE, révélation
où un rôle considérable serait joué par la
confrontation du sujet à un affect primordial, indicible, mais
toujours décrit par les expérienceurs, de façon
univoque, comme une lumière centrale, un véritable Amour/Sens.
Il s'agirait d'une confrontation à une sorte d'absolu face auquel
tout pourrait se réparer, se restructurer, reprendre un sens
heuristique, y compris le mode d'être au monde du sujet, sa vie
relationnelle et son identité.
L'évolution de certains expérienceurs le confirme : les
changements réalisés au cours de la NDE sont parfois fulgurants,
fondamentaux et semblent affecter les structures même de la vie
psychique des sujets.
De tels changements s'observent également - en fait très
rarement - dans le cadre d'un travail analytique, mais ils exigent de
longues années de déconstruction et de construction, dans
lesquelles l'intellect joue le rôle principal, et l'affect - certes
posé par Freud comme élément moteur du travail
analytique 1- est cantonné, de
fait, dans une position incidente.
Il faut reconnaître que, aujourd'hui comme hier, et au-delà
de leur grande variabilité d'un sujet à l'autre, les récits
de NDE montrent la réalité d'une expérience universelle
transcendant les cultures, et, pour une part, la problématique
de chaque sujet. « Pour une part » apporte une restriction
de taille, car les chercheurs, principalement américains, qui
se sont penchés sur les NDE, ont jusqu'à récemment
largement occulté l'histoire du sujet, sa problématique
et le sens que peut revêtir, dans l'existence du sujet, l'apparition
de cette expérience délimitant définitivement,
pour les expérienceurs, un avant et un après.
Processus de la NDE et processus de la naissance :
deux expériences de la fusion-défusion
Cela posé, rien ne nous empêche de faire l'hypothèse
que les NDE correspondent à un état intermédiaire
entre la mort réelle et la mort imaginaire. Ni tout à
fait réelle, ni tout à fait imaginaire, la NDE se situerait,
en effet, dans un entre-deux, sur une scène à la jonction
de la mort réelle (psychique et physique) - sur laquelle il est,
par définition, impossible de discourir - et de la mort rêvée,
anticipée, imaginée, dont le sujet est par définition
exclu, puisque, bien que mort, il se pense pensant (cf SJEM).
Ainsi, Didier Anzieu a-t-il décrit, non sans humour, la façon
dont la lecture du journal Le Monde est pour lui prétexte
à la satisfaction d'un « désir essentiel »
mais caché, qui est d'apprendre le nom des morts de la rubrique
nécrologique, en se posant finalement une question plus fondamentale
: « Vais-je trouver cette fois mon nom dans les colonnes nécrologiques
du journal ? » Poussant sa fantaisie plus avant, Anzieu se trouve
confronté à une « alternative, fréquente
dans la création tout court, entre une collusion et une collision.
La collision : je trouve mon nom dans la liste des défunts, l'émotion
me submerge, je perds connaissance, je tombe évanoui, ou pis,
la nouvelle de ma mort me tue. La collusion : à peine ai-je découvert
mon patronyme parmi les noms des disparus que je mesure le parti à
en tirer. Je délègue mon double dans le catafalque. Afin
de m'assurer de leur complet déroulement, j'assiste, déguisé,
à mes propres obsèques. Et vite, avant qu'on ne subodore
la méprise et que les innombrables institutions auxquelles je
suis asservi ne jettent à nouveau leur grappin sur mon bateau
libre, je file, ailleurs, vivre mon autre vie, une vie qui ne dépendrait
enfin que de moi, dans cet intervalle supplémentaire, tranquille
et joyeux jusqu'à ma seconde et dernière mort. Si peu
intellectuel soit-il, James Bond avait trouvé la juste formule
: on ne meurt que deux fois » (Anzieu, 1981) 2.
Si les psychanalystes se sont plus préoccupés de la mort
imaginaire que de la mort réelle, la référence
aux NDE n'est pas totalement absente des écrits psychanalytiques.
Ainsi Anzieu aborde-t-il ce thème et en propose-t-il une interprétation.
Selon lui, les récits des morts cliniques réanimés
sont, par la mise en scène hallucinatoire du panorama de leur
vie, accompagnés ou non de la rencontre avec la lumière,
des aménagements imaginaires à l'égard de l'épouvantable
angoisse de la finitude et de la mort. À ces angoisses s'opposerait
un fantasme de recommencement éternel, sorte de boucle qui se
refermerait, mort qui préluderait à une renaissance, préludant
elle-même à une autre mort, etc. De fait, de nombreux rapprochements
peuvent être envisagés entre le récit des NDE et
ce que nous pouvons inférer ou fantasmer de la vie foetale et
de la naissance, soit par l'analyse de rêves dits de naissance,
soit par l'analyse du matériel obtenu dans le cadre de régressions
hypnotiques, ou encore lors de la reviviscence de ces états archaïques,
par la pratique du travail de respiration holotropique 3
:
- Même sensation de flottement, même traversée
de tunnel, même débouché sur une lumière
étrange et indicible, mêmes rencontres avec des ombres,
des personnages, un bain de paroles, etc.
Ce faisant, quelques aspects de l'expérience et du fait clinique
que constitue la NDE cadrent mal avec ce point de vue rapprochant NDE
et naissance. Bien plus, des différences essentielles peuvent
être signalées entre le processus de la naissance, dans
ses aspects physiologiques - et psychiques - et ces expériences
de mort clinique
- Alors que le corps du foetus subit, lors de la traversée
de la filière pelvi-génitale, des traumatismes majeurs,
dont le corps gardera la mémoire, plus ou moins indépendamment
de la psyché (mémoire pouvant être retrouvée
dans les états de conscience non ordinaires), le corps d'un
expérienceur ne semble plus être qu'une pauvre dépouille,
dérisoire, regardée par lui avec une certaine commisération
: « dire que ce corps était au centre de toutes mes préoccupations
et de toutes mes souffrances... »
- Alors que la fantaisie SJEM, ou la vision panoramique de la vie,
peut être interprétée comme un renoncement à
la vie actuelle, permettant d'en rêver une meilleure, une plus
longue, une « ailleurs», l'expérienceur fait état
d'un scénario radicalement inverse. Il est invité ou
il prend conscience de la « mission » (créative,
éducative, spirituelle) à partir de - et dans - sa vie
actuelle. Il s'agit là non pas de l'élaboration d'un
scénario imaginaire pour une autre vie, mais d'un renoncement
à cette autre vie dans l' « au-delà » que
le sujet aurait pu avoir, pour mieux vivre celle dans laquelle il
se trouvait avant l'expérience de NDE.
- Il est enfin difficile de rester dans le cadre interprétatif,
où la primauté est donnée à l'imaginaire,
à un imaginaire correctement servi par un système neurophysiologique
efficace. Nous nous trouvons ici face à une réalité
médicale, celle d'un corps mort à lui-même quelques
minutes, minutes pendant lesquelles surgissent des processus psychiques
qui, à l'évidence, échappent an statut de simples
fantaisies imaginatives ou de simples hallucinations.
Si les NDE sont les grandes absentes du champ analytique, elles rejoignent,
comme je l'ai déjà dit, d'autres sujets qui défient
tout autant les cadres classiques de cette conceptualisation : la parapsychologie,
le corps réel, la joie, l'extase ou la spiritualité. Tout
se passe comme si la psychanalyse, désaliénant le sujet,
lui redonnant sa place de sujet parlant et désirant, le faisait
uniquement sur un plan horizontal, biographique, relationnel et chronologique,
oubliant, ou négligeant, toute préoccupation relative
à des effets d'ouverture du champ de conscience : émergence
spirituelle, expérience mystique, ou simple état de conscience
non ordinaire qui fait accéder le sujet à une dimension
qui est celle de la verticalité.
Les NDE constituent, de ce fait, un matériel hétérogène
au champ de la psychanalyse. Leur dimension spirituelle, l'ouverture
qu'elles réalisent sur d'autres dimensions font qu'elles relèvent
moins de l'analyse que du domaine de l'herméneutique.
L'herméneutique, ou « science de la critique et de l'interprétation
des textes bibliques ». selon Larousse, se réfère
à ce qui est caché et ce à quoi il est possible
d'accéder par une connaissance qui serait de l'ordre de la révélation.
Cela s'oppose radicalement à la découverte du caché
auquel la psychanalyse cherche à accéder par un travail
de décodage et de conscientisation.
Plus que d'une compréhension, c'est donc d'un sentiment personnel
qu'il pourrait s'agir et, à cet égard, le témoignage
de personnes ayant vécu à la fois l'expérience
de l'analyse et celle de la NDE nous est particulièrement précieux.
Ici, le mot compréhension perd son sens pour être remplacé
par celui de révélation ou action de dévoiler,
de laisser voir. La compréhension pouvant plus ou moins se superposer
à ce qui serait de l'ordre du savoir, la révélation
est ce qui serait de l'ordre de la connaissance.
Sentiment d'une « libération intérieure »
apportée par la psychanalyse, sentiment d'une « ouverture
sur une autre dimension, amenée par l'extérieur »
propre aux NDE. Ainsi s'exprime une de nos amies ayant vécu les
deux expériences qui précise par ailleurs, de son point
de vue très privilégié, quelques oppositions :
« Si la psychanalyse permet d'être plus libre vis-à-vis
de la vie, la NDE bouleverse celle-ci totalement.
[...] La psychanalyse vous fait évoluer dans la vie même,
permet d'être davantage soi-même ; la NDE vous propulse,
indépendamment de votre propre volonté, bien au-delà
de vous-même, dans des zones surhumaines, inaccessibles normalement
; la première incite à vivre pleinement, la seconde à
dépasser le comportement habituel, à évoluer moralement.
La psychanalyse fait devenir soi-même, pas plus ; la NDE nous
incite à monter d'un cran, à dépasser les valeurs
habituelles » (communication personnelle).
Ces grands bouleversements, dont la nature exacte reste encore très
énigmatique, s'accompagnent pourtant d'effets incidents qui,
eux, sont tout à fait accessibles à la réflexion
psychanalytique, quand bien même ils pourraient déjà
constituer, en eux-mêmes, un défi par rapport à
elle.
Ainsi en est-il de la relation du sujet à son propre corps.
Le corps dans l'analyse est avant tout un corps parlé, un corps
fantasmé, un corps qu'on dit également imaginaire, à
l'origine du concept d' « image inconsciente du corps »
de Françoise Dolto.
Cette image inconsciente est liée, selon cette dernière,
à toute une série de limitations ou de castrations imposées
par la loi (loi du désir), ramenant le sujet dans la voie de
la symbolisation. Telles sont les conditions mêmes de l'humanisation,
au terme de laquelle le sujet se constitue, sur la base d'un narcissisme
de plus en plus efficient, dont l'image du corps est le support.
Une telle conception privilégie bien évidemment la fonction
du langage adressé à l'enfant et l'élaboration
symbolique qui en résulte. L'originalité des observations
de Dolto a été de montrer, à la faveur de situations
beaucoup moins exceptionnelles qu'on ne le pense, la totale indépendance
de cette « image inconsciente du corps » (je pourrais dire
aussi psychisme ou narcissisme en suspens) à l'égard du
corps réel et de son fonctionnement neurophysiologique:
- capacité d'entendre et de métaboliser des interprétations
chez des sujets atteints de coma profond (et qui disent, ultérieurement,
s'être décorporés) ;
- apprentissage d'une langue étrangère chez un enfant
français hospitalisé à la suite d'un très
grave accident de la route, dans un service de réanimation
italien ;
- effets de restructuration symbolique à distance, etc.
Pour résumer les choses à l'extrême, l'accès
au registre symbolique est, pour Dolto, lié à toute une
succession de castrations symboligènes, aboutissant à
la constitution de cette « image inconsciente du corps »,
noyau psychique, centre du narcissisme, susceptible de s'autonomiser
du corps réel, bien qu'il ait été constitué
à partir de lui.
Dans certaines NDE (pas toutes, bien sûr), ce long cheminement,
consubstantiel de la maturation psychique et du travail de l'analyse,
se trouve comme réalisé d'un seul coup et de façon
fulgurante. Le corps réel cesse d'être le lieu d'un enfermement,
auquel il n'était possible d'échapper que par la fantasmatisation,
c'est-à-dire par des débordements de I'imaginaire. Le
sujet peut s'échapper du corps réel pour mieux le regarder,
mieux en percevoir les angoisses, les contours douloureux, les trous,
les pleins et les vides.
Le résultat de cette « escapade de la psyché »
serait une modification complète des données de cet imaginaire
lié au corps, conditionnant le mode d'être au monde du
sujet. Tous les débordements imaginaires perdent brusquement
leur raison d'être ; s'impose alors au sujet une image de lui-même
et de son corps qui le transcende. Cela pour les NDE positives et les
effets positifs des NDE.
NDE négatives et effets négatifs des NDE
Il est cependant un autre aspect de ces expériences dont il
faut maintenant parler, bien qu'un certain consensus de silence se soit
fait depuis les premières publications de R. Moody. Il s'agit
des NDE négatives et des effets négatifs des NDE.
Ce n'est, en effet, que très récemment, et de façon
incidente, que des témoignages de NDE négatives furent
publiés, en raison sans doute des présupposés des
premiers auteurs qui ne firent état que de NDE positives.
Le témoignage de Curd Jurgens cité par S. Grof (La
Rencontre de l'homme avec la mort4),
tout comme le cas d'une jeune femme rencontrée dans ma pratique,
montrent que, parfois, et pour des raisons qui restent à explorer,
le sujet se trouve confronté à des sentiments et à
des thèmes radicalement opposés à ceux des expériences
positives.
Ces NDE, qu'il faut bien appeler négatives, semblent renverser
en leur contraire, terme à terme, toutes les caractéristiques
cliniques et psychopathologiques de la NDE positive. Ce qui était
élation, amour, restructuration, union, narcissisation, recentrement,
effet symboligène devient détresse, haine, solitude, déstructuration,
dispersion, horreur, effet diaboligène (dans son opposition étymologique
à symboligène), perte de sens, etc.
Cet ensemble de données subjectives remet fortement en question
la croyance en une mort synonyme de béatitude et d'union cosmique
- si tant est que l'expérience racontée de la NDE puisse
correspondre à une entrée dans la mort réelle,
ce qui restera toujours à prouver, rappelons-le.
L'autre aspect que j'aimerais souligner concerne les effets négatifs
de certaines NDE dont le déroulement fut, selon les témoignages,
apparemment positif
Classiquement, et Moody fut l'un des premiers à attirer l'attention
sur ces phénomènes, les expérienceurs changent
radicalement, et de façon positive, leur mode d'être au
monde dans les suites de leur NDE : sentiment d'une mission à
accomplir, intérêt pour le monde et les gens, capacité
d'investir psychiquement et de faire aboutir des projets, parfois très
éloignés de leur cadre de vie antérieure, etc.
Dans de nombreux cas, cependant, il nous a été donné
de rencontrer des personnes qui, ayant vécu une NDE, n'avaient
absolument pas accédé à ces changements radicaux,
bien au contraire. On ne peut qu'être saisi, à leur contact,
par un malaise dû à l'écart entre leurs allégations
de changement et d'amour universel, et la réalité de leur
comportement : agressivité, mal ou très mal contrôlée,
enflure mégalomaniaque, sentiment d'appartenir à une caste
de privilégiés, le tout cachant mal une détresse
qu'ils reconnaissent difficilement.
Dans ces cas, en effet, les comportements des expérienceurs
évoquent, au décours des NDE, des dérapages ou
des ratages de ce qui, chez d'autres, est authentique changement. Tout
se passe comme si l'expérience fusionnelle avec le cosmos vécue
hors du corps, à l'origine d'un sentiment océanique, où
la notion même de limites est absente, marque à jamais,
et de deux façons diamétralement opposées, les
sujets revenus dans leur corps.
Parmi les hypothèses psychopathologiques qui peuvent être
envisagées pour rendre compte des effets négatifs des
NDE comme des effets positifs, on peut imaginer que l'essentiel du devenir
de l'expérienceur repose sur la façon dont son inconscient
a pu métaboliser ce moment de réintégration dans
les limites trop étroites de leur corps qu'ils décrivent
comme difficile, horrible, abominable. Ce mouvement s'accompagne d'un
sentiment fondamental de perte de relation caractérisant la fusion
cosmique vécue, ou revécue, lors de l'expérience.
Dès lors, deux possibilités peuvent être ici envisagées
concernant la façon dont le sujet négocie et négociera
cette « énergie libidinale en suspens » 5,
qui n'est autre que son narcissisme.
a) Le sujet peut accepter cette limitation, ce retour à des
limites étroites, grâce au fait qu'il a pu auparavant
constituer sa personnalité sur la base d'un narcissisme sain
lui ayant permis, lors de la NDE, d'alimenter, de ressourcer et de
conforter ce noyau d'identité de base. Le sujet peut alors
accéder, au décours de sa NDE, à une authentique
capacité d'amour et de compassion à l'égard d'autrui,
mais cet autrui est extrêmement bien identifié, perçu
dans ses qualités intrinsèques et spécifiques,
et il cesse, en grande partie, d'être un support de projection.
b) Ou alors, le sujet ne peut accepter le retour à cette limitation,
en raison probablement de sa fragilité narcissique, d'un sentiment
d'insécurité fondamental qui caractérise un grand
nombre de personnalités appelées « états
limites ». Ces personnalités, en butte à un tel
malaise identificatoire, tentent de trouver dans leur vie relationnelle,
et surtout dans le regard de l'autre, le reflet de ce qu'ils pourraient
être (ce qui est, par exemple, le cas de beaucoup d'acteurs).
De ce fait, le renoncement au sentiment élationnel vécu
lors de l'expérience est l'équivalent d'un deuil impossible,
au service duquel ils vont plier leur entourage, tentant de rejouer,
dans leur vie relationnelle, certains aspects de relation vécue
pendant la NDF, (mégalomanie, perte des limites du moi dans
une allégation d'amour universel) qui tendent à cacher
cette blessure narcissique, d'autant plus grave qu'elle vient raviver
le narcissisme défaillant d'origine. Corrélativement,
aucune capacité d'amour authentique n'est possible pour ces
sujets qui compensent leur faille narcissique par une érotisation
négative de leurs relations sociales : sentiment de supériorité,
sentiment d'appartenance à mi monde d'initiés touchés
par l'aile de Dieu, etc.
Au terme de cette contribution, nous pouvons dire que, si la psychanalyse
a les plus grandes difficultés à parler de l'expérience
de la NDE elle-même et surtout de ce qui serait son prolongement
hypothétique, à savoir l'entrée dans la mort réelle,
elle reste cependant précieuse pour :
- la recherche du sens que revêt l'apparition d'une NDE dans
la vie d'un sujet. Nous savons par expérience que cela a toujours
un sens par rapport à la problématique, à l'histoire
et à ce que vit le sujet au moment de l'événement
;
- l'étude et la réflexion sur la qualité de
la NDE et sur ses effets : NDE positives, NDE négatives, effets
positifs et effets négatifs des NDE ;
- la réflexion sur l'évolution, les processus de changement,
ou sur les difficultés à négocier avec la vie.
Les entretiens cliniques, peu nombreux il est vrai, que nous avons
pu mener auprès de sujets ayant vécu une NDE, nous laissent
à penser que, parallèlement à la réflexion
sur l'aspect spirituel de ces expériences, un regard, une réflexion
et une aide psychanalytiques sont nécessaires pour les sujets
qui, d'ailleurs, s'en défendent le plus : les expérienceurs
à effets négatifs. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une
appréhension psychanalytique classique, mais élargie,
tenant compte de l'énergie psychique, des différents modes
d'expression et de compréhension du narcissisme dans ses acceptions
les plus récentes et de l'introduction de l'aspect transpersonnel
de l'expérience, avec son cortège d'archétypes
et de mythes.
1. Freud, Etudes sur l'hystérie, PUF,
1956,
2. Didier Anzieu, Le Corps de l'oeuvre, Gallimard,
1981,
3. Stanislav Grof, Psychologie transpersonnelle.
Ed. du Rocher, 1984.
4. Stanislav Grof, John Halifax, La Rencontre
de l'homme avec la mort, Ed. du Rocher, 1982.
5. Selon l'expression de Louis Astruc, Créativité
et sciences humaines, Maloine, 1970.
3.
LA NDE, LA NAISSANCE, L'ANGE ET LE FANTÔME
Une clinique de la mort dans le travail de Françoise
Dolto
Didier DUMAS
psychanalyste
« Lorsqu'il s'agissait de visions extralucides, d'épisodes
qui se seraient passés à distance, ou de Visitation
par l'esprit des morts, je me hasardais à le reprendre pour
sa tendance à accepter les croyances occultes sur la base
de preuves bien minces. Il me répondait : " Cela ne me plaît
pas non plus, mais il y a quelques vérités là-dedans
" - exposant ainsi par une brève phrase les deux aspects
de sa nature. »
Ernest Jones
(La Vie et 1'Îuvre de Sigmund Freud)
Psychanalyse, parapsychologie et NDE
Peut-on penser la mort sans aucune référence à
l'enfant ? Peut-on prétendre aborder la question en ignorant
que le tout-petit n'a pas peur de la mort et que cette peur s'acquiert
par l'identification aux adultes tutélaires ? Freud se voulait
scientifique et, du même coup, athée. Il n'en constata
pas moins que, dans son inconscient, l'homme se croit immortel. Or,
ce à quoi il donna le nom d'inconscient, n'est-ce pas justement
le savoir de l'enfant en nous-mêmes ? N'est-ce pas ce savoir infantile
qui permit aux enfants juifs de narguer les bourreaux qui les immolaient
en dessinant des papillons sur les murs des chambres à gaz ?
N'est-ce donc pas de l'enfant que seraient nées en dernière
analyse toutes les religions ? Voilà les questions qui m'ont
engagé à mettre en continuité le travail de deux
femmes qui ont, toutes deux, affronté la question du maternel
comme une question première dans l'avenir de l'humanité
: Françoise Dolto et Elisabeth Külbler-Ross.
Les croyances ne sont valables que pour ceux qui se les forgent. Elles
ont de plus l'inconvénient majeur de pouvoir abrutir ceux à
qui on les inculque. Mon propos n'est donc pas ici de prêcher
pour l'immortalité de l'âme, mais de cerner en quoi les
NDE peuvent concerner les psychanalystes.
D'une façon générale, elles devraient les intéresser
pour plusieurs raisons : d'une part, parce que la mort et le sexe sont
au centre de la clinique psychanalytique ; de l'autre, parce qu'il s'agit
de témoignages sur un vécu psychique et que le rôle
des psychanalystes est d'être à l'écoute de tout
ce qui témoigne de la réalité psychique. La conversion
hystérique, le rituel obsessionnel ou la bouffée délirante
confrontent d'ailleurs le clinicien à des vécus psychiques
apparemment tout aussi mystérieux. L'homme obsessionnel qui ne
peut prononcer une seule parole sans auparavant en compter toutes les
syllabes sur les doigts de la main, et qui, en société,
semble passer son temps à compter des sous au fond de ses poches,
nous présente un univers tout aussi étrange que celui
qui nous raconte une OBE, un voyage hors de son corps. Tous les phénomènes
psychiques sont a priori mystérieux, mais il est surtout
évident que les cliniciens ne peuvent y avoir accès sans
la parole de ceux qui veulent bien se confier à eux. Les psychanalystes
ont donc toutes les raisons de se sentir concernés par les NDE.
Mais, en pratique, cela leur est difficile car, d'une part, les théories
auxquelles ils se réfèrent n'ont jamais cherché
à prendre en charge ce genre de phénomènes. De
l'autre, les expérienceurs, ceux qui témoignent
d'une sortie de leur corps au cours d'un coma ou d'autres circonstances
critiques, n'ont en général pas besoin de leurs services
pour bénéficier, au travers de cette expérience,
d'une évolution spirituelle allant souvent bien au-delà
de tout ce que les humains se sont donné comme outillage thérapeutique
dans le domaine de la mort. Ceux qui, en revanche, peuvent être
amenés à consulter un psychanalyste sont les expérienceurs
témoignant d'une NDE négative. J'entends par là
une NDE vécue par celui qui la relate comme un événement
traumatique.
En rejetant l'hypnose, les psychanalystes ont exclu de leur champ de
recherches toutes sortes de phénomènes psychiques dont
ils ont, du même coup, délégué l'étude
à la parapsychologie. C'est le cas des OBE. Le traumatisme psychique
est par contre au centre de la recherche analytique. On conçoit
donc qu'il puisse servir de pont entre deux domaines qui ont été
jusqu'alors antagonistes. C'est pourquoi j'ai choisi de présenter
ici quelques outils conceptuels permettant à un psychanalyste
d'intervenir dans les éventuels enjeux d'une NDE, lorsque celle-ci
se présente comme un événement traumatique.
Les NDE négatives ou traumatiques sont assez rares. Dans son
livre 1, Patrice Van Eersel en relève
quatre cas, dont deux vécus par des femmes. Or ces deux cas ont
un point commun. Il s'agit chaque fois d'un début de NDE survenant
à l'occasion d'une naissance.
Traumatisme de la naissance ou NDE ?
Le premier est celui de Nancy Bush *, pour qui cette
expérience de sortie du corps « fut tout simplement atroce
2 ». Elle était en train
de donner naissance à son deuxième enfant, une fille.
« Un accouchement insupportablement douloureux. A lui donner des
envies de meurtre, tant elle se sentait trahie. Cela faisait dix heures
qu'elle gisait là, en contractions. [...] Soudain, une brusque
chute de tension. Nancy s'évanouit- En un éclair, elle
se retrouve " flottant quelque part ", comme hors de son corps dans
une nuit d'encre. » Elle aperçoit alors « des centaines
de petits cercles noir et blanc clignotant autour d'elle, le noir devenant
blanc et vice versa », qu'elle reconnaîtra par la suite
comme le symbole chinois du yin et du yang. Ces « monstrueuses
figures géométriques » se moquent d'elle et lui
démolissent sa vie. « Un désespoir et un chagrin
atroces » la saisissent comme si tout ce qu'elle avait aimé
jusqu'alors était irrémédiablement détruit
3.
* Actuelle présidente de IANDS-Etats-Unis.
L'autre témoignage est celui d'une femme du Minnesota qui, elle
aussi, s'est évanouie au cours d'un accouchement. Même
scénario : une grande souffrance, une hémorragie et hop
! Le trou noir. [...] La jeune femme flotte un instant dans un «
no man's land léger et obscur ». Elle aussi a l'impression
que des « êtres » l'entourent, se moquent et s'amusent
d'elle. Cet amusement « lui est littéralement insupportable
», donnant à son vécu la tonalité d'un cauchemar
4. Donnait-elle, elle aussi, naissance
à une fille ? Le livre ne nous le dit pas et, d'ailleurs, ces
deux cas n'offrent pas assez de renseignements sur la vie, l'histoire
et les parents de ces deux femmes pour pouvoir avancer la moindre interprétation
psychanalytique. Il est, en revanche, possible d'interroger la dimension
traumatique de ces témoignages en les rapprochant d'un autre
cas de NDE survenant, elle aussi, au cours d'une naissance et relaté
par Françoise Dolto.
Il s'agit d'une femme qui fait un état convulsif et sombre dans
le coma, après avoir accouché d'une petite fille. Son
mari, qui a terminé sa psychanalyse avec Françoise Dolto,
la rappelle en urgence. Quelques jours auparavant, sa femme a mis au
monde leur deuxième enfant. Il la quitte au petit matin pour
aller chercher leur fils aîné. Tous deux repassent à
la clinique. La mère et le bébé vont bien. Il accompagne
son fils à l'école et, aussitôt après, lorsqu'il
revient, il retrouve sa femme dans un état convulsif ; malgré
les soins qu'on lui prodigue, celle-ci sombre dans le coma.
Quarante-huit heures plus tard, le réanimateur lui annonce que,
même si on la tire de là, ce ne sera pas sans séquelles
et qu'elle restera paralysée au moins des deux jambes. Envahi
par une haine violente contre la vie et l'impuissance de la médecine,
il reprend rendez-vous chez sa psychanalyste.
Il arrive chez Françoise Dolto dans « un incroyable état
d'agitation », lui annonçant qu'il ne restera pas avec
une femme infirme, « qu'il la tuera plutôt 5».
Là-dessus, il raconte que ses beaux-parents, alertés,
sont arrivés à la clinique, mais que sa belle-mère
a refusé de voir sa fille et est restée dans le couloir.
« Son beau-père, un peu gêné du refus de sa
femme, a alors révélé à son gendre l'histoire
de la naissance de leur fille : celle-ci était l'aînée
de quatre enfants, deux filles et deux fils. À sa naissance,
sa mère s'est mise à la détester et en a fait une
véritable phobie. Il en a été de même pour
le deuxième enfant, une fille aussi. Au contraire, elle avait
aimé, dès le premier jour, allaité et élevé
ses troisième et quatrième enfants, deux garçons.
Ses deux enfants aînés, les deux filles, ont dû être
élevées chacune sans voir leur mère jusqu'à
l'âge de la marche 6. »
Pensant qu' « avec un être dans le coma la parole passe
sans que nous sachions pourquoi 7 »,
Françoise Dolto, après avoir écouté cet
homme, lui conseille tout d'abord d'aller manger et dormir, ce qu'il
n'a pas fait depuis l'accouchement, pour ensuite retourner auprès
de sa femme et lui raconter l'histoire de sa propre naissance. Ainsi
fit-il et, dans les quelques heures qui suivirent, son épouse
sortit du coma sans aucune séquelle.
Au réveil, ses premières paroles furent : « Je
veux voir ma fille » ; puis, s'adressant à son mari : «
Je ne sais pas si j'ai rêvé, ou si c'est bien toi qui m'as
raconté ma naissance. J'ai tout de suite compris que c'était
à cause de cette histoire, que j'ignorais, que je n'avais
pas le droit d'avoir cette petite fille. Alors, je me suis échappée
du coma 8. » Elle décrivit
aussi ce qu'elle avait vécu pendant son coma : « Elle se
voyait dans un coin du plafond », d'où elle « observait
son mari et le réanimateur penchés au-dessus d'une forme
humaine aussi plate qu'une feuille de papier, sans savoir que c'était
son corps. Au moment où son mari s'est mis à lui expliquer
sa venue au monde, elle a ressenti une vive douleur en même temps
qu'elle se sentait rentrer par le sommet du crâne dans cette forme
raplapla, en la regonflant. Elle est alors rentrée dans un noir
très douloureux et c'est de là qu'elle est sortie en se
réveillant 9. »
Ce cas éclaire d'où peut surgir la dimension traumatique
d'une NDE, lorsque celle-ci est concomitante d'une naissance. Mais avant
d'y revenir, voyons tout d'abord comment la mort est pensée dans
le discours freudien.
L'image inconsciente du corps
C'est en élaborant la pulsion de mort, lorsqu'il écrit
Au-delà du principe de plaisir, que Freud constate que,
dans l'inconscient, l'être humain se croit immortel. Il n'en conclut
pas pour autant à l'immortalité de l'âme. Croyants
et incroyants peuvent alors se demander pourquoi. La réponse
est simple : parce que l'immortalité de l'âme ne peut pas
être une question centrale dans la clinique analytique. Ceux qui
font appel à un psychanalyste savent qu'il peut être plus
difficile de vivre que de mourir. Qu'ils en parlent ou qu'ils le taisent
n'y change rien, puisque c'est ce qui les décide à consulter.
La clinique analytique est donc directement concernée par la
mort, mais une mort qui ne se représente pas tant dans la perte
du corps que dans la perte de l'armature psychique qui permet de coordonner
les différents mouvements de la vie. Or, cette « armature
psychique » est ce que Françoise Dolto a appelé
l'image inconsciente du corps10.
Une « image » certes, mais une image posée comme
immatérielle, invisible, mais dont ne dépend pas moins
la possibilité de s'exprimer avec son corps, d'y réceptionner
l'autre ou de se projeter en lui.
Comment donc cette image apparaît-elle en clinique, puisqu'elle
nous est donnée comme invisible ? Elle apparaît dans la
mobilité des images que l'analysant produit pour son analyste
: à travers ses dessins et ce qu'il en dit, lorsqu'il s'agit
d'un enfant ; dans les images de ses rêves et de ce qu'il y associe,
lorsque c'est un adulte.
L'image inconsciente du corps n'apparaît ainsi qu'à travers
sa mobilité. Elle ne se dévoile que dans la mouvance des
images dont use la psyché, celles qui surgissent dans les rêves
et les fantasmes, mais aussi toutes celles qui apparaissent dans les
métaphores langagières qu'on utilise pour parler de soi.
Invisible mais mobile, l'image inconsciente du corps mémorise
toute l'histoire de la personne. Elle se structure dans la parole
: la langue maternelle, dans laquelle l'esprit se construit, Elle gouverne
la mobilité et l'équilibre du système de représentations
que nous utilisons dans le rapport aux autres. Elle permet d'assumer
ces deux choses étroitement liées que sont la sexualité
et la mort.
Il s'agit donc d'une armature mobile, dont la principale fonction est
de maintenir un équilibre entre des forces antinomiques, mais
néanmoins constitutives de l'esprit : celles du conscient et
celles de l'inconscient. Cette armature immatérielle coordonne,
par exemple, le conscient, qui associe le sexe au plaisir et à
la jouissance, et l'inconscient, qui l'associe à la pérennité
de l'être, à la survie de l'espèce et à la
mort. Mais elle coordonne aussi l'endroit où le conscient reconnaît
la mort comme une limite infranchissable, dont la butée est l'horreur,
la frayeur et l'effroi, et le lieu où l'inconscient, croyant
à l'immortalité de l'être, considère la perte
du corps comme une naissance vers un espace inconnu. Pour le psychanalyste,
si l'inconscient est incontournable, n'est-ce pas, en premier lieu,
parce qu'il est responsable de l'existence des religions ? Quant à
l'armature psychique qu'est l'image inconsciente du corps, lorsqu'elle
est mise à mal, c'est généralement à un
Fantôme que l'on doit ce genre de désordre.
L'Ange et le Fantôme
Le concept de Fantôme est important pour ce qui va suivre.
Défini par Nicolas Abraham 11
comme un objet de l'inconscient transmissible d'inconscient à
inconscient dans les relations de filiation, le fantôme fait
appel à une conception de l'inconscient assez différente
de celle proposée par Freud. Celui-ci considère que l'inconscient
est constitué des vécus oubliés de la petite enfance.
Il exclut donc que l'inconscient des parents, ou des figures tutélaires,
puisse jouer un rôle dans la constitution d'un inconscient posé,
du même coup, comme individuel. Or, voilà précisément
ce qu'un certain nombre d'analystes, dont moi-même, ont été
amenés à regarder de plus près 12.
Ces psychanalystes, dont la plupart ne se connaissent même pas,
proposent, chacun à leur façon, une conception de l'inconscient,
non plus individuelle, mais généalogique, ou plutôt
transgénérationnelle. Comme Freud, ils considèrent
que l'inconscient est constitué de « vécus oubliés
», mais que ces vécus peuvent aussi bien concerner l'histoire
de la personne que celle de ses parents ou de ses ancêtres. Je
ne développerai pas ici plus amplement ce point. Je l'ai déjà
fait dans deux de mes livres 13. Pour
ce qui suit, il suffit ici de considérer que le concept de Fantôme
se réfère à une conception du traumatisme, développée
seulement après la mort de Freud. Dans cette optique, le traumatisme
psychique est un événement qui s'installe de façon
pathologique, non pas à cause de sa violence intrinsèque,
mais parce que celle-ci remet en scène d'autres événements
similaires qui n'ont pas pu se parler dans le vécu des générations
antérieures. Le Fantôme conceptualise ainsi une absence
de parole qui, se transmettant comme une entité parasite, d'une
génération à l'autre, peut provoquer toutes sortes
de symptômes qui sont alors du registre de la hantise.
Dans ce cas, les symptômes expriment la façon dont la personne
est hantée par le secret d'un autre : ce qu'un père, une
mère, ou un ancêtre plus éloigné n'a pas
pu dire de lui-même dans sa vie propre. Ajoutons qu'avec la théorie
analytique classique on échoue dans ce cas à libérer
la personne de ses symptômes. Ceux-ci ne se dissolvent qu'en retrouvant
ce qui n'a pas pu se dire dans le vécu des générations
antérieures.
Mais comment retrouve-t-on cela dans la relation thérapeutique
? Comment y débusque-t-on un fantôme ?
Le plus souvent à l'aide d'un ange.
L'Ange est un concept indissociable de celui de Fantôme.
Il conceptualise tous les phénomènes bizarres mettant
en jeu une communication directe ou télépathique des inconscients
de l'analyste et de son client qui se révélera, dans l'après-coup,
comme ce qui a permis de débusquer un Fantôme et par là
même de le dissoudre. L'Ange est ainsi le représentant
d'un message réceptionné par d'autres voies que celles
de la parole. C'est un concept qui rend compte de la façon
dont le psychanalyste travaille en tout premier lieu avec son propre
inconscient.
Anges et fantômes sont dans les mythologies des figures qui,
lorsqu'elles apparaissent en relation à l'enfant, sont respectivement
annonciatrices de vie ou de mort. Émissaire du Ciel, figure de
lumière, l'Ange préside à l'Incarnation ou veille
sur la gestation de l'enfant. Représentant des ténèbres,
de ce qui n'arrive pas à mourir, le Fantôme est, lui, responsable
de la mort subite et sans raisons apparentes du nouveau-né. De
nombreuses cultures attribuent ces morts subites à des fantômes,
des esprits maléfiques ou des âmes errantes qui vident
les bébés de leur substance. Le loup-garou fait partie
de ces êtres redoutables. Mais le loup est aussi, dans notre mythologie,
le seul mammifère susceptible de se substituer à la mère,
lorsque celle-ci est morte. C'est une louve qui, en nourrissant Romulus
et Remus, permit la fondation de Rome. Or, quel est l'être le
mieux placé pour se substituer à la mère lorsque
celle-ci a disparu, sinon sa propre mère ? Voilà pourquoi
dans Le Petit Chaperon rouge, le loup représente un fantôme
précis, celui du ventre de la grand-mère qui, se substituant
à celle qui a porté l'enfant, peut, du même coup,
le lui ravir. Le cas relaté par Françoise Dolto présente
un Fantôme de même structure : un objet de l'inconscient
se manifestant comme la présence occulte d'une grand-mère.
C'est, en effet, le spectre d'une grand-mère qui, se manifestant
à la naissance d'une première petite fille, est ici responsable
d'une symptomatologie puerpérale.
Passons du Petit Chaperon rouge à la Belle au bois dormant,
puisque c'est l'amour qui vient à bout de ce fantôme. Françoise
Dolto rend compte en effet du travail d'un client qui ne la consulte
pas pour lui-même. Son analyse personnelle est terminée.
Il la consulte pour sa femme, espérant un miracle qui pourrait
la sortir du coma où elle a sombré. Est-il fou d'attendre
de la psychanalyse une chose aussi invraisemblable ? Certes pas, mais
à condition qu'il puisse assumer - comme un psychanalyste - de
travailler avec son inconscient, ou, en d'autres termes, nous l'avons
vu, de pouvoir prendre au sérieux la façon dont un Ange
peut s'y manifester. C'est d'ailleurs afin d'expliquer à son
auditoire de l'époque que le psychanalyste ne travaille pas avec
son conscient, mais avec son inconscient, que Françoise Dolto
décide de raconter ce cas.
Qu'il s'en rende compte ou pas, le mari assume donc, pour sa femme,
la position d'un psychanalyste, tandis qu'il met sa propre psychanalyste
dans la position d'un contrôleur 14.
Il arrive à l'heure dite et, d'entrée de jeu, il laisse
travailler son inconscient : il est dans « un incroyable état
d'agitation ». N'est-ce pas aussi ce qu'on appelle un état
modifié de conscience ? Il déclare qu'il est capable de
tuer sa femme, propos apparemment absurde, puisqu'il consulte justement
pour la sauver. Qu'actualise-t-il dans son agitation ? D'où vient
cette bouffée d'incohérences qui lui fait prononcer des
désirs de mort pour sa femme ? N'essaie-t-il pas, sans le savoir,
d'actualiser pour celle qui, dans son travail d'analysant, a remplacé
sa mère, un désir de mort qui concerne sa femme et qui
n'a eu jusqu'alors ni voix, ni visage ? C'est, en tout cas, ce que laisse
entendre l'enchaînement de ses propos puisque, ayant verbalisé
ce désir de mort, il continue, comme par hasard, sur ce que son
beau-père lui a appris de la naissance de sa femme. Il donne
ainsi à entendre que ce prétendu désir de mort
concerne la relation des mères aux filles, dans la lignée
de sa femme. Ce qui permet à Françoise Dolto de percevoir
un Fantôme : une terrible absence de mots dramatiquement à
l'oeuvre dans celle lignée.
Comme elle, gardons-nous bien d'attribuer des désirs de mort
à l'un ou l'autre des acteurs de ce drame. Il s'agit là
d'un Fantôme. Il faut donc, dans ce cas, se garder de croire
que ce qui apparaît comme des désirs de mort appartient
à quelqu'un en propre. L'erreur fondamentale aurait été,
par exemple, de les attribuer à la belle-mère de cet homme,
de croire qu'en refusant de voir ses filles avant qu'elles ne soient
en âge de marcher cette mère aurait désiré
les voir mourir. Non, si cette femme n'a pas pu se comporter autrement
à la naissance de ses filles, c'est que déjà, pour
elle, ce Fantôme, cette terrible absence de mots revenant dans
la relation mère-fille l'avait rendue dramatiquement phobique
de ses propres filles, Ainsi, si son client avait voulu trouver les
clefs de cette histoire sans paroles, Françoise Dolto aurait
dû l'engager à aller en chercher les mots manquants dans
la première année de la vie de sa belle-mère, si
ce n'est dans celle de la mère ou de la grand-mère de
celle-ci. Là n'était bien sur pas son propos, puisque
cet homme ne la consultait pas pour la phobie de sa belle-mère,
mais pour l'état dans lequel avait sombré sa femme. Françoise
Dolto l'engage donc à assumer jusqu'au bout ce que lui dicte
son propre inconscient, en allant verbaliser à celle qui est
dans le coma les mots manquants dans la première année
de sa vie. Telle est la clef du miracle de la résurrection :
le Prince Charmant ayant trouvé la voie par où s'exprime
l'Ange, la Belle endormie émerge des brumes opaques où
elle avait sombré.
Le génie clinique de Françoise Dolto a surpris plusieurs
générations d'analystes, mais rares sont ceux qui ont
pu voir que ce génie reposait sur la théorie qu'elle s'était
donnée pour assumer son métier. Or, c'est sa théorie
de l'image inconsciente du corps qui lui a permis de travailler
d'une façon aussi surprenante pour tous ses collègues.
L'étrangeté de cette « image » ne se limite
pas à son invisibilité. L'image du corps possède
en plus une étonnante autonomie dans ses rapports à la
réalité du corps physique. Voilà, d'ailleurs, ce
qui apparaissait incompréhensible aux collègues qui l'écoutaient
à l'époque.
Dans ce séminaire, elle relate, à la suite de ce cas,
celui d'un enfant qui apprend une langue étrangère au
cours d'un coma profond, un enfant ayant appris l'italien « extradé
de son corps ». « Qu'est-ce qu'une conscience - demande-t-elle
- si les comateux sortis de leur période d'inconscience portent
en eux la trace enregistrée de ce qui s'est dit et passé
autour deux ? » Ses auditeurs sont stupéfaits. Pour répondre
à leur étonnement, elle évoque alors une clinique
qui leur est plus familière, celle des enfants autistes. Ces
enfants sont comme les schizophrènes. Ils « ne localisent
visiblement pas dans leur corps l'endroit où ils se trouvent
». Ils ont « l'air d'être inconscients ». Ils
refusent de se servir de leurs yeux, ne regardent rien. Ils ont «
l'air d'être ailleurs », ce qui fait que nous nous mettons
à parler d'eux sans nous adresser à leur propre personne.
« C'est cela qui est troublant », affirme-t-elle. Mais n'est-ce
pas parce qu' « ils ne focalisent pas leur personne dans leur
image du corps située dans l'espace et le volume de ce corps-là15
» ? En effet, lorsqu'on travaille avec des autistes, il est assez
étonnant de constater que ces enfants ne situent pas forcément
leur image du corps dans la réalité physique de leur propre
corps.
Apparaissant, dans les phénomènes psychotiques, comme
une « image » capable de se déconnecter de la réalité
physique, l'image inconsciente du corps trouve par là même
sa place dans l'étude des NDE. L'Ange et le Fantôme
sont aussi des concepts pouvant apporter un certain éclairage
dans la compréhension de tous les états modifiés
de conscience, qu'il s'agisse de ceux dont témoignent les pratiques
initiatiques et les thérapies qui en sont issues, ou de ceux
comme les NDE et les OBE, qui surgissent spontanément.
La naissance : un état modifié de conscience
La mise au monde d'un enfant se présente souvent elle-même
comme un état modifié de conscience, marqué par
la reviviscence d'un état antérieur. Nombreuses sont celles
qui racontent avoir revécu, à cette occasion, leur propre
naissance. Cela est plus particulièrement fréquent lorsqu'il
s'agit soit d'un premier enfant, soit de celui ayant la même place
que la mère dans sa propre fratrie, soit encore d'une fille aînée,
comme dans le cas présenté ci-dessus. Or, le retour d'un
vécu antérieur remettant en scène sa propre naissance
est d'autant plus susceptible de télescoper celui d'une NDE que
ces deux événements suivent un scénario structurellement
semblable. En naissant, l'enfant découvre un univers dont il
ne pouvait rien se représenter auparavant. Il y est accueilli
par un être qu'il rencontre pour la première fois, celle
qu'il va devoir reconnaître comme sa mère. De même,
l'expérienceur qui, après avoir constaté
qu'il n'est plus dans son corps, découvre un univers dont il
ne pouvait rien percevoir auparavant et où il est accueilli par
un être immatériel. Or, ces êtres qui apparaissent
dans les NDE prennent aussi l'une de ces deux figures du monde immatériel
que symbolisent l'Ange et le Fantôme. Ce sont soit des êtres
faits de transparence ou de pure lumière, qui peuvent alors aussi
prendre la forme d'une des figures de sa mythologie d'incarnation, le
Christ ou Bouddha. Mais ce sont aussi, très souvent, des êtres
déjà décédés, l'un ou l'autre des
parents, ou toute autre personne dont on a eu à porter le deuil.
Dans les NDE, ces revenants n'ont rien de menaçant. Ils n'apparaissent
pas moins comme des fantômes, puisque l'expérienceur
les visualise sous l'apparence qu'ils avaient de leur vivant, comme
si la mort ne les avait nullement modifiés. Ils peuvent en effet
apparaître beaucoup plus jeunes qu'ils ne l'étaient en
mourant, ce qui nous invite à repenser ce qui constitue le vécu
d'une NDE. On a beaucoup mis l'accent sur la dimension transcendantale
de ce vécu qui repousse les frontières de la mort. On
s'est moins penché sur la dimension subjective à travers
laquelle il s'exprime. Que certains rencontrent le Christ et d'autres
Bouddha indique déjà que le vécu d'une NDE prend
aussi sa source dans un imaginaire s'étant constitué dans
l'espace terrestre et qui est, à ce titre, porteur de l'ensemble
des vécus antérieurs qui en ont permis la constitution.
Toute bizarrerie ou événement non conforme au modèle
que présente l'ensemble de toutes les NDE peut ainsi être
renvoyé à la constitution personnelle et terrestre de
l'imaginaire, aux traumatismes qu'on y a rencontrés et aux fantômes
hérités de son histoire familiale.
Lorsque Elisabeth KübIer-Ross raconte à Patrice Van Eersel
que, depuis ses OBE au Monroe Institute, elle dialogue avec un ange,
elle l'appelle « tantôt son guide, tantôt son fantôme
16 ». Dans les états modifiés
de conscience, la frontière permettant de différencier
un ange d'un fantôme est assez floue. Mais n'est-ce pas aussi
la confusion entre ces deux ordres de représentation qui semble
être ici responsable de la dimension traumatique d'une NDE concomitante
d'une naissance ?
Le cas présenté par Françoise Dolto nous laisse
penser que, en accouchant, une femme peut tout à la fois revivre
sa propre naissance et faire une NDE. On conçoit alors que, dans
ce cas, la similitude des deux scénarios induise une confusion
entre l'ange qu'a été sa propre mère et celui qui
garde les portes du Ciel. Quelles sont donc ces figures immatérielles
qui, dans les deux cas rapportés par Patrice Van Eersel, se moquent
de la parturiente, lui démolissent sa vie et donnent à
la NDE la tonalité d'un cauchemar ? Est-ce là aussi un
Fantôme grand-maternel, une fée Carabosse revendiquant
ses droits auprès du berceau, une entité parasite que
les structures de l'inconscient cherchent à représenter
afin d'en protéger l'enfant ? Ou est-ce un Ange dont la mission
serait de mettre des mots aux endroits où, dans la généalogie
maternelle, le Verbe s'est violemment brisé ? N'est-ce pas étrange
que ce soit la figure du yin/yang qui persécute Nancy Bush au
moment où elle donne naissance, elle aussi, à une petite
fille ? Symbole universel de la dualité, le yin/ yang est précisément
ce sur quoi débouche une naissance : la relation duelle de la
mère et de l'enfant. Mais gardons-nous d'interpréter le
vécu de quiconque en l'absence de son propre témoignage.
J'ai écrit ces quelques lignes pour montrer comment la psychanalyse
peut apporter un nouvel éclairage sur ces mystérieux phénomènes
que représentent aux yeux de la rationalité occidentale
les NDE et les OBE. Mais je les ai aussi écrites en nourrissant
l'espoir que l'étude des NDE et des OBE puisse nous proposer
une nouvelle vision de ce que nous appelons, à défaut
d'autres termes, la psychose. Et à ce niveau, ce n'est pas la
similitude, mais la diversité des vécus dont témoignent
les expérienceurs qui, peu à peu, nous en apprendra plus.
1. Patrice Van Eersel, La Source noire, Grasset
1986.
2. Ibid., p. 295-296.
3. Ibid.
4. Ibid., p. 299-300.
5. Françoise Dolto, Séminaire
de psychanalyse d'enfants, tome 1, Ed. du Seuil, 1982, p. 115.
6. Ibid., p. 115-116.
7. Ibid., p. 116.
8. Ibid., p. 116, souligné par moi.
9. Ibid.1
10. Françoise Dolto, L'Image inconsciente
du corps. Ed. du Seuil, 1984.
11, Nicolas Abraham, « Notules sur le
fantôme », in Nicolas Abraham, Maria Torok, L'Ecorce
et le Noyau, Aubier-Flammarion, 1978.
12. Ces analystes sont :
Lucien Mélèse, « Epilepsie psychanalyse »,
in Psychanalyse à l'Université, tome 1, n°
2, 1976 ; « Voie royale ou forêt vierge », in
Patio. n° 2, 1984 ;
Nicolas Abraham, Maria Torok, op. cit.;
S. Guyotat, Mort/Naissance et filiation, Masson, 1980
;
Alain de Mijolla, Les Visiteurs du moi. Belles Lettres,
1981 ;
Claude Nachin, Le Deuil d'amour. Editions Universitaires,
1989
Didier Dumas, L'Ange et le Fantôme, Minuit, 1985
; Hantise et clinique de l'Autre, Aubier, 1989.
13. L'Ange et le Fantôme et Hantise
et clinique de l'Autre, 1989.
14. On appelle « contrôleur »
le psychanalyste qu'on consulte lorsque, faisant soi-même ce métier,
on éprouve le besoin de parler avec un autre du travail qu'on
effectue avec ses propres clients.
15. Françoise Dolto, Séminaire
de psychanalyse d'enfants, p. 118, souligné par moi.
16. La Source noire, p. 274.